Communiqué de presse
Cinq étudiantes du Mastère « Management des Industries de Santé » de l’Ecole Supérieure de Commerce de Toulouse, de formation scientifique et commerciale, ont mené leur enquête sur les cosmétiques biologiques, en collaboration avec la Mission Agrobiosciences, en vue d’établir un état des lieux de la composition de ces produits, de leurs évaluations et de leurs certifications, pour y voir plus clair dans ce monde de beauté. Ce dossier a reçu l’aval de scientifiques tels que le chimiste Armand Lattes, ancien Président de la Société Française de Chimie, et Daniel Zalko, chercheur à l’Inra [1] sur les perturbateurs endocriniens.
Cosmétiques biologiques... mais qu’est ce que c’est ?
Le Code de la Santé Publique donne la définition suivante du cosmétique : « Un produit cosmétique est une substance ou préparation destinée à être mise en contact avec les diverses parties superficielles du corps humain, par exemple, la peau, les cheveux, les ongles, les lèvres ou encore les dents, en vue, exclusivement ou principalement, de les nettoyer, de les parfumer, d’en modifier l’aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou d’en corriger les odeurs ».
Jusqu’à présent, les cosmétiques étaient considérés uniquement comme des produits de beauté, visant à améliorer la qualité des couches superficielles de la peau. Pourtant aujourd’hui, ces produits se positionnent largement sur le soin et se retrouvent à la frontière entre beauté et traitement. Se pose alors le problème, notamment, de leur passage à travers les couches plus profondes de la peau ainsi que les conséquences de leur accumulation dans notre organisme ; d’où, à priori, l’intérêt d’un label biologique en la matière.
Si les cosmétiques biologiques représentent aujourd’hui une part infime du marché des cosmétiques (2% en Europe), leur croissance est considérable : ils pourraient atteindre 1/3 des ventes des cosmétiques d’ici 2013. Les efforts marketing sur ces produits semblent donc porter leurs fruits. Pourtant, les cosmétiques biologiques, qui se veulent meilleurs pour l’environnement comme pour la santé, n’ont toujours pas de définition règlementaire.
Cosmétiques, ça rime avec risques ?
Les cosmétiques classiques sont fabriqués avec une foule d’ingrédients. Ils doivent sentir bons, être agréables au toucher, à la vue tout en étant dépourvus de risques pour la santé. De nombreuses substances ont fait l’objet d’études approfondies dans le but de prouver leur innocuité. Dans ce cadre, les parabènes, connus d’un grand nombre de consommateurs, sont sur le devant de la scène. Une étude scientifique a, en effet, émis l’hypothèse d’une relation entre parabènes et cancer du sein. Mais elle présentait des limites méthodologiques qui ne permettent pas d’établir de lien direct. D’autres études ont mis en évidence un effet œstrogénique des parabènes, c’est-à-dire la capacité de copier l’effet des oestrogènes, hormones naturellement présentes dans le corps humain. Or celles-ci jouent un rôle dans le développement du cancer du sein. Néanmoins, là encore, ces études soulignent que l’effet œstrogénique des parabènes n’est pas suffisant pour déclencher cette pathologie à lui tout seul. Toutefois, par mesure de précaution, l’AFSSAPS [2] a choisi d’interdire l’utilisation de certains parabènes. Plusieurs substances sont à présent interdites dans la composition des cosmétiques, d’autres sont en cours d’évaluation et il est clair que la responsabilité des industriels est en jeu dans le choix de la composition de leurs produits.
Vos papiers, s’il vous plaît !
Reconnaissant enfin que les cosmétiques, y compris biologiques, peuvent traverser la barrière cutanée à long terme, l’Union européenne a pris la décision de les soumettre au règlement REACH [3], prenant effet cette année et venant compléter la Directive européenne Cosmétique. Malheureusement, ce texte prévoit plusieurs exceptions et aménagements... Surtout, les ingrédients des cosmétiques biologiques et naturels (c’est-à-dire non chimiquement modifiés) sont exclus de son champ d’application. Du coup, l’évaluation de la toxicité de certaines substances passera à la trappe.
Trop bio pour être vrai ?
Pour garantir la qualité des cosmétiques biologiques, il faut alors faire confiance aux nombreux labels présents sur le marché de l’industrie cosmétique. Ces labels sont attribués par des organismes privés qui garantissent le respect d’un cahier des charges précis conditionnant le choix des matières premières, les procédés de fabrication, le respect de certaines valeurs éthiques et environnementales. Ainsi, Ecocert s’assure que les produits vendus sous sa certification contiennent au minimum 95% d’ingrédients d’origine naturelle dont 10% issus de l’agriculture biologique. Les 5% d’ingrédients restants peuvent donc être des produits de synthèse selon une liste très précise de conservateurs et autres composants. Du côté des procédés de fabrication, ces organismes privilégient les processus physiques aux processus chimiques car ces derniers peuvent laisser des traces, c’est-à-dire des substances de synthèse, dans le produit final. Naît ici un paradoxe : un produit d’origine naturelle peut donc contenir des éléments de synthèse.
En 2008, l’AFSSAPS et la DGCCRF [4] ont réalisé une enquête auprès de 28 produits portant la mention « bio ». Satisfaisante du point de vue de la qualité des cosmétiques analysés, ces recherches ont cependant révélé des traces infimes de parabènes dans certains de ces produits biologiques (bien en-dessous des limites autorisées). Des résultats qui montrent les failles de la réglementation et des organismes certificateurs pour bannir totalement ces produits de la composition de nos cosmétiques. Car il faut bien différencier ingrédients d’origine naturelle, donc substances d’origine végétale, minérale ou animale qui ont pu subir une transformation, et ingrédients biologiques, substances d’origine végétale cultivées de façon biologique, sans engrais ou pesticide de synthèse.
La guerre des labels
Dans un souci d’harmonisation et de transparence, sept organismes européens (organismes certificateurs et associations de fabricants) se sont associés pour créer le label européen « Cosmos », qui, à l’origine, se voulait unique, clair et à la portée du consommateur.
Cependant, « Natrue », un second label européen, a vu le jour en 2009 à l’initiative de l’Allemagne et de la Suisse. Le marché des cosmétiques biologiques est donc à présent encadré par plusieurs organismes certificateurs, des labels nationaux et deux labels européens... Un flou qui ne fait que s’accentuer et laisse le consommateur... le teint brouillé.
Contacts presse :
Catherine Baurès, catherine_baures@yahoo.fr
Sonia Bedda, bedda.sonia@neuf.fr
- Consulter le site du Groupe ESC Toulouse
Télécharger le dossier produit par les étudiants en Mastère Management des Industries de la Santé.
Lire sur le magazine Web de la Mission Agrobiosciences (publications originales accessibles gratuitement) :
- On a bio dire, quel méli-mélo !. L’intégrale de l’émission de "ça ne mange pas de pain !". Le bio sous toutes les coutures : histoire, rapport à la nature, effet sur la santé, imaginaire du mangeur bio...
- Le règlement Reach, fait comme un rat ?. La revue de presse de la Mission Agrobiosciences, septembre 2009. Avec la réaction d’Armand Lattes, Réglement Reach : Nous subissons les conséquences d’une négligence des politiques scientifiques.
- Alicaments et cosmetofood : trop beaux pour être vrais ?. Avec Béatrice de Reynal, nutritionniste, directrice de Nutrimarketing. Entretien réalisé dans le cadre de "ça ne mange pas de pain !" d’octobre 2008, "Les industries agroalimentaires, mais qu’est-ce qu’elles fabriquent ?".
- Trop gros, trop maigres ? Décoder ces normes qui nous (top)-modèlent !. Entretien conduit par Valérie Péan, Mission Agrobiosciences, avec Patrick Denoux, Professeur de Psychologie Interculturelle à l’Université de Picardie Jules Verne, Amiens.