15/05/2020
Revue de presse du 15/05/2020
Nature du document: Revue de presse

#Coronavirus. Achat alimentaires : des habitudes mises hors sac ?

Depuis lundi 11 mai, l’heure est au déconfinement et à la reprise progressive, ou non, de nos habitudes d’antan. Dans le champ de l’alimentation, pour beaucoup, la crise du Covid-19 a engendré un examen des étagères du garde-manger, sur fond d’inquiétudes : qu’allions-nous manger et à quel prix ? Puis, plus concrètement, vinrent la fermeture des marchés et des frontières, la ruée sur les denrées non périssables, mais aussi, le renouvellement des sources d’approvisionnement : commerces de proximité, “drive” et autres points de vente éphémères. Deux mois après, comment la crise du Covid-19 a-t-elle impacté nos habitudes alimentaires ? Passage en revue de la presse et des enquêtes réalisées.

L’hyper, c’est pas super

« Sur le devant de la scène depuis le début de la crise, les distributeurs et, plus largement, le modèle agro-industriel, souvent décriés, vont-ils connaître un retour en grâce ? » A cette question posée par certains experts au début de la crise (voir cette première revue de presse), répond une réalité toute autre. Premier élément qui tend à nuancer cette hypothèse, le dernier baromètre de l’Association des industries agroalimentaires (Ania) qui montre que, « depuis mars, la baisse de chiffre d’affaires constatée par les industries agroalimentaires se chiffre à 22% » (Web-agri). Deuxième élément tangible, cette analyse de Philippe Moati, cofondateur de l’Observatoire société et consommation (Obsoco), pour qui l’hypermarché est «  le grand perdant de la crise". Les raisons ? " les consommateurs s’y sentent moins en sécurité d’un point de vue sanitaire. Ajoutez que pour s’y rendre, les déplacements sont plus longs, ce qui fait craindre à certains de se faire verbaliser » (L’Usine Nouvelle). Résultat, d’après une étude du cabinet Mintel, 27% des Français auraient davantage fait leurs courses chez des détaillants locaux que dans leur grande surface habituelle (Process Alimentaire). Les commerces de proximité ne sont pas les seuls à avoir été plébiscités. Le Monde indique par exemple que l’entreprise « La Ruche qui dit Oui » a gagné 37 000 clients, en plus de ses 160 000 membres déjà actifs. Notons enfin que la fermeture des quelques 10 000 marchés que compte le territoire a conduit les producteurs à s’organiser autour de nouveaux points de vente éphémères, accélérant la pratique du « drive ». En définitive, « cette crise conforte les réseaux de vente directe déjà constitués » (Le Monde), comme les AMAP, d’ailleurs elles-aussi nées d’une autre crise, celle de la vache folle.

La bio, le brut et le local

Qu’en est-il à présent du contenu des paniers ? Les 14 et 15 avril derniers, l’ONG pionnière du commerce équitable Max Havelaar confiait à l’institut de sondage Opinion Way, la réalisation d’une étude portant sur la consommation des Français à l’heure du Covid-19. Les résultats : parmi les 1092 consommateurs sondés, 45% privilégieraient désormais les produits locaux, 39% le « made in France » et 29% le bio. Un essor du bio que confirme de son côté LSA, le magazine ayant enregistré, entre le 24/02 et le 12/04, une croissance de 32% de la vente de produits bio. Y aurait-il un vent de changement dans l’air ? Pour Philippe Moati, « une chose est certaine : on observait déjà, avant la crise, une remise en cause du modèle d’hyperconsommation. Entre 2015 et novembre 2019, la part de personnes aspirant à consommer moins mais mieux est passée de 26 à 36 % » (L’Usine Nouvelle). Nombre d’études vont aujourd’hui dans le sens de cette analyse. Citons pêle-mêle celle de Mobeye (55% des consommateurs envisagent de consommer "différemment" après le confinement, c’est à dire plus de produits locaux, français, bio, bruts), de LSA (38% des Français sont favorables au retour de la production en France) ou d’OpinionWay (pour 69% des consommateurs, la crise révèle l’importance de se tourner vers des achats plus "responsables").

Au prix fort

Et l’addition, dans tout ça ? D’après une étude réalisée par Kantar durant la cinquième semaine du confinement, 74% des Français ont le sentiment que les prix ont augmenté (Linéaires). Dans les faits, cela s’est par exemple traduit par une hausse de 2,5% du prix moyen du ticket de caisse, entre la semaine du 2 au 9 mars et celle du 6 au 11 avril (UFC-Que Choisir dans Les Échos). Pour le comprendre, il faut distinguer l’augmentation du prix des denrées elles-mêmes, c’est-à-dire l’inflation, de celles liées à la transformation de nos pratiques, aux sources d’approvisionnement alimentaire et à la disponibilité des produits. Dès lors, « tous les panélistes démontrent que l’inflation est nulle, mais le panier n’en a pas moins augmenté, pour de multiples raisons : moins de promo (pour 70% des catégories essentielles), un arbitrage en faveur des produits d’origine tricolore plus onéreux que les produits d’import, ou encore la fréquentation accrue de la proximité aux tarifs plus élevés  » (Linéaires). Or, selon l’UFC-Que Choisir, « c’est un autre phénomène qui alourdit la facture : la rupture de stocks des marques de bas et moyen de gamme, qui pousse les consommateurs à se rabattre sur des produits de gamme plus importante mais encore disponibles en rayon, et donc bien plus chers ». Par exemple, la baisse de 38% des références de farine s’est traduite par une augmentation 14%, en moyenne, de son prix. Vous suivez ? Autre phénomène constaté, la hausse d’environ 9% du prix des fruits et légumes. Comme l’expliquent Les Échos, la raison première tient à la baisse voire l’arrêt total de certaines importations, à l’instar de la fraise espagnole, dont le coût est en moyenne 70% inférieur à celui de son homologue française. Ajoutez l’augmentation de 30% des frais de transport «  liés à la mise en place de mesures de sécurité comme le nettoyage du matériel », ou encore la multiplication des emballages pour protéger les produits frais, et vous comprenez bien que le ticket flambe.

Pas tous dans le même panier

Résumons : en plus de ses retombées sur le porte-monnaie, la crise du Covid-19 a généré des transformations de nos habitudes alimentaires, tant vis-à-vis des sources d’approvisionnement que de la nature des produits consommés. Ces dernières s’inscriront-elles dans la durée ? Par sûr, comme l’explique cet article du blog The Conversation : « Consommation : les intentions d’aujourd’hui ne seront pas forcément les comportements de demain ». Le point de vue des auteurs, enseignants-chercheurs en marketing et techniques de commercialisation, est le suivant : chez les individus qui font déjà montre d’une «  consommation socialement responsable », il est probable que la crise légitime et renforce leurs pratiques. Or, pour celles et ceux « convertis à la faveur de la crise », le retour voire l’aggravation des contraintes financières et d’emplois du temps risquent de mettre à mal à la perpétuation de ces nouvelles pratiques. Sans compter que pour Philippe Moati, une « ligne de fracture très nette  » se dessine déjà « entre ceux qui subissent une forte dégradation de leurs revenus (30% des personnes interrogées disent souffrir d’une baisse de moyens) et les autres, qui continuent de gagner leur salaire d’avant (France Culture). » Un point qu’avait d’ailleurs déjà souligné, sur nos pages, l’historien spécialiste des consommations alimentaires, Martin Bruegel (lire : « Les impacts de la pénurie répliquent les inégalités entre les ménages »).

Sources  :

Ventes en recul de 22% - L’agroalimentaire a plongé pendant le confinement, Web-agri, le 12/05/2020

« Le grand perdant de la crise est l’hypermarché », selon Philippe Moati, L’Usine Nouvelle, le 09/05/2020

Covid-19 : selon Mintel, la crise profite aux produits locaux et fonctionnels, Process Alimentaire, le 11/05/2020

Coronavirus : consommer dans le monde d’après, Le Monde, le 10/02/2020

Coronavirus : l’alimentation en circuit court est plébiscitée par les Français, Le Monde, 20/04/2020

Consommation : « Le Covid-18 accentue des clivages qui laissent présager des troubles sociaux à venir », France Culture, le 26/04/2020

L’après confinement : 80% des Français souhaitent consommer plus « responsable », Bio à la Une, le 11/05/2020

Les 5 raisons du rebond du bio pendant la crise du Coronavirus, LSA, le 23/04/2020

Consommation : que va-t-il se passer après le confinement ? LSA, le 20/04/2020

Quel impact du Covid-19 sur les habitudes d’achat des Français ? Mobeye, le 07/04/2020

Pâtes, œufs, farine, savon…les pénuries alourdissent la facture du caddie, Les Échos, le 21/04/2020

Coronavirus : pourquoi le prix des fruits et légumes a augmenté ? Les Echos, le 22/04/2020

Consommation : les intentions d’aujourd’hui ne seront pas forcément les comportements de demain, The Conversation, le 04/05/2020

Le monde, L’Usine Nouvelle, Les Echos, Linéaires, etc

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