Une procédure de débat inédite
- Un groupe d’une douzaine d’acteurs (chercheurs, agriculteurs, représentants d’entreprises, d’associations et d’ONG) [2] engagés publiquement dans les débats sur les OGM, constitué à parité d’opposants et de défenseurs, a accepté de participer, au cours du dernier trimestre 2009, de septembre à décembre, à cinq séances thématiques, de quatre heures chacune. La « règle du jeu » : écouter des tables rondes introductives où interviennent des chercheurs invités, puis débattre collectivement sur le sujet du jour. A l’issue de chaque séance, deux personnalités hors champ de la problématique des OGM, présentes tout au long du dispositif, opéraient une relecture à vif des échanges : Patrick Denoux, Professeur de psychologie interculturelle, et Dominique Desjeux, anthropologue de la consommation.
- Une procédure pensée sur un temps long pour favoriser la dynamique collective et aborder, séance après séance, les différentes facettes de la problématique des OGM : sociologiques ; biologiques ; philosophiques ; économiques et juridiques ; expertise et politique.
Les tables rondes introductives de ces différents volets, comme autant d’états de l’art de la question des OGM ("L’état de la société", "L’état des sciences du vivant"….) constituent la première partie de l’ouvrage.
Une nouvelle grille d’analyse et de compréhension du débat OGM
Cinq séances donc. Toutes intégralement enregistrées, décryptées, puis analysées. Avec, comme principe clairement affiché : ne pas faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre mais, dans le respect de propos exprimés, contribuer à la compréhension du débat sur les OGM, par l’identification de ses ressorts, de ses lignes de tension ou de convergence.
Sylvie Berthier et Valérie Péan distinguent ainsi trois portes d’entrée : les éléments qui relèvent de la sphère du non négociable – ce sur quoi "nous ne serons jamais d’accord" - ; les éléments qu’il convient aujourd’hui d’instruire – les nouvelles controverses ou espaces de tension naissante ; et les éléments dits de convergence, à ne pas considérer toutefois comme autant de consensus. Une grille de lecture qui met clairement en exergue les lignes avérées de tension.
Un exemple parmi d’autres : la question de la valeur du seuil d’étiquetage "avec ou sans OGM". Les auteurs montrent que celle-ci relève de la sphère du "non négociable". « Placé trop haut (…), il constitue pour une partie des acteurs engagés un laisser-passer pour les OGM. (…) Placé trop bas (…), le seuil est jugé irréalisable techniquement et trop coûteux économiquement (…). Bref, la notion de seuil est à considérer comme une ligne de démarcation séparant deux types de points de vue ».
Au-delà des objets pour lesquels le divorce est d’ores et déjà prononcé, cet ouvrage fait surgir les schémas de pensée à l’œuvre dans la problématique OGM, schémas qui dépassent souvent le strict cadre de cette problématique. Dans la quatrième et dernière partie, dédiée aux points de convergence, on peut notamment lire que les participants comme les intervenants ont reconnu que, « derrière les OGM, ce sont, en grande partie, les modèles agricoles qui sont discutés. Le débat se nourrit ainsi des conceptions que chacun a de l’agriculture et de l’alimentation selon le contexte économique, social ou culturel dans lequel l’individu se place, ainsi que les valeurs et les intérêts qu’il entend défendre. » Non pas uniquement un débat sur un objet technologique, mais sur des modèles de société, ici mis à plat.
Les OGM à l’épreuve des arguments, Sylvie Berthier et Valérie Péan, Editions Quae Collection "Matière à débattre et décider", Novembre 2011. 192 pages, 28€.
Accéder à la présentation de l’ouvrage sur le site des éditions Quae
Sommaire
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE. LES TABLES RONDES
- L’état de la société : risques, craintes, incertitudes et perceptions des biotechnologies.
Daniel Boy, directeur de recherche au Cevipof ; Francis Chateauraynaud, sociologue, chercheur à l’EHESS, Jocelyn Raude, maître de conférence en sociologie à l’EHESP. - L’état des sciences du vivant : le front des connaissances et des techniques actuelles.
François Angevin, agronome, Inra Grignon ; Rémi Barré, Professeur de politique scientifique au Conservatoire National des Arts et Métiers ; Denis Couvet, professeur en biologie de la conservation au Museum national d’histoire naturelle ; Michel Dron, professeur de biologie et de phytopathologie végétales. - Les apports de l’approche philosophique dans le débat sur les biotechnologies et les plantes transgéniques
Bernadette Bensaude-Vincent, philosophe et historienne des sciences, Professeur l’université Paris 1 ; Dominique Bourg, philosophe, professeur d’université à Lausanne. - Approches juridiques et économiques des plantes génétiquement modifiées
Philippe Chalmin, agrégé d’histoire et professeur d’histoire économique à l’Université Paris Dauphine, Stéphane Lemarié, directeur de recherches Inra, ; Emmanuelle Rial-Sebbag, chercheur en sciences juridiques au sein de la plateforme « Génétique et société », Génopole Toulouse Midi-Pyrénées. - Expertise et procédures démocratiques
Olivier Godard, directeur de recherches CNRS, professeur à l’école polytechnique ; Marie-Angèle Hermitte, directeur de recherches CNRS, directeur d’études à l’EHESS. - Les intervenants
DEUXIEME PARTIE. LES LIGNES DE FRACTURE QUE REVELENT LES OGM - Aux risques d’un désaccord majeur
- Qui manipule qui ?
- L’entrechoc des libertés, le poids des dépendances
- Ce seuil qui nous sépare
- Des intérêts en conflit
TROISIEME PARTIE. DES CONTROVERSES ENCORE A INSTRUIRE
- L’équivalence en substance : un principe pertinent ?
- L’évaluation en questions
- Essais : les champs de la discorde
- La confusion des responsabilités
QUATRIEME PARTIE. DES REFORMULATIONS ET DES POINTS DE CONVERGENCE
- Où placer le curseur ?
- Quelle place pour des rationalités non scientifiques ?
- Le chercheur, l’expert, le juge : perdent-ils leurs moyens ?
- Vers un nouveau modèle d’expertise
- OGM et modèles agricoles : l’impasse de la voie unique
- Décideurs politiques : faites vos choix !
Pour contacter les auteurs :
Accéder à tous les entretiens et publications : "OGM et Progrès en Débat" Des points de vue transdisciplinaires... pour contribuer au débat démocratique. Edités par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences.