29/01/2025
Revue de presse du mercredi 29 janvier 2025
Nature du document: Revue de presse

Faut-il désarmer la « police de l’environnement » ?

La polémique enfle autour des 1.700 agents déployés sur le terrain par l’Office Français de la Biodiversité (OFB). Déclarations syndicales maladroites et petites phrases politiques incendiaires focalisent la querelle autour du port d’une arme à feu par cette nouvelle « police de l’environnement » apparue en janvier 2020. La disparition pure et simple de ces « Rangers » à la française est désormais sur la table.

Quelle mouche a piqué François Bayrou ? Au détour de son discours de politique générale à l’Assemblée Nationale, le premier ministre évoque « l’humiliation par un agriculteur de voir sa ferme inspectée, arme à la ceinture ». En réaction, un syndicaliste de l’OFB réagit le 15 janvier au micro de France Inter en expliquant avoir « le sentiment que ce que veulent les agriculteurs, c’est ne plus nous voir dans leurs exploitations. C’est du même ordre que si les dealers demandaient aux policiers de ne plus venir dans les cités », rapporte France Télévisions. La comparaison déclenche à son tour une réaction en chaîne. « S’ils veulent être armés, ils n’ont qu’à aller voir comment ça se passe dans les quartiers nord de Marseille, là où il y a du deal de drogue. Là, ils verront qu’une arme là-bas, c’est utile », déclare le président de la FDSEA de Corrèze lors d’une manifestation à Tulle, où du fumier est déversé devant les bureaux de l’OFB. D’autres manifs éclatent dans toute la France. A Toulouse, ce sont les troupes de la Coordination Rurale qui sont arrivées les premières le samedi, suivies dimanche soir par une quarantaine de membres de FDSEA alliée aux Jeunes Agriculteurs. Le concierge de 63 ans confie avoir eu peur à cause des « débordements » en pleine nuit, en dépit de la présence de gendarmes sur place : « On ne s’est pas sentis protégés ».

Surenchère syndicale avant le scrutin pour désigner les nouveaux élus dans les chambres d’agriculture ? « Le problème, ce n’est pas l’OFB, assure la Confédération Paysanne dans l’Aude à la télévision régionale. Les paysans sont à cran parce qu’ils ne se paient pas. Il n’y a pas de revenus, pas de prix garantis, pas de réponse du gouvernement » (lire les actes du débat "Revenus des agriculteurs : les consommateurs ont-ils vraiment la main ?"). Les syndicats agricoles n’ont pas attendu les derniers éclats de voix médiatiques pour manifester devant les bureaux de l’OFB. A Blanzy, petite commune de moins de 6.000 habitants dans l’ancien bassin minier du Creusot, les Jeunes Agriculteurs ont inauguré à leur façon en novembre dernier les nouveaux bureaux de l’Office « des fouines et des blaireaux », rapporte un site régional d’information en ligne, photos à l’appui. Les manifestants dénoncent pêle-mêle le calendrier pour tailler les haies imposées par une réglementation européenne, le curage des fossés ou les attaques du loup en Saône-et-Loire, énumère L’Informateur de Bourgogne. « Est-ce qu’il faut vraiment venir armé quand on vient contrôler une haie ? » demandait déjà Gabriel Attal en janvier 2024 ? Un an avant François Bayrou, un autre chef de gouvernement avait allumé la mèche lors des grandes manifestations des « agriculteurs en colère » de l’hiver dernier, rappelle TF1.

Elue en 2021 à la présidence de l’OFB, Sylvie Gustave-dit-Duflo avait fini par répondre fermement par la négative à la revendication portée par la FNSEA de désarmer ses agents, signalait en mars dernier Le Figaro. Cette élue guadeloupéenne faisait valoir que 85 agents auraient été « tués en mission ». Ils auraient aussi dégainé leur arme à 65 reprises, selon le directeur de l’Office « mais jamais devant un agriculteur ». Dans une récente interview à Libération, l’élue antillaise qui est membre de la majorité présidentielle défend ses agents, y compris contre le gouvernement. « Cela fait 35 ans que cette police existe - avant, c’étaient nos fameux gardes champêtres et garde-chasses - et on n’a jamais entendu un seul fait de port d’arme exagéré, d’atteinte aux personnes ou quoi que ce soit d’autre », s’étonne Sylvie Gustave-dit-Duflo.

Il n’empêche. Pour l’ancien syndicaliste agricole Jean-Paul Pelras, l’OFB « soutenu par la doxa environnementaliste » se serait « discrédité » en raison de « l’excès de zèle » de ses agents. Le chroniqueur du Point invite députés et sénateurs « à trancher sans trembler entre ceux qui doivent lutter jour après jour pour vivre de leur métier et ceux qui sont payés par la société pour les contrôler ». En clair, couper les crédits et a minima le lien avec le ministère de l’Environnement de cette « police » bicéphale, également placée sous la tutelle du ministère de l’Agriculture. Pas question, répond la ministre de la Transition Ecologique, qui assure dans La Croix avoir trouvé un terrain d’entente avec sa collègue Annie Genevard. Agnès Pannier-Runacher recadre au passage « les propos irresponsables » de certains élus de droite comme Laurent Wauquiez. Le chef de file des députés LR réclame la suppression pure et simple de l’OFB. « Attention à la tentation trumpiste », alerte dans l’Obs une député macroniste du Finistère. Présentée comme « la seule agricultrice bio » de l’Assemblée, Sandrine Le Feur s’inquiète aussi de la coupe des crédits budgétaires de l’Agence Bio et de l’Ademe préconisée par les sénateurs.

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Par Stéphane Thépot, journaliste

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