05/09/2014
Alimentation et société : Revue de presse du 5 Septembre 2014

Embargo sur les produits alimentaires : des Russes et des ruses ?

Fini de jouer, la Russie n’apprécie pas l’ingérence de l’Union Européenne dans son pré carré, l’Ukraine, et encore moins les sanctions économiques qui en découlent. Depuis le 6 août dernier, l’UE fait face à un embargo russe sur ses produits alimentaires en réaction aux sanctions économiques bruxelloises. Les Etats-Unis, l’Australie, le Canada et la Norvège sont eux aussi concernés. Qu’importent les relations commerciales et le régime alimentaire de ses citoyens, le Kremlin entend envoyer un signal fort à ce qui rappelle le bloc de l’ouest.
Viande, plats cuisinés, lait, céréales, fruits et légumes européens vont donc devoir trouver d’autres marchés pour rémunérer leurs producteurs, même si déjà certains trouvent le moyen de contourner ce nouveau rideau de fer. Supposé durer un an, cet embargo s’annonce douloureux pour les agriculteurs européens qui vont devoir subir, ou soutenir, la politique étrangère bruxelloise.
Le point dans cette revue de presse réalisée par Victor Zylberberg pour la Mission Agrobiosciences.

Un effet domino sur les cours

De fait, ce que nous enseigne en premier cet embargo, c’est l’importance de la Russie comme partenaire commercial de l’Europe. En temps normal, selon Challenges, Moscou « absorbe 10% des exportations agricoles et agroalimentaires de l’UE, pour un montant de 12 milliards d’euros par an ». On comprend mieux les inquiétudes exprimées ces derniers jours dans les médias, par les producteurs français. Reste que ce sont l’Ukraine, le Brésil, l’Allemagne et les Pays-Bas, regroupant à eux seuls 35% de la consommation alimentaire russe, qui vont être les pays les plus affectés par cette mesure.
Car côté français, en apparence, l’impact est moindre, toujours selon Challenges. En 2013, Paris n’a ainsi exporté en 2013 « que » 1,17 milliards d’euros de denrées alimentaire vers la Russie, dont 450 millions en vins et spiritueux qui ne sont d’ailleurs pas concernés par l’embargo. Poutine n’allait tout de même pas priver ses concitoyens en la matière, réputés à tort ou à raison gros consommateurs d’alcool.
Pourtant, dans l’Hexagone, l’inquiétude des agriculteurs va croissante. Ils redoutent que les agriculteurs des autres pays européens, ne pouvant exporter vers la Russie, reportent leur production sur le marché communautaire, d’où la crainte d’une baisse des prix, comme l’explique le président de la fédération des producteurs de fruits français, Luc Barbier tout comme, dans le Figaro cette fois , le président de Coop de France.
D’autant qu’à long terme, se dessine la difficulté de retisser des liens avec le marché russe. Pour Luc Barbier, « le risque pour les Européens est aussi de se voir confisquer des parts de marché au profit de l’Asie ou de l’Amérique Latine, qu’il sera ensuite très difficile de reconquérir ».

La grande distribution boit du petit lait

En réalité, « l’effet de l’embargo ne se fait pas vraiment sentir en France, sauf sur le lait », assure 20 Minutes. Bien qu’étant seulement au 8ème rang des importations de produits laitiers en Russie, les producteurs français s’inquiètent en effet de la baisse des cours qui a lieu depuis un mois, tandis que « la grande distribution profite de son côté de la situation pour tirer encore plus les prix vers le bas », relate Le Monde.
La Fédération nationale des producteurs de lait réplique en les appelant à ne pas payer la facture de la politique de Poutine, rapporte le quotidien du soir, et précise que « l’embargo ne doit pas servir de mauvais prétexte à l’aval de la filière » en profitant de la baisse des prix.
Au passage, précisions que la Russie est aussi le premier client de l’entreprise française Danone. Ici, pourtant, aucune menace, Danone possède déjà 24 usines là-bas, explique Challenges. Les Russes ne manqueront certainement pas de yaourts.

Du blé pour remplacer les balles

Refusant que les produits européens soient « les obus du conflit ukrainien » (20 Minutes), Guy Vasseur, président de l’Assemblée permanente des Chambres d’Agriculture appelle donc à un soutien de l’UE envers ses agriculteurs. Pour le moment, 240 millions d’euros d’aides sont prévues pour soutenir ces derniers, dont 30 millions destinés à « des programmes de promotion visant à aider le secteur alimentaire à trouver de nouveaux débouchés » selon Le Figaro.
Alors que dans ce même quotidien, le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, juge « intéressantes » les solutions proposées par Bruxelles, Guy Vasseur analyse la situation différemment. Pour lui, ce n’est pas suffisant, « il faut sortir du seul budget agricole car l’embargo russe est une mesure de rétorsion qui découle d’un conflit géopolitique ».
Quant à Bruxelles, elle n’entend pas en rester là et compte fragiliser les positions de la Russie puisqu’elle a déjà porté plainte devant l’OMC, relate Challenges. D’après l’hebdomadaire, les producteurs français espèrent beaucoup, non seulement de cette instance mais aussi des ménages russes qui risquent de faire grise mine face aux étals vides. Pas sûr, rétorque Guy Vasseur dans 20 Minutes, car pour lui « l’embargo est évolutif » puisque Moscou a déjà permis le 20 aout la reprise des importations de pois à semer, de maïs doux ou de semences de pommes de terre ». De fait, reste ce point aveugle : la durée de l’embargo.
En attendant, côté français, la résistance s’organise déjà. Pour France Info, « les exportateurs français réussissent très bien à contourner l’embargo imposé aux produits agricoles par la Russie ». Il suffit de ruser un peu, en étiquetant des produits français comme étant des produits marocains par exemple, et hop, le tour est joué. Ou encore en faisant passer les produits par le Belarus ou le Kazakhstan, deux pays liés par une union douanière avec la Russie...

Revue de presse du 5 septembre 2014 par Victor Zylberberg


Au sujet de la Russie, voyez aussi : La Russie et la vodka
Ma Russie-Morceaux d’histoire

Le Monde Du 3 septembre 2014

Le Figaro Du 3 septembre 2014

France Info Du 4 septembre 2014 par Dominique Loriou

Challenges Du 8 aout 2014

20 Minutes Du 3 septembre 2014 par Bertrand de Volontat

Le Monde, Le Figaro, France Info, Challenge, 20 Minutes
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