25/04/2013
La revue de presse de la Mission Agrobiosciences, 25 avril 2013

Accaparement des terres agricoles : l’Europe n’est pas en reste (article revue de presse)

Jusqu’à présent, le phénomène concernait les pays du Sud, particulièrement l’Afrique. Les Etats y louent ou cèdent, souvent pour une bouchée de pain, de vastes étendues de terres arables à des firmes étrangères censées, en échange, moderniser l’agriculture et créer des emplois. Hier marginal, l’accaparement des terres agricoles s’est accéléré au lendemain de la crise économique et financière de 2007. Le foncier est ainsi devenu le nouveau terrain de jeu des investisseurs ; les marchés agricoles celui des spéculateurs. Reste ceci : selon un rapport publié ce 17 avril par la Coordination européenne Via Campesina et le think tank « Transnational institute », l’accaparement des terres sévit aussi sous nos latitudes. Etat des lieux dans cette revue de presse de la Mission Agrobiosciences.

La conquête de l’Est
« L’accaparement des terres est largement supposé se produire seulement dans les pays du Sud, mais une analyse approfondie par une équipe de chercheurs montre que l’accaparement des terres est également en expansion en Europe ». Telle la principale conclusion de l’étude « Land concentration, land grabbing and people’s struggles in Europe » conduite par la Coordination européenne Via Campesina (ECVC), qui fédère plusieurs organisations paysannes européennes [1], et le « Transnational institute » (TNI), un think tank qui analyse de façon critique les problèmes globaux actuels [2].
Comme le détaillent la France agricole et le quotidien britannique The Gardian, l’enquête révèle la façon dont « quelques entités commerciales privées ont pris le contrôle de plus en plus grandes superficies de terres européennes […] activement soutenues par une énorme injection de fonds publics ». Parmi les acquéreurs, des sociétés chinoises, des fonds souverains et des fonds de pension du Moyen-Orient, des oligarques russes ou certains géants de l’agroalimentaire. Chacun ayant ses terres de prédilection : les sociétés chinoises investissent principalement en Bulgarie alors que la Roumanie aurait les faveurs du Moyen-Orient.

Des investisseurs hors-la loi ?
On l’aura compris : le phénomène concerne en premier lieu la partie Est de l’Europe, principalement la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie, la Serbie et l’Ukraine. L’information a de quoi surprendre. Car, au moment de leur intégration en 2004, plusieurs pays d’Europe centrale avaient négocié avec l’UE une interdiction temporaire de l’acquisition des terres agricoles et forestières par des capitaux étrangers. Le prix du foncier étant bien moindre dans cette partie de l’Europe, il s’agissait d’éviter une envolée des prix rendant ces terrains inaccessibles aux populations locales. Or cette interdiction est toujours en vigueur dans certains Etats, à l’instar de la Hongrie.
Interrogés par Eric de la Chesnais sur ce paradoxe, des représentants du mouvement roumain Ecoruralis expliquent la combine. En Roumanie, 6% des terrains ont été cédés à des multinationales. Ces dernières « ouvrent des compagnies en Roumanie par le biais de boîtes postales ». En outre, il est toujours possible « de discuter de l’interprétation des lois »

La folie des grandeurs
Outre l’accaparement des terres, le rapport alerte également sur un autre phénomène mieux identifié mais non moins préoccupant : la forte concentration des terres. « La moitié des terres agricoles de l’UE est désormais concentrée dans les 3% des grandes exploitations de plus de 100 hectares ». En Allemagne, en Espagne, en France, en Italie ou en Autriche, le nombre d’exploitation diminue à mesure que leur taille augmente. Un contexte qui, on le sait, rend difficile l’accès au foncier et, avec lui, l’installation des jeunes générations. Comme l’expliquait déjà au Parisien en mars 2012 François Lucas, porte-parole de la Coordination rurale : «  les exploitations deviennent trop chères pour être reprises par des jeunes ou des individus, et ce sont de plus en plus des sociétés "sans visage" qui tendent à les reprendre » (Revue de presse de la MAA).

Système en roue libre
Pour les auteurs de l’étude, cette dynamique d’accaparement et de concentration des terres trouve en partie sa source dans le système de subventions de la PAC, lequel « favorise explicitement les grandes exploitations, marginalise les petites fermes et bloque l’installation d’agriculteurs potentiels » (Mediapart). Un exemple revient fréquemment, celui de l’Espagne où en 2009, « 75% des subventions ont été touchées par 16 % des plus grands producteurs ».
Au-delà des chiffres, toujours marquants, c’est sans doute l’interdépendance de ces trois phénomènes et la manière dont ils se nourrissent les uns les autres qui s’avèrent les plus problématiques.

Revue de presse de la Mission Agrobiosciences, 25 avril 2013.

Accéder au rapport « Land concentration, land grabbing and people’s struggles in Europe »


Sources :

La France agricole, The Gardian, Blog d’Eric de La Chesnais, Blog Mediapart.

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[1En savoir plus : http://www.eurovia.org/

[2L’accaparement des terres est l’un des axes de travail de ce think tank. En savoir plus : http://www.tni.org/


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