« La végétalisation est à la fois possible et souhaitable »

La végétalisation de l’alimentation. En avons-nous la même vision ? Passe-t-elle uniquement par une réduction de la consommation de viande ? La Mission Agrobiosciences-INRAE et le Quai des Savoirs ouvrent la discussion le 20 mars prochain à l’occasion d’une rencontre-débat gratuite (toutes les infos et inscription : https://www.agrobiosciences.org/alimentation-117/article/vegetalisation-de-l-alimentation-a-l-aube-de-nouveaux-regimes). Pour donner du grain à moudre au débat, un appel à contribution a été lancé – notamment pour identifier des points aveugles. Naturellement, l’Observatoire National des Alimentations Végétales (ONAV) a souhaité s’exprimer sur le sujet. Pour cet organisme à but non lucratif, végétaliser l’assiette est nécessaire pour aller vers une alimentation durable et doit « tenir compte des politiques agricoles, des réglementations alimentaires et des initiatives de santé publique ».
Que vous suggère, d’emblée, l’expression « végétalisation de l’alimentation » ?
C’est une approche clé pour adopter une alimentation durable, qui se traduit principalement par une réduction de la consommation de produits d’origine animale et une augmentation de la part de produits d’origine végétale. Il s’agit surtout de revaloriser l’alimentation sous les angles nutritionnel, sanitaire, environnemental tout en s’assurant qu’elle soit accessible et rémunératrice, plutôt que de se focaliser sur des intérêts économiques spécifiques.
Alors que l’élevage est une pratique ancienne, la consommation de viande a considérablement augmenté à partir du milieu du 20e siècle. Cette tendance a entraîné l’intégration de la viande comme un élément central de notre alimentation, en partie en réponse à la révolution industrielle et aux besoins de revitalisation de l’économie agricole avec l’accès aux énergies fossiles. Cette évolution a offert des opportunités à l’industrie de la viande, qui ne reflétaient pas nécessairement les besoins alimentaires réels de la population. Cela souligne que nos modèles alimentaires ne sont pas uniquement basés sur des choix individuels et que tout changement à une échelle sociétale nécessite de repenser les paradigmes en vigueur. Un choix alimentaire diversifié, des options de restauration variées, ainsi qu’une information fiable et un accompagnement approprié sont des éléments clés pouvant soutenir ce processus. En France, la gestion de l’alimentation dépend largement de trois ministères — la Santé, l’Agriculture et la Transition Écologique — qui fonctionnent de manière relativement indépendante, avec des pressions et enjeux distincts. Cela complique la coordination des efforts en matière alimentaire. Une approche intégrée, qui tient compte des politiques agricoles, des réglementations alimentaires et des initiatives de santé publique, serait souhaitable. Dans cette perspective, la végétalisation de l’alimentation peut également être considérée comme une action politique.
Selon vous, cette notion comporte-t-elle des points aveugles, des éléments sous-estimés ou rarement abordés dans les débats ?
Un constat actuel en France met en évidence l’ambiguïté entourant la définition de la durabilité. Bien que les personnes engagées dans les domaines écologiques soient généralement mieux informées, cette sensibilisation ne s’étend pas suffisamment à la société dans son ensemble. Les consommateurs et consommatrices ont tendance à associer la durabilité à des notions telles que l’agriculture biologique, le local, la saisonnalité et la lutte contre le gaspillage. Bien que ces éléments soient pertinents, ils peuvent nécessiter des ressources supplémentaires, tant économiques que pratiques, pour générer un impact environnemental moindre que celui correspondant à la végétalisation, laquelle reçoit moins d’attention. Cela pourrait être attribué à la nature clivante de la réduction de la consommation de viande. C’est pourquoi il est important de réguler la diffusion de l’information qui n’est pas toujours équitable si l’on tient compte des nombreux intérêts privés. Enfin, promouvoir une éducation aux médias dès le plus jeune âge pourrait contribuer à sensibiliser le public et à encourager des choix éclairés.
Un autre point qui semble important est de souligner que la végétalisation de l’alimentation peut se décliner en plusieurs niveaux, allant de la simple réduction à l’éventuelle suppression totale des produits d’origine animale. L’essentiel est que chaque individu puisse s’y retrouver en fonction de ses propres déterminants personnels. En ce sens, la végétalisation est à la fois possible et souhaitable pour tous et toutes, en prenant en compte les divers aspects liés à l’alimentation qui englobent les constructions identitaires, les valeurs, les représentations et les croyances de chacun et chacune. C’est en prenant en compte cette diversité que des messages concernant l’alimentation durable pourront être adaptés, favorisant ainsi une meilleure identification et encourageant un engagement authentique.
Agora du Quai des Savoirs (39 All. Jules Guesde, 31000 Toulouse).
Gratuit et ouvert à tous les publics sur inscription (recommandée)
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