09/03/2011
Agriculture, monde rural et société. Mars 2011
Nature du document: Entretiens
Mots-clés: Europe , Modèles , Politiques

Réforme de la PAC de 2013 : les nouveaux visages de l’agriculture des Pays de l’Est (entretien original)

C’était il y a près de dix ans. En juin 2002, à l’occasion d’un café-débat de Marciac, la Mission Agrobiosciences avait convié l’agronome et économiste Alain Pouliquen, à évoquer les enjeux agricoles de l’intégration des PECO – les Pays d’Europe Centrale et Orientale - au sein de l’Union européenne. Souvenez-vous, dans une Europe qui ne comptait alors que quinze Etats membres, les spéculations allaient bon train : les PECO allaient-ils inonder le marché européen de leurs productions agricoles ? Fallait-il redouter leur dynamisme ? Déjà en proie aux excédents, l’adhésion de ces nouveaux venus, riches de terres agricoles sous-utilisées et d’une main d’œuvre bon marché, alimentait foule d’inquiétudes parfois inappropriées, comme l’avait expliqué Alain Pouliquen, au fil de sa conférence.
Depuis, ces pays ont intégré l’UE, pour partie en 2004 – Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie, Slovénie, Lituanie, Lettonie, Estonie -, pour partie en 2007 – Bulgarie et Roumanie. Les PECO ont ainsi laissé la place aux "NEM" – les Nouveaux Etats Membres. Dans une Europe à 27, quelle place occupent-ils aujourd’hui ? Les craintes relatives à leur intégration en matière de productions agricoles se sont-elles concrétisées ? De l’autre côté du miroir, en quoi l’intégration à l’UE, et avec elle, l’accès aux aides de la PAC, a-t-elle modifié le paysage agricole et alimentaire de ces pays ? Et quels sont les enjeux qui se posent à ceux-ci à la veille de la réforme de la PAC ?
Près de dix ans après ce café-débat, la Mission Agrobiosciences a sollicité, de nouveau, le regard d’Alain Pouliquen. Toujours passionné par les problématiques agricoles de cette région du monde, ce directeur de recherche INRA, vient de publier, en octobre 2010 dans la revue annuelle Demeter, une étude intitulée : « Pays de l’Est, intégration dans l’UE : de la reprise agricole à la crise  ».

MAA. Au tout début des années 2000, l’intégration des PECO suscitait plusieurs craintes : l’une en matière d’excédents, l’autre en matière de compétition. L’une comme l’autre se sont-elles révélées fondées ?
Alain Pouliquen. A l’aube des années 2000 et à la veille de l’intégration des PECO, on pensait, notamment dans les milieux agricoles, que leur adhésion serait préjudiciable à l’agriculture des quinze "anciens" membres de l’Union (UE15). En premier lieu, on craignait que l’on y délocalise l’agriculture, comme on avait pu y délocaliser les industries manufacturières, compte-tenu de la main d’œuvre abondante et bon marché dans ces pays, comme de la forte disponibilité en terres agricoles sous-utilisées.
Ensuite, l’assouplissement puis la suppression des régimes de protection entre l’UE15 et les PECO laissaient présager, pour certains, un déferlement de leurs productions agricoles sur le marché ouest-européen. Pourtant, c’est la thèse que j’avançais à l’époque, l’aptitude de ces pays à l’emporter dans une concurrence avec l’UE15 était hautement discutable. En effet, le solde exportateur des échanges agroalimentaires de l’UE15 avec les pays candidats était globalement positif et croissant, du fait de l’importation croissante par les seconds de produits hautement transformés. En même temps, les modestes excédents physiques (mesurés en tonnes) des PECO en produits agricoles bruts tendaient à diminuer, du fait de la stagnation de leur production et de la reprise de leur consommation domestique.
Par ailleurs, l’apparente compétitivité internationale des prix agricoles des PECO résultait des fortes dévaluations initiales des monnaies de ces pays après la chute du communisme. Or cet avantage a ensuite été largement érodé par la "réappréciation" de ces monnaies, résultant de la reprise de la croissance globale dans les PECO, du ralentissement de leurs inflations et de l’afflux d’investissements occidentaux. De plus, cette compétitivité-prix de l’offre agricole à la ferme était contrebalancée par les handicaps hors-prix de cette offre : inélasticité [1], fragmentation et non-organisation, qualités hors-normes communautaires, et par les retards techniques des industries agroalimentaires. En outre, ramenés au coût du travail, les prix agricoles à la production dans ces pays étaient paradoxalement plus élevés qu’au sein de l’UE15, du fait des très faibles productivités du travail agricole. Ceci s’explique notamment par les structures agraires et leur sous-capitalisation, héritées de l’ère communiste et, plus encore, de la "transition" qui a suivi. Loin de l’idée que l’on s’en faisait alors couramment, c’est donc plutôt la sous-compétitivité qui caractérisait l’offre agricole des PECO par rapport à celle de l’UE15. De plus, cet écart était fortement aggravé et entretenu par le fait que ces pays ne pouvaient financer, et de loin, des régimes de soutien à l’agriculture comparables à ceux de la PAC.
Dans ce contexte, certains pensaient d’ailleurs que l’adhésion serait préjudiciable aux PECO eux-mêmes. Six ans après la première vague d’adhésions, qu’en est-il effectivement ? L’étude que je viens de réaliser montre que l’on se situe entre les deux scénarios.
Point de "déferlement" ou d’invasion des produits agricoles et alimentaires, dans un sens comme dans l’autre. Globalement, le solde en valeur des échanges agroalimentaires mutuels, depuis les adhésions de 2004, est resté déficitaire pour les Nouveaux Etats Membres (NEM). Mais ce déficit tend à se stabiliser à un niveau global très modeste par habitant, alors que la progression des échanges mutuels a été très forte. De plus, il est partiellement compensé par une exportation nette croissante vers les pays tiers, en particulier la Russie. Par ailleurs, en tonnage de produits agricoles bruts, certaines filières des NEM, notamment les céréales et oléagineux, les viandes bovines, les fruits et légumes transformés et le sucre, ont notablement accru leurs exportations nettes vers l’ex-UE15. En revanche, l’importation nette des NEM en provenance de celle-ci a fortement progressé en viandes porcines, fruits frais et pommes de terre.
Cet équilibre global approximatif s’explique notamment par le fait que, de 2000 à 2008, la production agricole a globalement augmenté de 12% dans les NEM, contre seulement 3% dans l’ex-UE15. En valeur ajoutée, la croissance agricole des NEM a alors même atteint 30%, contre seulement 5% dans l’ex-UE15. C’est là un tournant capital. Rappelons en effet que, dans les années 90, après la chute initiale de la production agricole des pays candidats, celle-ci avait pratiquement stagné, malgré la reprise vigoureuse de leur croissance globale, à partir de 1993-1995.

MAA. Vous parlez de reprise agricole. Pourtant, au début des années 2000, le secteur agricole se trouvait d’une certaine manière dans une situation d’impasse. Lors de votre conférence à Marciac, vous expliquiez que la transition postcommuniste avait généré un chômage considérable, notamment en zones rurales, chômage en partie épongé par l’agriculture. Mais, revers de la médaille, le secteur agricole se trouvait en situation de suremploi. Comment expliquer ce retournement ?
A. Pouliquen. Effectivement, la transition postcommuniste s’est accompagnée d’une grave récession globale avec un fort recul de l’emploi : le chômage a explosé. Dans ce contexte, l’agriculture a joué un rôle tampon et atténué le choc. Précisons que, dans ces pays, les régimes de soutien aux chômeurs étaient pauvres et parfois inexistants : dans de nombreux cas, il n’y avait pas d’autres choix que celui de revenir dans la petite exploitation familiale des parents. Ce mouvement a été particulièrement massif en Roumanie : dans l’histoire contemporaine, on n’avait jamais connu un "retour à la terre" d’une telle ampleur. Autrement dit, le suremploi agricole était une question de survie. Pour autant, ce dernier n’est pas synonyme d’inactivité : dans les petites exploitations paysannes, cette main d’œuvre trouvait à s’employer utilement, mais avec de très faibles productivités. Une situation qui avait ses corollaires : l’extrême faiblesse des revenus agricoles par actif donc des investissements, et l’impossible essor de la production agricole marchande. D’où la dépendance croissante aux importations, malgré de fortes protections douanières.
Dans les années 2000, on constate une inversion spectaculaire des tendances. Entre 2000 et 2008, l’emploi agricole diminue globalement de 30% dans les NEM, et jusqu’à 40% en Roumanie. Aujourd’hui, le pourcentage d’emploi agricole est encore élevé dans les principaux NEM (15% en Pologne, 30% en Roumanie), contre 3 à 5% dans l’ex-UE15 mais il a très fortement diminué. Ceci résulte surtout de la croissance économique de l’ensemble de l’activité urbaine et industrielle, créatrice d’emplois. Depuis 2000, le taux de chômage a globalement fortement diminué dans les NEM, et rejoint à peu près, en 2008, celui de l’ex-UE15. L’émigration, notamment en Pologne et en Roumanie, a aussi fortement contribué à réduire les sureffectifs dans les campagnes. Celle-ci a été plus ou moins facile et variable selon les pays de destination : l’Angleterre et l’Irlande ont accueilli volontiers les travailleurs polonais, l’Espagne la main d’œuvre agricole roumaine. A ces deux facteurs, il faut ajouter l’impact de l’adhésion à l’UE. Car cette dernière a donné accès aux fonds structurels, aux aides aux infrastructures et, dans le domaine agricole, aux aides du premier et du deuxième pilier de la PAC [2] .
Tous ces facteurs ont agi en synergie, permettant tout à la fois une forte diminution du nombre d’actifs agricoles, un bond spectaculaire du revenu agricole par actif - de 70 à 80% de 2000 à 2008 -, l’amorce d’une recapitalisation du secteur et des progrès substantiels de sa productivité.

MAA. Jusqu’à la crise de 2008…
A. Pouliquen. Effectivement, la crise de 2008 a donné un coup d’arrêt ou de frein à ce cercle vertueux. Globalement, on peut dire que l’impact de cette crise, dans ces pays, a été comparable à ce que l’on a connu ici. A ce détail près : les revenus agricoles ont été moins durement touchés. Ceci s’explique par le fait que les aides sont définies en euros. Or les monnaies des NEM sont d’une certaine manière sous-évaluées, les taux de change entre monnaies ne reflétant pas les niveaux de prix : un euro a environ deux fois plus de pouvoir d’achat dans ces pays. Cet effet de change en faveur des agriculteurs des NEM, explique en partie l’impact considérable des aides directes sur leurs revenus agricoles. Avec la crise, dans la plupart des pays, la monnaie a subi un choc considérable, accentuant l’effet de change positif sur les aides agricoles définies en euros, ce qui a permis de limiter les dégâts. Ceci étant dit, les agriculteurs sont désormais confrontés aux mêmes difficultés, celles induites par la volatilité des prix et l’évolution des cours mondiaux, avec les conséquences que l’on connaît.

MAA. Dans le cadre de la réforme de la Politique Agricole Commune, quelles sont les attentes communes des NEM ?
A. Pouliquen. D’après ce que j’ai pu lire et entendre, les NEM sont généralement très attachés au maintien de la PAC et aux budgets qui lui sont alloués. Dans les instituts de recherche que je fréquente, instituts proches des ministères de l’agriculture, le discours véhiculé semble converger vers celui du Commissaire européen à l’agriculture, Dacian Ciolos : il ne faut pas diminuer le budget de la PAC mais le restructurer.
Pour bien saisir ce qui se joue dans les agricultures des NEM, il faut rappeler ici la singularité de leurs structures bipolaires héritées du communisme et de leurs transformations ultérieures. Le premier pôle, hautement concentré, est issu des très grandes fermes collectives et d’état qui ont survécu à la privatisation, sous des formes sociétaires privées (coopératives, SA, SARL). Au départ, ces sociétés étaient en copropriété d’un très grand nombre de petits bénéficiaires de la restitution des terres et du capital, dont leur propre personnel. Mais par la suite, on a parfois assisté à la concentration de cette copropriété entre les mains de quelques personnes, soit dans le cadre sociétaire maintenu, soit par la création de nouvelles exploitations familiales de grandes ou très grandes surfaces. Je pense ici à ce qui s’est passé notamment en République tchèque et en Hongrie. Ces nouvelles grandes exploitations ont eu tendance à délaisser les secteurs de l’élevage et des cultures maraîchères et fruitières pour se spécialiser en cultures de céréales et oléagineux. D’un côté, ces dernières sont plus rentables que les exploitations sociétaires d’origine, restées partiellement fidèles à l’ancienne polyculture-élevage, mais de l’autre, elles génèrent beaucoup moins d’emplois par hectare. Cette tendance a été renforcée par l’accès aux aides de la PAC, en particulier le système du paiement unique à l’hectare [3]. Ces aides ont certes accéléré la nécessaire recapitalisation de ces grandes exploitations, donc leurs gains de productivité. Mais, au-delà de certaines surfaces éligibles, non seulement elles alimentent des rentes improductives, mais elles soutiennent des spécialisations défavorables à l’emploi comme à la valeur ajoutée agricole. Et l’actuelle hausse mondiale des prix des grains ne peut qu’accentuer ce phénomène.

MAA. Qu’en est-il du second pôle ?
A. Pouliquen. Il est hérité de l’ancien secteur privé de l’ère communiste. Au départ, il s’agissait de lopins auxiliaires des fermes collectives et d’état, ou, en Pologne et en Slovénie, de petites exploitations familiales de type "paysan". Tous deux étaient alors très majoritairement des exploitations de subsistance, orientées vers l’autoconsommation, ou, surtout en Pologne, de "semi-subsistance", c’est-à-dire tributaires de ventes agricoles mais aussi de revenus familiaux issus d’activités non agricoles et de transferts sociaux (retraites, etc.). C’est cette caractéristique hybride qui a permis à ce secteur de jouer ce rôle tampon dans les années 90, en absorbant une large part du chômage. Mais, nous l’avons vu, ceci a été obtenu au prix d’un suremploi important, avec pour conséquences, faute de rentabilité positive, une décapitalisation, un blocage de la productivité du travail à un niveau moyen très faible, et finalement la stagnation de la production agricole à des coûts élevés.
Pourtant, au sein de l’agriculture familiale polonaise, on a assisté à l’émergence graduelle, surtout à partir de 1995, d’un noyau minoritaire d’exploitations "professionnelles" de type ouest-européen, nettement plus concentrées, intensives, productives et intégrées au marché que les autres. Ce mouvement a été appuyé par les aides de préadhésion puis, à partir de 2004, par l’accès graduel aux aides des deux piliers de la PAC. Si, en 2005, ces exploitations ne représentaient que 12% des exploitations familiales polonaises, elles concentraient déjà 38% de leurs terres et 62% de leurs ventes totales.
Nous avons parlé du rebond qu’a connu la production agricole entre les années 2000 et 2008, plus spécifiquement après l’adhésion. Dans une large mesure, c’est l’émergence de ce type d’agriculture « familiale professionnelle intensive » qui explique la reprise de la croissance comme les progrès de l’agro-exportation réalisés en Pologne ces dernières années. A cet égard, cette dynamique se distingue nettement de celle des grandes exploitations individuelles céréalières issues des fermes sociétaires ex-collectives et ex-étatiques de Hongrie et de République tchèque. En effet, en Pologne, le mouvement s’est développé essentiellement dans des exploitations familiales anciennes. Or ces dernières atteignent rarement les tailles requises pour la spécialisation céréalière. Leurs orientations productives, notamment leurs composantes animale et légumière ou fruitière, sont donc plus favorables au progrès de production et de valeur ajoutée par hectare.

MAA. En définitive, on rencontre trois types d’exploitations : les très grandes unités sociétaires et individuelles, les exploitations de semi-subsistance, et ces fermes professionnelles moyennes de type intensif. Dans quelle mesure la co-existence de ces trois types d’agriculture, qui possèdent chacuns leurs spécificités, constitue-t-elle une nouvelle donne à intégrer à la réflexion actuelle sur la réforme de la PAC ?
A. Pouliquen. Il y a, je crois, trois éléments clés à garder à l’esprit. Tout d’abord, dans les NEM, le dispositif actuel des aides directes à l’hectare, ainsi qu’une partie des aides du deuxième pilier, risquent d’accentuer la dérive "latifundiaire" des très grandes exploitations, dans un sens défavorable à l’emploi, à la valeur ajoutée et à la production finale de l’agriculture, ainsi qu’au développement rural [4]. De plus, le dispositif actuel concentre abusivement les aides directes entre les mains d’une minorité de bénéficiaires et risque ainsi d’alimenter largement des rentes improductives. Ceci suggère le plafonnement ou la dégressivité de ces aides directes et nous invite, par ailleurs, à soutenir davantage d’autres voies de restructuration, plus prometteuses à tous ces égards [5]. J’y reviendrai.
Ensuite, dans la plupart des NEM, l’émergence du modèle ouest-européen "d’exploitation familiale professionnelle" intensive et de taille moyenne, a été beaucoup plus lente et difficile que ce qui avait été prévu et souhaité. Ceci malgré l’important budget et les outils ad hoc du deuxième pilier de la PAC. A cet égard, la portée de l’exemple polonais évoqué plus haut, doit être relativisée. En effet, l’essor de ce type d’exploitations professionnelles a bénéficié d’un héritage structurel singulier dans la moitié nord-ouest du pays, à savoir la présence d’exploitations familiales marchandes anciennement constituées et équipées. De taille moyenne, ces exploitations ont pu accroître leur superficie en louant ou en achetant des terres d’ex-fermes d’état à "l’Agence du patrimoine d’état". Mais cette réserve d’extension foncière tend aujourd’hui à s’épuiser. En outre, les prix du foncier ont considérablement augmenté.
Enfin, et c’est le troisième message-clé des années 2000, le caractère hybride des activités et revenus des petites exploitations de semi-subsistance leur a permis de résister à la concurrence du modèle "professionnel". En Pologne, cette résistance s’est opérée à une échelle inattendue. Ainsi en 2006, ces exploitations fournissaient encore près de 40% de la production agricole totale [6] sur environ 40% de la Surface Agricole Utile nationale. En outre, grâce à leurs revenus familiaux extra-agricoles croissants, leur revenu moyen de ménage dépassait la moyenne nationale, ce qui leur a permis de financer, au-delà de la consommation, le maintien et même une certaine modernisation de leur capacité de production. Dans les autres NEM, exception faite de la République tchèque et de la Slovaquie, ce type d’exploitation a également émergé au sein des minifundia de subsistance issus des anciens lopins individuels. Il constitue parfois une étape de transition vers "l’exploitation professionnelle".
En définitive, dans la plupart des NEM, la résistance et l’émergence du secteur familial de semi-subsistance ouvrent une voie complémentaire de modernisation agricole graduelle capable de suppléer assez largement, au moins transitoirement, aux difficultés et limites rencontrées par l’implantation directe du modèle "professionnel" de type ouest-européen. Dans une optique globale de développement durable, dépassant la seule approche sectorielle, et incluant les aspects sociaux et environnementaux de ce développement, le soutien à ce type d’agriculture valoriserait mieux les dépenses de la PAC que leur excessive focalisation actuelle sur le modèle ouest-européen. C’est ce que suggère l’analyse attentive des avantages économiques, sociaux et environnementaux de cette agriculture, au regard de sa bien moindre dépendance aux subventions de la PAC [7]. Tout ceci ne plaide nullement pour la réduction du budget de la PAC mais pour son rééquilibrage approprié car le soutien recomposé de l’ensemble du secteur restera crucial pour la sécurité alimentaire de l’Europe.

Pour plus de précisions sur toute cette analyse, je renvoie les lecteurs de cette interview à mon étude détaillée, comprenant 61 pages et 31 tableaux, publiée dans le DEMETER 2011. Ce numéro se fait aussi l’écho du développement de l’agriculture biologique dans les NEM, tout particulièrement en République tchèque et en Pologne.

Propos recueillis par Lucie Gillot et Jacques Rochefort, Mission Agrobiosciences. Mars 2011

Accéder au site de Demeter

Avec Alain Pouliquen, agronome et économiste, directeur de recherche Inra

[1En économie, une offre est dite inélastique, lorsqu’une augmentation de prix ou de demande pour un produit donné n’entraîne pas l’augmentation de l’offre de ce produit.

[2Les aides du 1er pilier concernent le soutien à la production tandis que les aides du second pilier sont centrées sur le "développement rural", au sens large incluant les investissements de modernisation de l’agriculture.

[3Ou DPU. La réforme de 2006 de la PAC a introduit la notion de découplage des aides à la production (1er pilier). Cela se traduit notamment par ces DPU, aides octroyées non plus en fonction du type de production mais selon la surface agricole (surface dite éligible). Plus la surface est grande, plus les aides sont conséquentes.

[4L’extension de la monoculture céréalière oléagineuse à grande échelle aux dépens de productions plus employeuses est économiquement et démographiquement défavorable à l’ensemble de l’économie des zones rurales concernées.

[5Toutefois cette réforme devra être modulée de manière à éviter de provoquer le simple fractionnement d’exploitations sociétaires géantes en très grandes unités familiales, qui amplifierait - on l’a vu - la spécialisation céréalière. D’où la nécessité de critères de modulation tenant compte de l’emploi agricole par hectare.

[6Comprenant l’autoconsommation et la production du secteur sociétaire, résiduel en Pologne.

[7Voir notamment à ce sujet la thèse doctorale de Catherine DARROT : "Les paysans polonais à l’épreuve de la Politique Agricole Commune européenne. Une analyse multi-disciplinaire d’un référentiel pour un dialogue de normes" ", Agrocampus-Ouest, Laboratoire de développement rural, Rennes, 2008.


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