12/10/2015
Revue de presse de la Mission Agrobiosciences, 12 octobre 2015.
Mots-clés: Viande

Consommation de viande en Inde : les « vacheries » des nationalistes (article revue de presse)

Inde, village de Dadri. Le lundi 28 septembre 2015, un homme de 50 ans de confession musulmane a été battu à mort par une horde de villageois pour avoir, selon une rumeur, stocké et consommé de la viande de bœuf. Un acte jugé « barbare » qui révèle les fortes tensions communautaires se jouant autour de la consommation de viande, principalement de bœuf. Dans un pays où cohabitent communautés hindouistes, musulmanes et chrétiennes, le sujet est devenu une véritable arme politique (et économique) que certains partis utilisent sans se soucier des conséquences. Explications dans cette revue de presse de la Mission Agrobiosciences.

La « politique de la vache
Bref retour en arrière pour commencer. En 2011, le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata Party (BJP) interdit dans l’un des Etats qu’il dirige l’abattage des vaches, pour des raisons « d’intérêt public ». Plusieurs autres Etats lui emboîtent le pas [1]. Rappelons que l’Inde est majoritairement hindouiste, religion qui a élevé l’animal au rang de sacré.
A l’époque plusieurs intellectuels dénoncent la face cachée de cette « politique de la vache ». « La passion soudaine du gouvernement pour les animaux n’est qu’une invention afin de dissimuler une véritable attaque envers les minorités religieuses », expliquait ainsi l’analyste politique Ashok Pandit, dans Courrier International. L’historien D.N. Jha rappelait de son côté que « l’héritage religieux traditionnel des hindous véhicule l’idée erronée selon laquelle leurs ancêtres (…) attachaient une grande importance à la vache étant donné son caractère sacré ».
Dans l’imaginaire collectif la vache est « devenue un symbole de l’identité des hindous, lesquels imaginent souvent que les musulmans, ces "mangeurs de bœuf", représentent une menace pour leur culture ». Ou comment la vache sacrée devient un outil au service du nationalisme hindou.

Vache enragée
Les musulmans sont donc les premiers visés et impactés par ces mesures. Socialement, ils se voient relégués au rang peu recommandable de "mangeurs de bœufs" aux côtés des chrétiens et des plus basses castes. En Inde, le végétarisme n’est, en effet, pas l’apanage de tous ; 60 à 70% de la population consomme des aliments carnés, dont de la viande bovine. Celle-ci constitue d’ailleurs une source de protéines privilégiée par les plus pauvres car « bien moins onéreuse que l’agneau ou le poulet qui se vendent deux fois plus cher ».
L’impact est également économique. Les musulmans sont les principaux acteurs des commerces de viande et de boucherie. Toute interdiction d’abattage ou de vente les touche donc de plein fouet.

Végétarisme identitaire
Récemment, le BJP a de nouveau fait parlé de lui, en multipliant restrictions et interdictions. Sur la viande de bœuf, mais pas que… RFI énumère ainsi les plus récentes d’entre elles. A Bombay, interdiction de la vente de viande de poulet, mouton et porc pendant huit jours ; au Rajasthan, interdiction de la vente de viande et de poisson pendant trois jours… Des mesures adoptées au nom de festivités religieuses de la communauté Jaïn, strictement végétarienne, et très minoritaire en Inde.
Vives réactions des opposants au BJP qui interprètent ces mesures comme autant de « tentatives délibérées de la droite hindouiste d’exacerber les tensions intra-communautaires ». Ils dénoncent ainsi, sans détour, « le fascisme religieux et culturel instigué par la droite hindouiste », laquelle ne cherche qu’à « instrumentaliser le végétarisme à des fins politiques ». Quitte à attiser les haines et déchaîner les foules. Un comble au pays dit de la non-violence…

Revue de presse de la Mission Agrobiosciences, 12 octobre 2015.

Sources :

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RFI, Courrier International, Libération, Colloque OCHA "Des hommes et des animaux"

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[1A ce jour, presque tous les Etats interdisent l’abattage des vaches. Celui des taureaux, bœufs et buffles est majoritairement autorisé, à condition que l’animal soit considéré comme économiquement improductif. Source, Michaël Bruckert

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