26/04/2016
Agriculture et société. 26 avril 2016.
Mots-clés: OGM

To be or not to be… an OGM ? (article revue de presse)

« Bataille », « polémique », « inquiétude », « division », « désaccord »… A peine sortis des cartons, ceux que l’on nomme les « nouveaux OGM » ou « OGM cachés » provoquent déjà un tollé. En cause notamment, le statut juridique de cette nouvelle génération de mutants, toujours en discussion, et cette interrogation lourde de conséquences : doit-on ou non les considérer comme des OGM ? Tentative de mise à plat du concert scientifico-politico-médiatique qui entoure ce dossier dans cette revue de presse de la Mission Agrobiosciences.

Ces OGM qui n’en sont pas ?
Avant, les choses étaient simples. L’OGM, c’était cet organisme obtenu par transgénèse, c’est-à-dire par l’introduction dans le génome d’un organisme vivant, d’un gène issu d’un organisme tiers, afin de lui conférer un caractère particulier. Désormais, nul besoin de recourir à un élément extérieur. Les caractéristiques recherchées sont obtenues par mutagénèse dirigée, via un ensemble de nouvelles techniques dites de « New Plant Breeding Techniques ». Celles-ci permettent d’intervenir directement sur le génome pour supprimer/modifier un gène et/ou son expression.

NPBT, quezaco… ?
Mais que recouvre concrètement cette terminologie de « NPBT » ? La presse est avare de détails dès lors qu’il s’agit de caractériser plus finement ces techniques. Pour y voir un peu plus clair, on peut se reporter à l’un des documents que le Haut Conseil des Biotechnologies - une instance pluraliste qui propose une expertise sur les biotechnologies à l’intention des pouvoirs publics - leur consacre. Ce dernier retient 8 techniques, réparties en trois grands types [1] : « les nouvelles techniques de modifications ciblées du génome, les techniques exploitant les mécanismes épigénétiques , et les éléments annexes à l’utilisation de modification génétique » - par exemple la greffe d’un jeune rameau (scion) non-GM [2] sur un porte-greffe GM. 
Difficile pour les néophytes en biologie moléculaire de saisir les différences entre chacune d’entre elles. Remarquons toutefois la grande diversité des techniques employées qui vont de la greffe à la modulation de l’expression des gènes.

Entre deux eaux…
Problème. « Ces techniques faciles à utiliser et peu chères sont en plein boom, mais pour l’instant elles n’ont aucun statut juridique » indique la journaliste Lorène Lavocat sur France Inter. C’est là toute la subtilité du dossier : pour les uns, le génome de la plante étant affecté, tous les mutants obtenus sont de facto des OGM. Pour les autres, « dans la mesure où [ces techniques] ne font qu’accélérer un processus de mutation qui se produirait également dans la nature, il n’y a pas de différence, au final, entre les mutants naturels et artificiels » (Le Monde).
Dans le premier cas, ces mutants relèvent de la législation relative aux OGM, avec ce que cela implique en termes d’évaluation des risques sanitaires et environnementaux, ou d’étiquetage pour les producteurs et les consommateurs. Dans le second cas, ils y échappent. A l’échelle nationale comme communautaire, la bataille est engagée pour faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Bruxelles doit statuer prochainement sur leur sort, en tenant compte de la position des Etats membres. Or, en France, la question n’est pas tranchée.

Clash au HCB
La position française doit prendre appui sur l’avis que doit rendre le HCB sur le sujet. Le hic, c’est que le texte sur lequel travaille le conseil scientifique du HCB a provoqué un clash au sein de l’institution. Première étape de cette saga, la démission dudit conseil d’Yves Bertheau, chercheur (Inra) au Muséum national d’histoire naturelle. Plusieurs raisons à cela. Premier grain de sable, la procédure employée par le HCB : « Le texte a d’abord été présenté le 16 décembre [2015] en réunion du comité scientifique, comme une simple note de synthèse mais il s’est avéré ensuite qu’il aurait le statut d’avis officiel transmis au gouvernement » détaille le chercheur. Un changement de statut d’autant plus fâcheux que le texte présente selon lui de sérieuses lacunes scientifiques voire des omissions. Le Monde explique ainsi que les « effets des modifications non intentionnelles du génome des plantes (dits « effets hors cible ») y sont (…) insuffisamment abordés. ». Le texte précise par ailleurs que, ces nouveaux OGM ne pouvant être distingués des variétés conventionnelles, ils devraient être considérés comme telles « et exemptes d’évaluation des risques ».
Ce sont ces mêmes raisons qui ont conduit huit organisations de la société civile à quitter le Conseil économique, éthique et social (CEES) du HCB, suivies le 11 avril dernier du vice-président de ce même conseil Patrick de Kochko.

La difficile évaluation des risques
On l’aura saisi, l’évaluation des risques associés aux NPBT divise. Car que faut-il évaluer : les effets du gène modifié ou ceux de la plante entière ? Doit-on au contraire considérer ces mutants comme analogues aux variétés conventionnelles avec tout ce que cela implique ?
A ces considérations scientifiques s’ajoutent des éléments d’ordre juridique. Pour la Confédération paysanne, les NPBT constituent une porte ouverte pour la "biopiraterie". A partir du moment où la modification apportée à la plante n’est pas détectable, que le gène dit natif ne peut être distingué du gène modifié, n’importe qui peut « revendiquer la propriété industrielle de toutes les plantes cultivées ». Il suffit, au moment du dépôt de brevet, de décrire le gène modifié avec les mêmes caractéristiques que le gène natif...

Bruxelles, prochaine étape du débat
Quelle position va adopter l’Union européenne sur ce dossier ? Nul ne le sait. Outre les pressions exercées par les promoteurs comme les opposants à ces NPBT, la Commission Junker subit, à en croire Greenpeace et le site Euractiv, les assauts répétés des lobbyistes américains « pour que [la] législation sur les OGM ne s’applique pas aux nouvelles techniques de sélection des plantes ».
Dans ce contexte tendu, sur fond de négociations sur l’accord commercial transatlantique, « la Commission européenne a déjà retardé plusieurs fois l’analyse juridique de la question ». Reste cette certitude : elle ne pourra pas botter en touche indéfiniment.

Revue de presse de la Mission Agrobiosciences, 26 avril 2016.

SOURCES.

A propos des OGM, on peut lire notamment sur le site de la Mission Agrobiosciences (publications originales accessibles gratuitement :


Le Monde, France Inter, France Info, Euractiv, site du HCB

Accéder à toutes les publications de la Mission Agrobiosciences sur les thèmes de  :
Alimentation et Société ; Cancers et alimentation ; Obésité ; Consommation & développement durable ; Lutte contre la faim ; Crises alimentaires ; "Ça ne mange pas de pain !" ; Méditerranée ; Agriculture et société ; Politique agricole commune ; OGM et Progrès en Débat ; Les relations entre l’homme et l’animal ; Sciences-Société-Décision Publique ; Science et Lycéens ; Histoires de... ; Produits de terroir ; Agriculture et les bioénergies ; Les enjeux de l’eau ; Carnets de Voyages de Jean-Claude Flamant.

ACCEDER A LA TOTALITE DE LA REVUE DE PRESSE DE LA MISSION AGROBIOSCIENCES

[1En savoir plus sur le HCB et accéder au rapport provisoire (page 12) : http://www.hautconseildesbiotechnologies.fr/fr/system/files/file_fields/2016/03/30/cs_1.pdf

[2pour Génétiquement Modifié

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