Le 8 juin dernier, rapporte le journal La Croix, deux réunions se sont tenues à Londres en vue de la préparation d’un G8 placé sous le signe de la lutte contre la famine : la première, « Nutrition pour la Croissance », destinée à débloquer des fonds à l’initiative de David Cameron ; la seconde, intitulée « Nouvelle Alliance pour la Sécurité Alimentaire et la Nutrition », lancée par les Etats-Unis en 2012. L’objectif de cette dernière est incontestablement louable : sortir 50 millions de personnes de la pauvreté en 10 ans, au moyen d’une alliance entre le G8, dix Etats africains et des firmes agro-alimentaires. Le don de semences provenant des multinationales ainsi que les conditions qu’elles exigent quant à leur participation désespèrent cependant de nombreuses associations, au Nord comme au Sud.
Réponses de la société civile
La société civile, représentée par des milliers de personnes présentes à Hyde Park, entend donc politiser les choix de développement qui semblaient naturels dans les discours prononcés dans la "cour des grands". Le 3 juin dernier, cinquante-sept organisations paysannes ont ainsi rendu public un document qui rejette l’initiative du G8 et dénonce « cette nouvelle vague de colonialisme ». Derrière les grands discours, ils craignent d’assister à une standardisation des semences et un "ravalement" du droit commercial africain. Francis Ngang, secrétaire-général d’Inades-Formation craint qu’à terme : « les efforts déployés par les agriculteurs africains au fil des millénaires soient en passe d’être privatisés et expropriés, tandis que des pratiques traditionnelles vitales, comme la conservation et le partage des semences, menacent d’être criminalisées. » Ainsi, pour la société civile africaine, le développement provenant de cette alliance va surtout entraîner les petits exploitants dans une économie monétaire qu’ils ne maîtrisent pas.
En France, le dossier de l’association Action Contre la Faim du 4 juin, intitulé « Le G8 et sa Nouvelle Alliance : une menace pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique ? » critique, entre autres, l’absence de continuité des politiques existantes et souhaite voir la participation des grandes firmes soumise à un strict contrôle.
La démarche de la société civile est soutenue par un article, le 9 juin dernier, du Guardian, quotidien britannique de gauche. Au lieu de la loi du marché , son auteur prône la notion de souveraineté alimentaire, telle que définie par Via Campesina, insistant sur un renforcement du contrôle local du système de production.
La difficile position française
La société civile française reproche au ministre du développement, Pascal Canfin, de ne pas s’être déplacé à Londres pour peser sur les décisions. Dans l’entretien accordé en mai au magazine Faim et Développement, celui-ci a en effet déclaré : « la vision défendue par certains acteurs de cette alliance, en particulier les grandes entreprises de l’agro-alimentaire, n’est pas la nôtre ». La France fait pourtant toujours partie de la « Nouvelle Alliance » qui s’insère dans la diplomatie économique du gouvernement, car bon nombre d’entreprises françaises sont parties prenantes.
L’heure de la clarté en matière de choix de développement n’a pas encore sonné.
- L’inquiétude des ONG grandit, à la veille du G8 sur la faim La Croix, 8 juin
- G8 needs reminding the market doesn’t know best when it comes to hunger The Gardian, Nick Dearden, 9 juin 2013
- Sommet de la faim : la société civile africaine rejette l’initiative du G8 Inades-formation, 3 juin 2013
- Sommet de la faim : la société civile africaine rejette l’initiative du G8 Action contre la Faim, 4 juin 2013
Pour consulter librement d’autres articles sur ce sujet :
- Lutte contre la faim : analyses, décryptages, leviers d’action catalogue des publications, 2012.
- Un siècle de lutte conte la faim dans le monde. Alertes, révoltes, désillusions et doutes. Une relecture de Jean-Claude Flamant, avril 2009
- « La souveraineté alimentaire sous le régime de nouveaux scénarios ». Actes des tables rondes de l’ENSAT, février 2012
- La sécurité alimentaire, condition sine qua non au développement de toutes les nations. L’intervention de Thomas Lines, analyste économique, spécialiste des marchés agricoles, lors des 16e Controverses de Marciac, août 2010
- "9 milliards d’habitants à nourrir en 2050 : est-ce si sûr ?" Une note de veille du Centre d’études et de prospective.
- La production agricole mondiale à l’horizon 2050 : comparaison de quatre prospectives. Note d’Analyse du Centre d’Etudes et de Prospective, juin 2011
- Long comme un jour sans pain... Quand la hausse des prix alimentaires nourrit la révolte des ventres creux. Revue de presse. 3 avril 2008