A partir de là se fédèrent peu à peu les associations paysannes au Sénégal et ailleurs. Le mouvement est soutenu par un centre de formation (le CESAO [1], à Bobo-Dioulasso) qui décide, à la suite d’une évaluation, de s’intéresser directement à la formation des paysans, avec quelques militants occidentaux désintéressés et passionnés. Une forme intelligente et souple d’aide financière due à la Coopération suisse vient à point nommé dans le contexte de désengagement des Etats qui s’affirme à partir de 1984. Du Sénégal, le mouvement s’étend progressivement au Burkina-Faso, au Mali, à la Côte-d’Ivoire, au Niger, à la Gambie et la Guinée-Bissau, au Togo, au Bénin, à la Guinée-Conakry... pour aboutir en 2000 à la fondation du ROPPA (Réseau des organisations paysannes et des producteurs agricoles de l’Afrique de l’Ouest)...
Tout au long de la lecture de cette chronique longue et mouvementée apparaissent, au détour des événements relatés, une foule de remarques pertinentes qui dénotent un esprit critique et une lucidité peu communs ; on retient en particulier une prise de parti très nette pour une économie d’autosubsistance paysanne, impliquant nécessairement un protectionnisme agraire. La force et la détermination des organisations paysannes parviennent aujourd’hui à faire plier les Etats, à déjouer les pièges de la Banque Mondiale, à s’assurer de la participation de la FAO. On a le sentiment que dans cette révolution paysanne non-violente prend sa source une vraie décolonisation qui - au-delà des soubresauts politiques - va aujourd’hui son chemin en Afrique et dément le triste discours tenu récemment par certain Président à Dakar...
Dieu n’est pas un paysan, le titre peut surprendre : il ne s’agit pas d’un non à toute foi à caractère transcendant, mais au fatalisme dont on a fait trop souvent le corollaire obligé des religions. Si dans tout ceci, il s’agit d’une histoire particulière, elle est sans conteste appelée à rejoindre par dessus les frontières des Etats et des continents les luttes paysannes qui s’affirment aujourd’hui en Asie, en Amérique et ailleurs : histoire cachée des paysans, histoire fondatrice en tous pays du monde et probablement aujourd’hui refondatrice pour le si nécessaire renouvellement du monde.
Une note de lecture de François de Ravignan, économiste et agronome, novembre 2009
De ou avec François de Ravignan, on peut lire sur le magazine web de la Mission Agrobiosciences :
- "Faut-il en finir avec le développement durable ?",le Cahier issu des Cafés-débats, avec François de Ravignan, en 2005 à Marciac
- Le pouvoir n’est pas aussi loin qu’on le croit ! Une table ronde cherchant à instruire la question "Le local est-il soluble dans le global ?", animée par Philippe Lacombe (Inra), avec Jacques Delpla (BNP-Paribas), François de Ravignan (économiste et agronome, Inra) et Jean-Pierre Tillon (In Vivo). Dans le cadre de la 12ème Université d’Eté de l’Innovation Rurale de Marciac, "Territoires ruraux, comment débattre des sujets qui fâchent ?".
- La faim, pourquoi ?. Une note de lecture à propos de l’ouvrage de François de Ravignan. Voir aussi une présentation de la conférence-débat "Propos Epars" organisée autour de cet ouvrage en mai 2009.
A propos de l’Afrique et de l’agriculture, on peut lire sur le magazine Web de la Mission Agrobiosciences (publications originales accessibles gratuitement) :
- Afrique : la discordance des temps. L’intervention de Bernard Charlery de la Masselière, géographe et alors directeur de l’Institut Français de Recherche sur l’Afrique, au Kénya, dans le cadre de la 13ème Université d’Eté de Marciac, "Traditions, urgences et perspectives : comment accorder les temps ?"
- La science économique peut-elle aider l’Afrique ?. Le cahier de l’Université des Lycéens, avec Jean-Paul Azam, chercheur en économie, et Zéphirin Mouloungui, chercheur en chimie. Janvier 2004.
- Quelle évolution pour les paysans d’Afrique noire, dans le cadre de la fin d’un modèle colonial de développement ?. Le cahier du café-débat de Marciac avec Bernard Charlery de La Masselière.
- L’agriculture française, vue depuis les Pays du Sud ! Table ronde animée par Gilles de Mirbeck, sociologue, avec Omar Bessaoud, enseignant-chercheur à l’institut agronomique méditerranéen de Montpellier, et Alexis Krycève, alors directeur marketing d’Alter Eco. Dans le cadre de la 10ème Université d’Eté de l’Innovation Rurale, "Dans le champ des agricultures du monde, quel destin pour les agricultures d’ici ?"