15/03/2024
[BorderLine] Surtourisme : une fréquentation contre nature ?
Nature du document: Contributions

Surtourisme : cherchons de vraies réponses

La nouvelle rencontre BorderLine, « Surtourisme : une fréquentation contre nature ? », du 23 avril 2024, organisée par la Mission Agrobiosciences-INRAE et le Quai des Savoirs, propose de s’interroger sur le tourisme dans les espaces naturels. Comment combiner durablement passage des promeneurs, préservation de ces milieux et maintien des activités humaines existantes ? Pour préparer la rencontre et croiser les différents points de vue, un appel à contributions a été lancé. Samuel Houdemon, directeur de l’agence de développement KIPIK Conseils, évoque ici la nécessité de promouvoir une approche collective et scientifique pour définir les seuils d’acceptabilité et les bonnes pratiques de gestion touristique.

Samuel Houdemon : Il me semble que les contributions de Marie-Julie Filippini, « Le surtourisme, un point de bascule », et Rémy Knafou, « Surtourisme : on emploie le mot à tort et à travers », définissent suffisamment le terme « surtourisme ». J’insisterai juste sur leurs deux idées de “point de bascule” et de “trop de tourisme”. Dans sa contribution, « L’exemple de l’île d’Aix en Charente-Maritime », Dominique Chevillon croise ce que nous pouvons observer dans certains territoires ruraux et montagnards. C’est-à-dire la réalité d’un flux important de touristes, qui déstabilise certains territoires, avec des élus indécis sur des actions correctives, nous amène au point de bascule, et pourrait “nuire” à l’économie locale. Pourtant, les outils de régulation sont là pour limiter ce flux. Depuis 2022, l’article L360-1 du code de l’environnement donne à l’élu local le pouvoir de régulation qu’il n’avait pas avant.

Aménager pour contrôler

Concernant la question, redondante depuis le COVID, du “risque induit par l’équipement” (stationnement, toilettes sèches, panneautage...) qui générerait plus de flux qu’il n’en canalise ou régule : grâce au travail et aux expériences conduites par le Réseau des Grands Sites de France, nous avons, depuis plus de 20 ans, le recul nécessaire pour dire que ce risque est une idée reçue. En effet, aménager dans le respect d’un site, c’est la garantie de mieux accueillir et définir ses propres seuils d’acceptabilité ! Les réponses apportées aux flux importants sur les sites classés exceptionnels du Cirque de Navacelles, des Gorges du Gardon-pont du Gard et de la Pointe du Raz nous apportent des réponses pratiques et éprouvées.

Les réponses au surtourisme peuvent aussi nuire aux locaux

Une autre vraie question me semble être le flou existant entre celui que l’on qualifie de touriste et la définition officielle d’un touriste(1)… Si je me rends, un week-end ensoleillé, au lac du Salagou ou à St Guilhem le Désert dans l’Hérault, il sera bien difficile de distinguer le touriste, le randonneur local et le montpelliérain excursionniste. Tous les trois participent au possible engorgement du site et leurs usages ne sont pas pour autant différents. Le flou se répercute vers le “touriste”, avec souvent une connotation négative. On notera que le Comité Régional du Tourisme Occitanie est devenu Comité Régional du Tourisme et des Loisirs, pour ne pas oublier que la fréquentation d’un lieu, même touristique, se partage entre de multiples acteurs.

A cet égard, l’onde de choc ressentie lors du déconfinement par les gestionnaires des espaces naturels (Parcs Nationaux, conservatoires), mais aussi par les usagers bergers, forestiers et agriculteurs de l’espace rural, a conduit certains espaces protégés à des réponses fortes et parfois brutales. Ciblant initialement les fameux “touristes” mais conduisant occasionnellement à interdire des activités aux locaux. L’impact des réponses de régulation au surtourisme, pour les populations locales, n’est pas neutre en milieu rural et montagnard et peut même jouer défavorablement pour l’attractivité de ces territoires. Il est donc important de questionner la méthodologie de définition des seuils d’acceptabilité dans les espaces naturels pour le vivant. Ici, je diverge de M. Knafou sur l’idée d’une réponse facile, voire acquise, à la question de savoir si un site naturel est, ou pas, menacé.

Promouvoir une gestion collective et scientifique

Nous voyons souvent des seuils d’acceptabilité fixés par le ressenti d’acteurs locaux, parfois lobbyistes, comme certains pêcheurs ou militants… La connaissance scientifique est encore très partielle sur l’impact de la fréquentation (touristique ou non) dès que l’on touche à des sujets comme le nombre de canoës sur la Dordogne, le bivouac en montagne, ou encore les sports de nature en général. Nous avons à approfondir les connaissances sur la résilience des milieux face à la fréquentation. Quelles sont les limites qui doivent définir jusqu’où le développement touristique peut aller dans ces espaces ? Il faudra ainsi peut-être limiter le nombre, à terme, de touristes ou de bovins sur le plateau du causse Méjean. Mais nous avons aussi un véritable champ à instruire sur les « bons » comportements du touriste, comme du local. Comme nous avons pu le démontrer sur certains canyons du Pôle de pleine nature du massif du Caroux en 2018, un groupe encadré par un professionnel de neuf canyonistes en journée génère moins d’interactions négatives sur le milieu qu’un unique pratiquant autonome en horaire élargi. Sortons donc des réponses simples et coercitives et prenons le temps de cadrer, collectivement, nos propres limites, à partir de protocoles scientifiques débattus et acceptés par le plus grand nombre.


Rendez-vous le mardi 23 avril 2024, de 18h00 à 20H00,
Agora du Quai des Savoirs (39 All. Jules Guesde, 31000 Toulouse) ou en ligne.
En savoir plus
Gratuit et ouvert à tous les publics sur inscription auprès de la mission agrobiosciences

Vous aussi, contribuez au débat

Pour préparer en amont la rencontre, diversifier les points de vue et les retours d’expérience, la Mission Agrobiosciences-INRAE lance un appel à contributions ouvert à toutes et tous, spécialistes du sujet comme néophytes. Plus précisément, elle soumet à votre sagacité deux questions :

1/ Que désigne selon vous le terme « Surtourisme » ? A quoi l’associez-vous ?
2/ Plusieurs expérimentations (quotas, réservations...) visant à encadrer la fréquentation touristique des sites naturels ont été mises en place ces dernières années. Qu’en pensez-vous ?

Vous pouvez également, si vous le préférez, nous partager un retour d’expérience sur ce sujet du surtourisme dans les espaces naturels. Envoyez-nous vos contributions en une page maximum (4000 signes max) à mission-agrobiosciences[@]inrae.fr , jusqu’au dimanche 14 avril 2024. Après validation, celle-ci sera publiée sur le magazine Web de la Mission Agrobiosciences-INRAE.

Samuel Houdemon, directeur de l’agence de développement KIPIK Conseils

(1) Selon l’Insee : Le tourisme comprend les activités déployées par les personnes au cours de leurs voyages et séjours dans des lieux situés en dehors de leur environnement habituel pour une période consécutive qui ne dépasse pas une année, à des fins de loisirs, pour affaires et autres motifs non liés à l’exercice d’une activité rémunérée dans le lieu visité. Source : https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1094


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