25/10/2019
L’édito de Lucien Bourgeois
Nature du document: Chroniques

Des céréales bio très rentables

Dans cet édito, Lucien Bourgeois, économiste spécialiste des politiques agricoles et chroniqueur de longue date pour la Mission Agrobiosciences-Inra, revient sur un sujet sensible : la conversion des fermes au bio et leur rentabilité. Une plongée dans l’univers des chiffres... Qui, ici, ne trompent pas !

Une ferme bio de 300 ha dégage une marge nette de 157 000 € alors qu’en système traditionnel, cette marge n’est que de 82 000 € pour la même superficie. Ce sont les résultats d’une étude menée pendant dix ans par Arvalis, le très sérieux Institut du végétal, sur des parcelles d’essai dans sa ferme de Boigneville en Ile-de-France. Les chiffres publiés sont une moyenne pour les 5 années entre 2014 et 2018.
Comment Arvalis aboutit à ce constat ? Pour le produit brut, les prix supérieurs du Bio compensent en partie la différence de rendement. En valeur, le produit brut/ha du Bio est inférieur de 140 €/ha seulement à celui du conventionnel. Mais pour la marge nette, cet écart est largement compensé par une économie de 431 €/ha sur les charges. Le système Bio consomme 5 fois moins de charges que l’autre (547 € en traditionnel et 116 € en Bio) ! De plus, le système Bio bénéficie d’une prime supplémentaire de 208 €/ha. Si l’on retire les soutiens publics aux deux systèmes, la marge nette est très faible mais elle reste plus importante pour le Bio avec 71 €/ha, soit 21 300 € pour 300 ha contre 31€/ha pour le conventionnel, soit 9 300 € pour 300 ha.
La conversion en Bio est toujours une période difficile à gérer car il s’agit de modifier complètement la manière de produire, la façon de penser. Si les aides Bio poussent à faire le pas, elles ne font pas tout. L’étude d’Arvalis montre enfin ce que tout le monde pressentait : le Bio est rentable pour ceux qui le maîtrisent.
De plus, il nécessite plus de main d’œuvre, occasionne moins de pollution et correspond à une attente croissante des consommateurs. Alors pourquoi avoir attendu si longtemps en France pour démontrer sa pertinence économique ? Ce n’est pas l’absence d’un appareil de formation, de développement et de recherche, que nous avons performant, mais bien une question de culture : la diversité ne fait pas partie de nos gènes nationaux. Il y a 40 ans, l’Inra n’avait dégagé qu’un demi-poste sur le Bio et les producteurs qui se risquaient dans cette voie n’étaient pas accompagnés. Autre particularité française, il est grossier de parler de revenu sauf pour se plaindre ! D’où le succès de la fable répétée en boucle sur les 350 €/mois que ne parviendraient pas à gagner la moitié des agriculteurs.
Si l’on faisait davantage d’études sur les résultats économiques des exploitations, on verrait qu’ils dépendent autant de la capacité de gestion, des circuits de commercialisation et du choix de vie des agriculteurs que du type de produits. L’essentiel est de pouvoir s’appuyer sur des études sérieuses sans a priori idéologique.

Lucien Bourgeois, Édito de la revue A Vrai Lire N°19 du Groupement AGIRAGRI (expertise comptable et avocats) : https://www.bizouard.com/wp-content/uploads/2019/10/a-vrai-lire-n-19-octobre-2019-agiragri-bizouard.pdf

Par Lucien Bourgeois, pour AgirAgri

Mot-clé Nature du document
A la une
SESAME Sciences et société, alimentation, mondes agricole et environnement
BORDERLINE, LE PODCAST Une coproduction de la MAA-INRAE et du Quai des Savoirs

Écoutez les derniers épisodes de la série de podcasts BorderLine :
Où sont passés les experts ?
Précarité alimentaire : vers une carte vitale de l’alimentation ?

Rejoignez-nous lors du prochain débat, le mardi 23 avril 2024.

Voir le site
FIL TWITTER Des mots et des actes
FIL FACEBOOK Des mots et des actes
Top