La banalité de la progression urbaine
Il est évidemment pour le moins malencontreux que la décision de mise en vente des terrains de la station intervienne durant l’année de la biodiversité. Mais cette fâcheuse coïncidence mérite quelque analyse. Tout d’abord, il est courant qu’un domaine de la recherche agricole, installée à l’origine en pleine campagne se retrouve cerné par l’urbanisation et les lotissements plusieurs décennies après. Cette situation est fréquente en France dans la région parisienne et en périphérie des grandes villes en croissance. Ce qu’il l’est moins, c’est la situation du droit de la terre en Russie, en l’absence de titres de propriété foncière et même de cadastre jusqu’à une période récente. Avec des conséquences sur les procédures de privatisation foncières telles que celle qui touche la Station de Pavlovsk, et que l’Agence fédérale du logement a maintenant en charge en toute légalité.
L’exemplarité de l’héritage de Vavilov
Nikolaï Vavilov, illustre savant russe, est à l’origine d’une prospection mondiale des ressources génétiques végétales au cours d’une succession de voyages au cours des années 1920 et 1930, dont les leçons l’amenèrent à formuler une théorie sur l’existence de pôles de diversité des plantes cultivées, et à créer à Leningrad le premier conservatoire mondial des variétés végétales. Une œuvre de pionnier qui fut sauvée durant le siège de Leningrad, mais dont l’auteur mourut de faim en prison à Saratov après sa condamnation à mort. On retient de ce travail le rassemblement des graines de multiples cultivars de plantes cultivées, céréales et légumes notamment, identifiés de part le monde. Mais ce que l’on sait peut-être moins clairement, c’est que la prospection concernait aussi les espèces fruitières et l’ensemble de l’Union Soviétique. Ainsi, le chercheur américain Gary Paul Rabhan, refaisant les voyages de prospection de Vavilov, raconte sa visite au Kazakhstan et dans les montagnes qui environnent Alma-Ata, pôle mondial de différenciation des pommiers, menacé aujourd’hui lui aussi par l’expansion urbaine. L’intérêt de la collection de Pavlovsk réside dans le fait, souligne Michel Chauvet, qu’elle rassemble des variétés telles qu’on pouvait les trouver alors dans l’ensemble de l’empire soviétique : elle est donc effectivement unique. Ce qui d’ailleurs en souligne la fragilité, car on considère aujourd’hui la nécessité, en matière de collections d’espèces ligneuses, de dupliquer les collections afin de les sauvegarder de l’incidence destructrice de tout aléa, notamment de nature climatique.
Donner un statut spécifique aux collections
En fait, l’avenir des terrains du domaine de Pavlovsk est réglé : ils seront dédiés à des opérations immobilières souligne l’article du Monde. Ce qui est maintenant en débat, ce sont les délais accordés pour assurer les opérations de greffe ou de bouturage de 12 000 variétés de plantes, en toute sécurité. Là est l’enjeu souligne Michel Chauvet. D’où l’importance du recours au Président Medvedev. Mais, insiste Michel Chauvet, il est indispensable que de telles collections disposent d’un statut spécifique qui les protège, au même titre que les ressources génétiques dont elles sont l’objet, que ce soit en Russie ou en France.
Revue de presse de la Mission Agrobiosciences, 6 septembre 2010
Sources :
- Russie : le jardin horticole de Vavilov est menacé par des promoteurs, Le Monde, 5 et 6 septembre 2010.
- Une collection de 5000 variétés de petits fruits menacée de disparition en Russie à l’Institut Vavilov !. Tela-Botanica, 11 août 2010.
- En Russie, les promoteurs menacent une collection horticole unique au monde. AFP, 19 août 2010.
- Dmitry Medvedev, rival écolo de Poutine ?. Journal de l’environnement, 27 août 2010.