22/09/2025
Revue de presse du 22 septembre 2025
Nature du document: Revue de presse

Quand la presse appuie sur le champignon

Ils ont subitement poussé... « comme les champignons après la pluie ». Après un été marqué par les canicules et les incendies, que nous dit cette « floraison » d’articles et de reportages consacrés à l’abondante sortie des cèpes dans les sous-bois ? Entre marchés (réglementés), partages sur les réseaux et cueillettes sauvages en forêt.

L’alerte a été lancée dans la presse locale. « Il va y avoir du monde en forêt ce week-end », claironne dès le 12 septembre la Charente Libre. Le quotidien régional se base sur des publications diffusées sur les réseaux sociaux et incite ses lecteurs à partager leurs clichés de paniers garnis sur sa propre page Facebook. « On voit furtivement des paniers se balader dans les sous-bois », confirme La Dépêche du Midi d’après les confidences des premiers ramasseurs amateurs qui ont leurs coins secrets du coté de la forêt de Bouconne et de son « club hippique », à la sortie de Toulouse. Si on ne trouve pas des bolets Edulis (on ne va quand même pas dire « cèpes de Bordeaux » dans la ville rose !) sous les sabots d’un cheval, il est nécessaire de bannir le sac plastique et de s’équiper du traditionnel panier en osier qui permettrait « de diffuser les spores des champignons et préserve la valeur gustative des trésors sylvicoles », selon un « mycologue averti » consulté par le correspondant du quotidien toulousain. Une promeneuse a même dû « appeler les secours » pour apporter des sacs supplémentaires, rapporte un hebdomadaire de Haute Saintonge : en 30 minutes chrono, cette ramasseuse anonyme se vante d’avoir ramassé 45 kilos dans « un jardin planté de cèpes ».

Invasion de « doryphores » urbains

Signe des temps, les récoltes plus ou moins « miraculeuses » ne se racontent plus seulement au bistrot du coin ou au correspondant local du journal à la manière des pêcheurs posant fièrement aux cotés de leurs prises. Elle se dévoilent désormais, photos à l’appui, sur les réseaux dits « sociaux ». A Saintes (Charente Maritime), une quinquagénaire a lancé en octobre 2024 un groupe Facebook dédié aux champignons dans son département qui attire jusqu’à 7.000 contributeurs, signale Sud Ouest. « On ne vous demande pas des coordonnées GPS du spot des trompettes ou des cèpes, juste des secteurs. Il y en a pour tout le monde, les bois sont vastes », proclame Laetitia Merles. Un géologue ariégeois va même jusqu’à commercialiser (60 €) des cartes de « coins à champignons », rapporte un reportage diffusé par France 2.

Cette mode collaborative irrite les puristes qui ne tiennent pas à partager leurs chasses aux trésors d’automne avec tout le monde. « Il suffit d’une image avec un gus revenu les bras chargés de champis et hop, les amateurs débarquent », ironise Le Journal du Médoc. Le directeur de la rédaction de cet hebdomadaire local (qui a quitté l’orbite de Sud Ouest) dénonce d’un ton sarcastique dans son billet de la semaine « l’invasion des « doryphores » et des zurbains, qui viennent tout nous saccager dans les bois ».

Marchés saisonniers

A défaut de traquer le cèpe comme d’autres chassent le lièvre ou le sanglier, il reste un endroit où l’autre « roi des forêts » est impossible à manquer : le marché. Celui de Villefranche-de-Périgord a ouvert dès le 11 septembre, signale la radio publique locale. Il s’agit du plus ancien des quatre marchés saisonniers répertoriés en Dordogne, explique Ici Périgord. Alertées, les caméras de télévision ont aussitôt débarqué sous la halle de la bastide, mais aussi dans les bois alentour.

France Télévision a gagné la confiance d’une famille de propriétaires forestiers du secteur pour une récolte « inédite » de 140 kilos de cèpes, avant de retrouver un « négociant » plus méfiant venu acheter en gros sous la halle. L’équipe de TF1 a suivi de son coté un local en tenue fluo qui a pris spécialement une journée de congés pour ramasser les champignons à plein sceaux. « La règle est de ne dépasser les 5 kilos par personne » pour le simple particulier, assure le reportage. Au total, il s’est écoulé 1,7 tonnes de cèpes vendu entre 15 et 20 € le kilo dès le premier marché « officiel », rapporte Sud Ouest.

Cette ruée médiatique n’est pas du goût de tout le monde et même les quotidiens régionaux de proximité en prennent pour leurs grades « Tous les ans c’est pareil, vous en faites tout un plat quand les cèpes sortent et, dans la foulée, des goujats envahissent mes bois », se plaint un retraité auprès de La Charente Libre. Le quotidien régional se voit contraint de préciser que les champignons, contrairement au gibier, ne sont pas considérés res nullius en droit. Il faut donc une autorisation du propriétaire. Dans les forêts publiques, le code forestier n’impose plus de quantité maximale tolérée, mais les récoltes ne peuvent - théoriquement - pas être vendues. A Vayssac (Tarn-et-Garonne), le marché aux cèpes est réservé aux seul propriétaires de six communes du canton, membres d’une association qui organise le marché hebdomadaire, rapporte Ici Occitanie. Faute d’apports suffisants, il ne fonctionnait plus depuis 2021.

Par Stéphane Thépot, journaliste

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