Le Paysage défiguré, figuré, reconfiguré... re-figuré ?
Avec le printemps bourgeonnent à nouveau les saisissements du voir : les émotions comme les tensions. Prenons le « paysage ». Celui qui se façonne au gré de l’activité et de la circulation des hommes, est, au fil d’un temps récent, devenu l’un des thèmes émergents de débats et de controverses. Certains voudraient y mettre bon ordre. Tout à coup, surgissent des points de vue, parfois radicaux. Il semble surtout qu’en la matière chacun ait son idée. A écouter de plus près les débats en cours, il y aurait même autant de « paysage idéal » que de sujet. Par endroit, émergent des socles aussi rassembleurs que discutables. Ainsi, une sorte de glissement favorable à tout ce qui est « tradition », à l’instar des arguments actuels sur l’alimentation ou l’agriculture, désigne ces paysages autrefois naturels et rustiques et qui, par la modernité, seraient défigurés. Ce mot, défiguré, souvent invoqué, mérite qu’on s’attarde sur son sens et les paradoxes qu’il engendre. Qu’est-ce qu’un paysage non-défiguré : un désert, un paysage figuré, configuré, reconfiguré ?
Le paysage défiguré ?
Ce thème évoque une émission de télévision des années 70 : « La France défigurée » qui mettait en cause des édiles locaux sur les bétonnages abusifs et quasi-illégaux de nos paysages et bâtiments. Il est bon de regarder au sens propre ce que voulait dire défiguré : « le fait de rendre méconnaissable en altérant la forme. ». Ainsi, altérer la forme ne voudrait pas forcément dire enlaidir. Après tout la chirurgie esthétique altère la forme.
Changé de nature ?
Prenons le mot « défiguré » dans son sens péjoratif. Défigurer le paysage dans l’acception courante, c’est le changer de nature. Dans les récents articles que nous avons pu lire, souvent assez polémiques dans les revues des associations de défense des paysages ou de la nature... nous avons relevé cette série de métaphores : la France enlaidie. Une nature blessée. Une pureté originelle qui porte les cicatrices de l’empreinte humaine... C’est assez lyrique.
L’homme mis à l’index ?
Les termes qui reviennent les plus souvent sont : les usines, les pylônes, les immeubles, les stations de ski... En fait, si on recense l’ensemble, c’est toute l’activité humaine contemporaine qui est mise à l’index. Et ce en remontant jusqu’au début de la période industrielle.
Paradoxe du paysage non défiguré ?
A l’inverse le paysage non défiguré est beau, immuable, pur. Relevons tout de même ce paradoxe : il serait un paysage la fois familier et sauvage.
Ce serait un désert ?
Afin que le paysage ne soit pas défiguré par l’activité humaine, il n’y aurait donc qu’une possibilité : enlever la figure humaine. Le paysage qui ne serait pas défiguré serait donc le désert.
Que serait un paysage figuré ?
Intéressons nous à ce que veut dire figurer. Ça vient du latin finguere, qui veut dire modelé dans l’argile. Tout s’éclaire : de tout temps, la main de l’homme l’a fait changer de figure. Paysage figuré paraît très juste. L’adjectif figuré est apparu tard en français. Cela voulait dire bien dessiné. C’est encore cohérent. Finalement, l’usage courant semble avoir perdu ce sens du côté du pictural.
Re-figurer le défiguré ?
Pour re-figurer le paysage défiguré. Au lieu de laisser faire la nature et d’exclure l’homme, il faudrait au contraire recomposer avec l’homme pour reconfigurer : mais en intégrant la dimension humaine.
Valérie Pean. Mission Agrobiosciences, mars 2005
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