[Gouvernance de l’eau] Retour d’expérience d’Eau & Rivières de Bretagne

Créée en 1969, l’association Eau et Rivières de Bretagne est un acteur important de la protection et de la gestion de l’eau en Bretagne. A l’occasion du débat BorderLine du 19 juin 2025, dédié à la gouvernance de l’eau, la Mission Agrobiosciences-INRAE publie aujourd’hui la contribution, façon retour d’expérience, de cette association, qui s’exprime ici à travers Pauline Pennober, animatrice territoriale en Ille-et-Vilaine, chargée de mission Politiques de l’eau.
Pour vous inscrire au débat, c’est par ici .
Pourriez-vous présenter brièvement votre association et ses actions ?
En premier lieu, Eau & Rivières de Bretagne communique, élabore des rapports et du matériel pédagogique pour rendre l’information accessible à tous. Ces ressources permettent de suivre les évolutions législatives et de mobiliser des actions juridiques en cas de défaillance dans la gestion de l’eau. En encourageant l’engagement citoyen et en tissant des liens avec d’autres organisations environnementales, des institutions académiques ou des fédérations professionnelles, elles créent également une mémoire collective et des leviers d’action tout en affirmant la légitimité de l’association auprès des décideurs publics.
L’association encourage aussi la démocratie environnementale en contribuant aux multiples concertations du millefeuille politique et géographique du territoire afin d’assurer la protection de l’eau. Cette représentation dans les instances est un pilier de notre vie associative. Par exemple, en 2021 pour la révision du Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) Loire-Bretagne, c’est notre territoire qui a le plus contribué, grâce à la représentation et l’apport de l’association dans les concertations. C’est grâce à cet engagement que nous contribuons à faire bouger les lignes et que nous pouvons avoir un impact durable pour la protection de notre bien commun, l’eau. En 2023, 115 bénévoles et salarié.e.s ont participé à plus de 280 instances et commissions sur le sujet de l’eau, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle du bassin Loire-Bretagne, des régions, des départements, et dans les commissions locales de l’eau (CLE). L’association a contribué à 28 enquêtes publiques et consultations, ce qui représente 3 500 heures de travail - près de deux "équivalents temps plein" !
Pourriez-vous donner une illustration de cet engagement ?
A Rennes par exemple l’association s’est mobilisée dès le début des années 2000 à propos de la gestion de l’eau potable qui était alors privée. Aux côtés d’autres associations, syndicats et collectifs, pendant plusieurs années, elle a défendu le retour à une gestion publique de l’eau. Au début des années 2010, devant cette mobilisation, la commune est revenue à une gestion publique qui en 2015 a été organisée à l’échelle intercommunale avec la création de la Collectivité "Eau du Bassin Rennais" dans laquelle les associations sont parties prenantes.
Ce retour en régie de la gestion de l’eau sur Rennes puis sur le territoire "Eau du Bassin Rennais" a contribué à moderniser les réseaux avec une baisse observée du taux de fuite. Il a permis d’harmoniser le prix de l’eau, de passer à un tarif progressif et solidaire mais aussi de mieux protéger la ressource. Aujourd’hui, nous siégeons au sein de la collectivité comme représentant associatif et nous menons des actions de sensibilisation auprès des scolaires sur la question des économies d’eau. L’association a aussi soutenu la mise en place du projet Terres de Sources(1) qui vise notamment à protéger la ressource en eau, tout en assurant une juste rémunération des producteurs agricoles. Elle siège aujourd’hui dans la Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) qui suit ce projet.
"Favoriser une évolution de la gouvernance de l’eau allant au-delà de l’approche technique"
Enfin, dans le cadre d’une recherche action, (Re)Source(2), qui fait suite aux démarches d’Atlas socio-culturels des rivières, nous poursuivons notre travail sur l’approche culturelle de la relation à l’eau. Cette approche peut être un levier pour s’approprier des enjeux, mobiliser des communautés d’intérêts, changer de paradigme dans la relation à l’eau comme territoire et milieu de vie. Prendre en compte des considérations socio-culturelles, comme celle de l’eau-milieu de vie, et les acteurs qui les portent pourrait favoriser une évolution de la gouvernance de l’eau allant au-delà de l’approche technique, vers des politiques publiques de l’eau plus intégrées et plus transversales.
Quel a été le déclencheur de votre action ?
Source de vie, de biodiversité et moteur de l’économie, l’eau est au cœur de l’avenir de nos territoires. Sur le territoire français, de nombreux dispositifs publics et privés ont été mis en place pour protéger cette ressource.
Pourtant, malgré ces initiatives, l’association s’est souvent trouvée en première ligne pour pallier l’inaction ou le manque d’expertise, tant du côté des pouvoirs publics que des acteurs privés. En réponse à des politiques parfois insuffisantes ou inadaptées, nous essayons de nous positionner comme un acteur clé pour faire entendre la voix de la nature dans le cadre réglementaire.
Grâce à notre expertise, notre engagement dans les concertations et les instances, nos actions de terrain, nous pouvons agir pour la préservation de la ressource en eau. Nous nous investissons également dans la formation et la mobilisation des citoyens pour faire en sorte que cette protection soit durable et partagée.
Ainsi, dans le cas du projet Re(source), le déclencheur initial remonte à notre colloque de 2019. Pour fêter les 50 ans de l’association, nous avions invité des Maoris à partager leur expérience : ils avaient défendu le fleuve Whanganui et obtenu du Parlement de Nouvelle-Zélande la reconnaissance de sa personnalité juridique. Cela nous a amenés à réfléchir et à remettre au cœur de nos actions le lien culturel à la nature.
Agora du Quai des Savoirs (39 All. Jules Guesde, 31000 Toulouse).
Gratuit et ouvert à tous les publics sur inscription (recommandée)
S’INSCRIRE : [https://sondages.inrae.fr/index.php/122399?lang=fr]
(1) Terres de sources soutient et encourage les bonnes pratiques des agriculteurs engagés dans la protection de l’environnement et de l’eau, en assurant des débouchés à leurs productions. https://terresdesources.fr/
(2) Voir Université de Rennes 2 : https://nouvelles.univ-rennes2.fr/article/projet-resource-decrypte-notre-attachement-leau)