17/11/2004
Note de lecture de Jean-Claude Flamant, Mission Agrobiosciences.

Se libérer de la matière ? Fantasmes autour des nouvelles technologies.

Se libérer de la matière ?

On distinguait autrefois les civilisations d’après la nature du matériau qui prévalait : âge de pierre, âge du bronze, âge du fer. En ce début de XXIème siècle, on parle d’un « âge de l’information » ou d’une « société de la connaissance ». Certains, en effet, proclament déjà « la fin de l’âge des matériaux ». Note de lecture réalisée par Jean-Claude Flamant, Mission Agrobiosciences en 2004.

La notion de dématérialisation, apparue vers 1990 comme une tendance des techniques modernes et un impératif d’écologie industrielle, désigne une diminution de la matière dans les biens de consommation. Aujourd’hui, les nanotechnologies renforcent l’espoir de s’affranchir de la matière par les pouvoirs de l’esprit. Ne s’agit-il pas plutôt en l’occurrence d’une forme de contrat avec de nouveaux matériaux, ingénieux et partenaires ? Loin de nous acheminer vers une civilisation de plus en plus spirituelle, nous sommes entrés en fait dans « l’âge des matériaux ».

L’auteur insiste sur l’ambition de réaliser une alliance entre nanotechnologies, biotechnologies et informatique. Ainsi, le programme américain « NBIC » vise à réaliser la convergence entre nanotechnologies (N), biotechnologies (B), technologies de l’information (I) et sciences cognitives (C) : une initiative de la National Science Foundation. (Ce programme NBIC inspire à Toulouse le projet de formaliser un pôle de recherche et d’innovation technologique sous le vocable « BioNanoInfo »). Car, explique Bernadette Bensaude-Vincent, « moins qu’une extension de la chimie, l’approche « nano » est d’inspiration biologique ».

Une autre caractéristique de cette évolution, c’est que «  le problème de l’acceptabilité sociale des nanotechnologies a été posé d’emblée dans le cadre des nano-initiatives, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni en tout cas  ». On apprend qu’une part (1%) du budget considérable consacré au projet NBIC (600 milliards de dollars par an) a été affecté aux sciences humaines, avec la volonté d’intégrer d’entrée de jeu la réflexion philosophique, éthique et sociale. Explication : « On voudrait bien éviter pour les nanotechnologies la réaction de rejet du public qu’on a connue à l’égard des OGM ».

Et Bernadette Bensaude-Vincent d’en appeler à l’avènement d’une « science ouverte  », par contraste avec «  la recherche confinée », y compris en acceptant qu’interviennent dans le débat public des visions de « science-fiction » tout autant que des visions de catastrophisme. Car, affirme-t-elle, « ces visions ont une fonction épistémologique et une utilité sociale ».

Un ouvrage tonique et très pertinemment documenté, qui ouvre de nouveaux horizons et des voies de réflexion philosophique sur la recherche en train de se faire dans une direction susceptible de bouleverser nos rapports à la matière et au vivant.

Bernadette Bensaude-Vincent est professeur d’histoire et de philosophie des sciences à l’Université Paris X. Elle mène des recherches sur l’évolution des sciences de la matière et leur impact sur la culture et la société.

Note de lecture de Jean-Claude Flamant, 2004.

La collection « Sciences en questions » éditée par l’INRA accueille des textes traitant de questions d’ordre philosophique, épistémologique, anthropologique, sociologique ou éthique, relatives aux sciences et à l’activité scientifique. Elle est ouverte aux chercheurs de l’INRA mais aussi à des auteurs extérieurs.
Le groupe de travail « Sciences en questions » souhaite favoriser la réflexion critique des acteurs de la recherche sur l’activité scientifique et ses implications. Son ambition première est d’enrichir la réflexion interne à l’INRA en l’alimentant de contributions propres à éclairer, sous une forme accessible et attrayante, les débats contemporains sur la science et la recherche.
Bernadette Bensaude-Vincent. Inra Editions, 2004.
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