Le partage des savoirs scientifiques, enjeux et risques
Les Annales des Mines publient, quatre fois par an, la Revue Réalités Industrielles (aux éditions Eska).
Le but : en une vingtaine d’articles, faire le point sur un sujet technique, un secteur économique ou un problème d’actualité.
Dans son édition de mai 2007, Réalités Industrielles offre différents éclairages sur "Le partage des savoirs scientifiques, enjeux et risques".
La Mission Agrobiosciences vous propose de lire, ci-après, l’édito et le sommaire de ce numéro, dont nombre d’articles viennent croiser ses propres réflexions...
LE PARTAGE DES SAVOIRS SCIENTIFIQUES,ENJEUX ET RISQUES
EDITORIAL
par François VALÉRIAN, Rédacteur en chef des Annales des Mines
Le temps de la science n’est pas celui de l’opinion. Nous en faisons l’expérience, désormais de manière fréquente, à chaque crise de santé publique ou de sûreté environnementale. Un public très large et divers, abreuvé d’informations contradictoires, est impatient de connaître une vérité que les experts et savants semblent incapables d’exposer d’une seule voix et en termes simples.
Faut-il pour autant renoncer à entretenir le grand public des problèmes scientifiques ? Dans toute démocratie moderne, la réponse est évidemment négative. De plus, la science elle-même, avec Internet, a produit le vecteur d’une diffusion inédite des savoirs, qui oblige désormais le monde scientifique à une confrontation avec un public sans doute peu formé, mais exigeant.
Les entreprises, les associations, les représentants d’intérêts divers, et jusqu’à certains scientifiques eux-mêmes, ont bien saisi l’utilité de ces débats publics presque permanents. Il est en effet tentant d’exploiter le débat pour déconsidérer telle ou telle thèse dominante dans le monde académique. Jamais la complexité n’a paru aussi grande, et la publicité qui lui est donnée favorise le scepticisme, le sentiment que tout est relatif et qu’aucune vérité n’est certaine. Ce relativisme est critiquable dans la mesure où il est extrême : aucune vérité n’est absolue, mais toutes les affirmations ne sont pas également vraies. Le débat public sur la science doit être un débat instruit, pour ne pas être un débat instrumentalisé.
On en revient à la nécessaire éducation du public, éducation à laquelle continuent d’échapper la plupart des jeunes dans un système scolaire aux larges mailles, et dominé en France par un apprentissage mathématique abstrait. Les efforts sont nombreux, de ceux qui s’efforcent de combler les lacunes de la formation initiale : initiatives locales, conférences et débats, universités pour toutes les classes d’âge. L’éducation scientifique demeure un enjeu capital, particulièrement peut-être dans les pays développés.
Avant-propos
FAIRE VOIR OU FAIRE SAVOIR, LES NOUVEAUX ENJEUX
par Marie-Josèphe Carrieu-Costa, Amble consultants
Enjeux et risques des débats publics sur la science
- EST-IL LEGITIME DE SOUMETTRE LA CONNAISSANCE SCIENTIFIQUE AU DEBAT PUBLIC ?
par Olivier Godard, Directeur de recherche au CNRS, Professeur à l’Ecole Polytechnique
La demande de mise en débat public de la science couvre parfois des stratégies de manipulation qui visent à faire reconnaître un contenu de vérité à des allégations qui n’ont pas passé les épreuves de la critique scientifique. Les acteurs économiques et sociaux (administrations, industriels, ONG) tendent à instrumentaliser la science et l’expertise au service de leurs objectifs. Davantage de transparence et d’ouverture de l’expertise serait de nature à pacifier les rapports entre sciences et société, mais la démarche ne va pas sans risque.
- POUR FAIRE TAIRE LES PEURS ALIMENTAIRES :
INFORMER SUR LES RISQUES LIES A L’ALIMENTATION
par Catherine Geslain-Lanéelle, Directeur exécutif de l’European Food Safery Authority (EFSA)
S’il est un domaine ou la diffusion de l’information scientifique est particulièrement importante, c’est bien la sécurité alimentaire. L’Autorité européenne de sécurité des aliments est chargée de fournir des avis scientifiques indépendants aux institutions européennes chargées de gérer les risques sanitaires. Une mission au carrefour entre la complexité de la science et les angoisses du public.
- L’EXPERTISE SCIENTIFIQUE DANS L’ESPACE PUBLIC
Réflexions à partir de l’expérience française, par Pierre-Benoit Joly, INRA/TSV
L’introduction de l’expertise scientifique dans le débat public ne va pas de soi. La parole de l’expert ne suscite pas, ou plus, la confiance immédiate, et il a donc fallu instituer des procédures pour adapter la communication d’un savoir aux exigences de la démocratie d’opinion. Dans les rapports entre science et politique, plusieurs modèles peuvent être distingués, à la lumière des crises et des ajustements des vingt dernières années.
- OUVRIR LA SCIENCE, MAIS SANS LA DENATURER
par Georges Debrégeas, Physicien, Vice-président de l’association Sauvons la recherche
On veut ouvrir la science aux entreprises et au grand public, mais ce ne doit pas être au prix de la rigueur du travail scientifique.
- DYNAMIQUES DES CONNAISSANCES ET DYNAMIQUE D’INNOVATION
par Florence Charue-Duboc, Centre de Recherche en Gestion, Ecole polytechnique
Les départements de recherche doivent produire de l’innovation, des produits ou processus originaux, tout un flux de connaissances nouvelles. En même temps, ils doivent gérer un stock de connaissances accumulées par les différents chercheurs à partir de leur formation et de leur expérience propres, et du réseau de leur discipline. Une organisation de recherche doit gérer cette articulation entre stock et flux, et permettre à des structures temporaires de mobiliser autour d’un projet les connaissances capitalisées par les structures pérennes.
- DES POLES DE CROISSANCE AUX POLES DE COMPETITIVITE :
UN NOUVEAU PARTAGE DES RESSOURCES COGNITIVES
par Bernard Pecqueur, Professeur Université Grenoble 1
L’économie et les territoires obéissent à des logiques différentes, parfois contradictoires. Au cours des « Trente Mutantes » qui ont succédé aux « Trente Glorieuses », bien des territoires ont été mis à mal par une économie dont le développement était de plus en plus mondial. Les pôles de compétitivité s’efforcent de capter la croissance mondiale dans un domaine, et de l’insérer dans le contexte local d’un territoire particulier.
- LA PRESSE REGIONALE FACE AU SAVOIR SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
par Jean-Jacques Rouch, La Dépêche du Midi
Toulouse, technopole du Midi et siège d’un quotidien régional prestigieux, ne pouvait que voir se développer des relations importantes entre savoir scientifique et information du public. Ces relations, pas plus qu’ailleurs, ne vont de soi. Le journaliste s’efforce d’accéder à l’expertise, ce qui n’est pas toujours simple, comme l’a démontré, entre autres, la catastrophe d’AZF.
- BARRIERES COGNITIVES DANS LA PERCEPTION DES NANOTECHNOLOGIES
par Alexei Grinbaum, CEA Saclay, Laboratoire des recherches sur les sciences de la matière
La plupart des gens ne connaissent rien aux nanotechnologies. C’est gênant, quand il s’agit d’un domaine aussi porteur de développements scientifiques et de changements à notre manière de vivre. Dans un tel contexte d’ignorance et de crainte, le premier message structuré est de la plus haute importance. Comment le concevoir, comment le délivrer ?
- LA DIFFUSION DE LA CULTURE SCIENTIFIQUE :
REALISATIONS ET REFLEXIONS
par Alexandre Moatti, X-Mines, président de la Société des amis de la Bibliothèque de l’Ecole polytechnique
L’accélération de la connaissance scientifique au XXe siècle ne s’est pas accompagnée d’une accélération de la diffusion de cette connaissance auprès du public. Pourtant, Internet et les outils modernes de communication offrent la possibilité d’un vaste partage des savoirs, tout en créant de nouvelles difficultés. Eclipsée par les débats souvent animés sur ses applications, la science fondamentale peine à trouver son chemin vers le grand public.
Vulgariser : de l’information au merveilleux
- APPRENDRE EN S’AMUSANT : CREDO POUR LA CULTURE ?
par Serge Chaumier, Professeur à l’IUP Denis Diderot, CRCM, Centre de recherche sur la Culture et les Musées, Université de Bourgogne
Les centres de sciences ont intégré l’idée, portée aux nues en soixante-huit, d’une appropriation ludique des savoirs. Ce nouveau credo banalisé est unanimement partagé. S’il est issu d’un bon sentiment et exprime une critique justifiée envers une démarche austère et rébarbative d’acquisition des connaissances, il produit aussi des effets pervers. Crise de l’école et crise de la culture sont indissociables. A trop vouloir enseigner par le jeu, l’institution culturelle risque de se muer en terrain de jeux, c’est-à-dire en parc de loisirs. La question de la transmission de la culture scientifique, plus qu’une autre, semble être emblématique de cette tendance.
- LA CULTURE SCIENTIFIQUE : UNE MACHINE A FABRIQUER DU REVE ?
par Florence Belaën, chercheur associé au C2SO (Culture, Communication et Société)de l’ENS-Lyon
Les institutions de vulgarisation scientifique ou technique sont devenues de véritables entreprises qui doivent faire leur place dans le mouvement de l’industrialisation de la culture. Une présentation synthétique de l’histoire récente des planétariums en France illustre l’évolution en cours dans ce contexte des rapports entre les sciences et la société. Plus que jamais, la culture scientifique est confrontée à un dilemme : faut-il mettre la science en culture, ou la mettre en spectacle ?
- AVEC LA MAIN A LA PATE, RENOVER L’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES
par Pierre Léna, Professeur émérite à l’Université Denis-Diderot Paris 7, Membre de l’Académie des sciences et délégué à l’éducation et la formation
Voici dix ans de cela, en France, une action vigoureuse, conduite depuis l’Académie des sciences avec de multiples partenaires, a entrepris la rénovation de l’enseignement scientifique et technologique à l’école primaire. Le succès a rapidement conduit à associer à cette initiative de nombreux pays, d’abord non européens, puis européens. Aujourd’hui, c’est au collège - maillon faible de notre système éducatif , qu’un nouveau chantier s’ouvre, pour y décloisonner l’enseignement scientifique, rapprocher science et technologie et améliorer la perception erronée qu’en ont trop souvent les élèves.
- LA CITE DES SCIENCES ET DE L’INDUSTRIE ET
LA DIFFUSION DE L’INFORMATION SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
par Jean-François Hébert, Président de la Cité des sciences et de l’industrie
La Cité des sciences, à la fois musée, centre de ressources et de conférences, et lieu de spectacles ou d’événements, connaît un succès étonnant pour un établissement aussi jeune. Ce succès s’explique sans doute par le vaste besoin de diffusion d’une culture scientifique et technique, et le rôle de médiation que la Cité s’efforce de jouer, dans de nombreux domaines, entre les savoirs de pointe et les attentes du public.
- "LA CURIOSITE EST LE FERMENT DE LA PENSEE, LA DEBROUILLE EST LE FERMENT DE L’ACTION" : LES PETITS DEBROUILLARDS
par Pascal Desjours, ancien rédacteur en chef de l’Association des Petits Débrouillards, et Jean Matricon,
physicien et membre du Comité des "agitateurs scientifiques"
des Petits Débrouillards Midi-Pyrénées
Le lien entre l’intelligence et l’expérimentation humaine est reconnu depuis l’antiquité, mais l’enseignement scientifique a parfois tendance à le négliger, pour privilégier un apprentissage théorique. Pourtant, la jeunesse est curieuse d’expériences concrètes, et d’un savoir qui naîtrait de la débrouillardise. Telle est l’idée des « Petits débrouillards », qui du Québec sont passés en France et tentent de montrer que l’étude des sciences peut être manuelle.
- COSINUS ET PARTICULE AU PAYS DES PEDAGOGUES
par Louis Faton, Editions Cosinus
En France, les mathématiques occupent une place très importante dans l’enseignement. Certains élèves s’en réjouissent, mais d’autres peinent à entrer dans une discipline en apparence coupée des réalités du monde physique. Comment réconcilier ces jeunes avec les mathématiques ? En leur montrant l’utilité concrète des théorèmes et démonstrations.
- ASSOSCIENCES MIDI-PYRENEES : DES CONFERENCES SCIENTIFIQUES ET TECHNIQUES POUR LA VILLE ET LA REGION
par Paul Costa, Président d’Assosciences
Comment diffuser le savoir à des non-initiés tout en le préservant comme objet de débat ? Tel est le pari que semble réussir Assosciences à Toulouse. Le choix des sujets n’est pas toujours aisé, car le nucléaire ou les OGM suscitent davantage la bataille rangée que la discussion sereine. Cependant la plupart des sujets, exposés par les conférenciers idoines, permettent à la fois d’éclairer le public et de faire se rencontrer plusieurs publics, des lycéens aux retraités. La science diffusée reste ainsi plurielle, objet d’interrogations et d’échanges.
- PRENDRE LA SCIENCE EN CONTE
par Francine Pellaud, Docteur en Sciences de l’éducation,
Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Université de Genève ; Richard-Emmmanuel Eastes,Professeur agrégé de Sciences physiques - Président de l’Association Les Atomes Crochus, Ecole normale supérieure ; Nathalie Sené, Professeur des Ecoles ; et Bérénice Collet, Comédienne et metteur en scène, Les Atomes Crochus
Les contes scientifiques trouvent leur origine dans une rencontre entre la littérature, la psychanalyse, les sciences et la didactique. Conçus dans la plus pure tradition des contes de fées, leur objectif premier est de permettre à des non-scientifiques de comprendre aisément un certain nombre de phénomènes. Au-delà de leur aspect ludique, ces contes s’avèrent de puissants outils au service de la médiation et de l’enseignement.
- L’EFFET PERE NOËL DANS LA RELATION SCIENCE-SOCIETE
par Richard-Emmanuel Eastes, Professeur agrégé de Sciences physiques - Président de l’Association Les Atomes Crochus,
Département d’Etudes Cognitives, Ecole normale supérieure,
et Francine Pellaud, Docteur en Sciences de l’éducation,
Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Université de Genève
Avec son double besoin de rationalité et de merveilleux, la société entretient un rapport ambigu avec la science. Trop rationaliste, la vulgarisation scientifique détournerait de la science. Trop ésotérique, elle en troublerait le message. Dans les deux cas, elle risquerait de faire le jeu des para-sciences. Comment concilier le besoin de merveilleux avec la nécessité de transmettre une information scientifique exacte et rationnelle ? C’est ce qu’explicite « l’effet Père Noël », qui démontre la nécessité de préserver une part de rêve et d’imaginaire dans la construction d’une culture scientifique épanouissante.
Où se procurer Réalités Industrielles ?
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