La "bougette" de la recherche.
A l’heure où les chercheurs demandent au gouvernement une rallonge financière, notamment dans le cadre du Collectif Sauvons la recherche, retour sur un vieux mot français dont la seule évocation ne manque jamais de susciter un cortège de mécontentements : le budget. Par Valérie Péan. Mission Agrobiosciences.
D’inspiration anglaise, le budget ? Que nenni. Un héritage du gaulois, plutôt, qui l’avait lui-même tiré d’une racine indo-européenne, bhel, désignant l’enflure, la boursouflure. Une signification que l’on décèle en creux dans les multiples termes qui en découlent, de bol à balle, en passant par la bulle, la blague, la bourse ou la bogue. Quant à notre fameux budget, il naît plus précisément de la bulga, qui désigne un sac de cuir. En clair, la bouge, avec son diminutif, la bougette.
Un mot qui a la bougeotte...
On aurait très bien pu en rester là si, comme beaucoup d’autre termes, la bougette n’avait fait un aller-retour par delà la Manche, en subissant quelques déformations phonétiques. En l’occurrence, la ’petite bouge’, difficile à prononcer pour les Anglais, se transforme successivement en bogget, puis bougget et enfin budget.
C’est sous cette forme qu’au 18è, période d’intense anglomanie, nous revient donc notre escarcelle originelle, qui adopte au passage le genre masculin. Si le budget désignera d’abord les finances anglaises, il ne tarde pas à s’appliquer également à nos comptes publics, malgré les critiques. De fait, ce n’est qu’en 1959 qu’il sera remplacé par la "loi de finances".
S’il n’y a aucunement matière à regretter une telle circulation des mots et d’un tel métissage des langues, comment ne pas penser qu’il serait sans doute plus léger et plus facile de négocier la "bougette de la recherche ?"
Un "ouvrons le budget" satirique
Reste à comprendre par quels méandres les Anglais ont bien pu adopter notre "bouge". Il semblerait que l’occasion première de l’emploi du mot budget revient au Chancelier de l’Echiquier ( l’équivalent de notre ministre des Finances), en 1733. Usant d’une métaphore pour présenter son rapport annuel, il aurait en effet déclaré « to open the budget » : ouvrir la bourse, libérer de l’argent pour l’année à venir. Sauf que chacun admettra qu’il n’y avait pas là de quoi asseoir l’expansion du mot. C’est en fait un pamphlet qui propagera l’usage de cette nouvelle dénomination des finances publiques. Intitulé budget opened, « la bourse ouverte », il dépeignait un ministre charlatan, ouvrant une besace de remèdes miraculeux et d’attrape-nigauds.
Né du succès d’une satire, voilà un budget qui aura au moins fait rire une fois.
Valérie Péan. Mission Agrobiosciences, novembre 2004.
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