02/09/2024
Chronique du lundi 2 septembre 2024
Nature du document: Chroniques

Paul Watson : le Japon dit « cétacé »

C’est l’affaire qui a défrayé la chronique cet été : l’arrestation du militant écologiste Paul Watson, fondateur de Sea Shepherd, par les autorités danoises. Le Japon l’avait dans le nez depuis des années et réclame maintenant son extradition. Par Joffrey Lebourg, journaliste indépendant

Visuel : Paul Watson en 2008 © Mr. Serious

Le Pays du Soleil Levant n’a pas la lumière à tous les étages. Avec la Norvège et l’Islande, il fait partie des trois nations qui pratiquent encore la chasse à la baleine dans un but commercial. De quoi faire bondir les militants écologistes comme le Canadien Paul Watson, connu notamment pour défendre les cétacés avec son association aux méthodes critiquées.

Si Sea Shepherd voit abordages et sabotages comme une violence nécessaire, ce même activisme avait conduit son créateur à être exclu de Greenpeace, à la suite de quoi il a fondé son propre mouvement. Recherché depuis des années par Interpol, il a finalement été appréhendé le 21 juillet à Nuuk (capitale du Groenland) alors qu’il faisait le plein de carburant… pour intercepter un nouveau baleinier nippon.

La justice en panne sèche ?

On peut tout de même s’interroger sur les dessous de l’affaire, qualifiée de « guet-apens » par son ONG. L’accusant d’une attaque écoterroriste contre l’un de ses navires en 2010 et malgré des circonstances très floues, le Japon avait réussi à obtenir contre Watson une notice rouge d’Interpol – dont l’implication même dans le dossier est critiquée par la présidente de Sea Shepherd France Lamya Essemlali – en 2012.

Voilà douze ans que le défenseur des baleines vivait dans les eaux internationales, afin de ne pas être pris à son tour dans les filets nippons. Pourquoi avoir fait escale, dans ce cas ? Selon ses proches, la notice avait soudain disparu du site d’Interpol, laissant croire au « Robin des mers » qu’il ne risquait rien. Loupé !

Reste à savoir qui jugera Watson. Car le Japon, derrière son image de pays moderne, a des prisons qui ne valent pas beaucoup mieux que celles de Chine ou de Corée du Nord. Selon la compagne du vieux marin, Yana, les sévices carcéraux et l’absence d’un traitement contre son diabète le « condamnent à mort ».

En réaction immédiate, le journaliste Hugo Clément a adressé une pétition à Emmanuel Macron pour demander sa libération. Depuis, le quai d’Orsay et le secrétaire d’État chargé de la Mer affirment plaider sa cause auprès de la Première ministre danoise Mette Frederiksen. Jusqu’à présent, le Danemark préfère le garder en détention, ayant aussi des comptes à régler avec le capitaine sur fond de grindadrap, le massacre rituel de globicéphales aux îles Féroé…

300 cétacés par an

Le même jour où il demande l’extradition de Paul Watson (le 1er août), le Japon dévoile l’ajout d’une cible à son tableau de chasse : le rorqual commun. Il rejoint ses cousins le petit rorqual, le rorqual de Bryde et le rorqual boréal. Un sale pied de nez au vieux pirate et à ses défenseurs de l’environnement. Le pays affirme que leur nombre est suffisant pour les traquer sans nuire à l’espèce, alors qu’elle est toujours considérée « vulnérable » selon l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN).

De leur côté, Norvège et Islande, depuis un moratoire de la Commission baleinière internationale en 1987, doivent s’envelopper de respectabilité en chassant avant tout « à des fins scientifiques ». Après y avoir adhéré hypocritement un temps, sans en appliquer les méthodes, le Japon a joué cartes sur table en quittant la commission en 2018 pour reprendre une pêche sans frein. En moyenne, cette pratique justifiée par « la tradition » coûte la vie à 300 cétacés tous les ans.

Robin est en prison, le shérif de Nippongham veut le pendre et les baleines déchantent.

Par Joffrey Lebourg, journaliste indépendant

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