16/01/2009
Sélection d’ouvrages. Environnement et société. Janvier 2009
Nature du document: Notes de lecture
Mots-clés: Bien-être animal

Environnement et Société : deux notes de lecture originales sur les ouvrages du philosophe Luc Ferry : "Le nouvel ordre écologique - l’arbre, l’animal et l’homme" et "Vaincre les peurs. La philosophie comme amour de la sagesse"

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Deux essais, publiés à plus de quinze ans d’intervalle, dont le point commun est de fournir, chacun, des repères de compréhension à propos d’un monde en pleine effervescence où sont remis en question des principes qui ont fondé nos sociétés au cours des derniers siècles. Avec « Le nouvel ordre écologique » (Grasset, 1992), Luc Ferry produit une radioscopie du mouvement écologique, conçu à la fois comme philosophie et comme action politique, avec une référence particulière à la « deep ecology  » (écologie fondamentale).
Dans «  Vaincre les peurs » (Odile Jacob, 2006), il s’agit pour Luc Ferry de revenir aux courants de la philosophie et de scruter leur concours pour dominer les peurs contemporaines, une réflexion dont on trouve une amorce dans le premier essai.
Deux ouvrages que nous présente Jean-Claude Flamant, de Mission Agrobiosciences.

«  Le nouvel ordre écologique  »

Son grand intérêt est de fournir des clés de compréhension d’un mouvement, l’écologie, dont les préoccupations s’imposent à nos sociétés du 21ième siècle : «  Depuis qu’elle est une force politique, l’écologie passe, au regard de certains, pour la résurgence archaïque d’un gauchisme pourvu, de surcroît, de quelques relents terriens et pétainistes. D’autres y décèlent en revanche l’un de ces « grands desseins » novateurs qui font cruellement défaut aux partis traditionnels. Mais que sait-on de ses arrière-fonds idéologiques ?  » En fait, il y a «  trois écologies  » explique Luc Ferry : d’abord, historiquement, une conception anthropocentrique de l’environnement qui conduit l’homme à prendre soin de la qualité du milieu au sein duquel il vit ; puis un élargissement des préoccupations morales à certains êtres non humains, tels que les animaux, en veillant à diminuer les souffrances que l’homme peut leur infliger et qui se traduit notamment par le mouvement de « libération animale » ; et enfin une troisième composante qui accorde des droits à la nature et appelle à l’élaboration d’un « contrat naturel  ». Sur cette base, Luc Ferry pointe qu’il y aurait une écologie « profonde » (« deep ecology  ») qui s’opposerait à une écologie « superficielle » ou « environnementaliste » dont le défaut aux yeux des tenants de la première serait d’être conçue en considérant que l’homme est le centre du monde, alors qu’il n’est qu’une simple partie de l’univers. Et Luc Ferry de montrer que la «  deep ecology  » s’investit dans la critique de la modernité, jusqu’à remettre en cause la rationalité de Descartes et le mouvement des Lumières qui en sont à l’origine.

Au cours des chapitres successifs, il explore les origines et met en perspective les thèses de mouvements apparemment loin des autres, mais qui convergent dans leur critique de la modernité, mais également de l’humanisme, en ce sens que l’homme est considéré comme un être «  anti-nature  ». Successivement, on lit avec intérêt les analyses approfondies concernant ces différents courants. Une visite riche en rencontres : les mouvements de la libération animale au nom du «  droit des animaux  », ceux qui dénoncent les «  crimes contre l’écosphère  » et qui manifestent même pour «  le droit des arbres  » au nom d’un «  biocentrisme  » opposé à l’«  humanisme  », ou encore l’«  écoféminisme  » comme critique radicale des droits de l’«  homme  », sans oublier un détour documenté par les lois de «  l’écologie nazie  ». Dans ce concert, Luc Ferry distingue plus particulièrement la contribution d’Hans Jonas dont «  Le principe responsabilité  » vient alors de paraître dans sa traduction française. Celui-ci se fonde sur la «  grande peur planétaire  » qui saisit les sociétés développées, pour formuler une «  heuristique de la peur  », une «  fonction éthique et même théorique de la peur qui devient tout à la fois un devoir moral et un principe de connaissance  ». Et de scruter les implications sociales et politiques de ce principe, et d’en pointer les dérives possibles pour la décision publique. En conclusion, Luc Ferry commente que même si certains arguments de l’écologie profonde ne peuvent pas être ignorés, ses issues sociétales sont contestables lorsqu’elles conduisent à évacuer l’exigence démocratique.

«  Vaincre les peurs  »

La peur, c’est le point de départ du second ouvrage de Luc Ferry signalé ici. Son fil conducteur : l’éclairage que la réflexion philosophique peut porter sur les peurs qui sont les nôtres. Selon lui, il y a certes des peurs facilement circonscrites, qui peuvent être apprivoisées à l’aide de bons «  mécanismes de défense  ». Mais parmi les différents types de peurs, il y en a une, «  fondamentale en ce qu’elle commande toutes les autres, la peur de la mort  ».
La première partie s’inspire d’une conférence de présentation d’un précédent ouvrage de l’auteur, «  Apprendre à vivre  ». Elle se présente comme une pédagogie de la démarche philosophique. Car, affirme Luc Ferry, «  Toutes les grandes philosophies se construisent toujours autour de trois grands axes qui correspondent à trois interrogations fondamentales  » : 1. la théorie («  connaître le terrain de jeu qui est celui de notre vie  »), 2. la question de la morale ou de l’éthique («  les règles du jeu  »), 3. la sagesse, la spiritualité et le salut («  la finalité ou le sens du jeu  »). Cette première partie passe en revue et commente les différentes doctrines philosophiques et religieuses en référence à ces trois grands axes, en débutant par le cas du stoïcisme, «  l’archétype des doctrines du salut sans Dieu  ». La deuxième partie est consacrée aux réponses que Luc Ferry donne aux objections qui lui ont été adressées par des interlocuteurs du monde de la philosophie et de la religion chrétienne à la lecture de son précédent essai «  Apprendre à vivre  ». Ce dialogue et ces remarques sont enrichissantes, remercie Luc Ferry, en ce sens qu’elles lui permettent «  de préciser mais aussi d’enrichir et d’approfondir de manière significative le point de vue que j’avais développé dans ce livre  » ; ce que l’on peut attendre en effet de démarches de type « dialogique » (celles que privilégie la Mission Agrobiosciences). Il reproduit les objections du philosophe André Comte-Sponville, du théologien chrétien Michel Quesnel et de l’évêque de Clermont-Ferrand Hyppolite Simon, et les fait suivre de développements complémentaires à la présentation qu’il a faite en première partie. Dans sa dernière partie, Luc Ferry propose des morceaux choisis de réflexions relatives aux «  trois interrogations fondamentales  » évoquées en première partie, des textes destinés à être emportés «  sur une île déserte  », c’est-à-dire des lectures permettant de survivre dans la solitude. Pour conclure, il argumente en faveur de la philosophie dont la fonction est de «  nous permettre d’en finir avec les peurs, de les terrasser, comme saint Georges son dragon, pour vivre enfin dans la sérénité la plus parfaite  ».

Notes de lecture de la Mission Agrobiosciences, par Jean-Claude FLamant. Janvier 2009

Lire sur le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences (publications originales accessibles gratuitement)  :

Par Jean-Claude Flamant, Président de la Mission Agrobiosciences

Accéder à toutes les Publications : Alimentation et Société Des conférences-débats, tables rondes, points de vue et analyses afin de mieux cerner les problématiques sociétales liées au devenir de l’alimentation. Edités par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences.

Accéder à toutes les publications « l’Alimentation en question dans "Ça ne mange pas de pain !" (anciennement "Le Plateau du J’Go"). Les actes de l’émission de la Mission Agrobiosciences sur l’actualité de Alimentation-Société diffusée sur Radio Mon Païs (90.1), les 3ème mardi (17h30-18h30) et mercredi (13h-14h) de chaque mois. Revues de presse et des livres, interviews et tables rondes avec des économistes, des agronomes, des toxicologues, des historiens... mais aussi des producteurs et des cuisiniers. Edités par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences

Accéder à toutes les publications : Agriculture et Société Des conférences-débats, tables rondes, points de vue et analyses afin de mieux cerner les problématiques sociétales liées au devenir de l’agriculture. Edités par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences.

Accéder à tous les Entretiens et Publications : "OGM et Progrès en Débat" Des points de vue transdisciplinaires... pour contribuer au débat démocratique. Edités par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences.

Accéder à toutes les publications : Sur le bien-être animal et les relations entre l’homme et l’animal Pour mieux comprendre le sens du terme bien-être animal et décrypter les nouveaux enjeux des relations entre l’homme et l’animal. Avec les points de vue de Robert Dantzer, Jocelyne Porcher, François Lachapelle... Edités par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences

Accéder à toutes les Publications : "Sciences-Société-Décision Publique"de la Conversation de Midi-Pyrénées. Une expérience pilote d’échanges transdisciplinaires pour éclairer et mieux raisonner, par l’échange, les situations de blocages « Science et Société » et contribuer à l’éclairage de la décision publique. Edités par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences.

Accéder à toutes les Publications : Science et Lycéens.
Les cahiers de l’Université des Lycéens, moment de rencontres entre des chercheurs de haut niveau, des lycéens et leurs enseignants. Des publications pédagogiques, agrémentées d’images et de références pour aller plus loin, qui retracent la conférence du chercheur et les questions des lycéens.
Edités par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences

Accéder à toutes les Publications : L’agriculture et les bioénergies. Depuis 2005, nos articles, synthèses de débats, revues de presse, sélections d’ouvrages et de dossiers concernant les biocarburants, les agromatériaux, la chimie verte ou encore l’épuisement des ressources fossiles... Edités par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences

Accéder à toutes publications Histoires de... »- Histoire de plantes (gui, luzerne, betterave..), de races animales, de produits (foie gras, gariguette...) pour découvrir leur origine humaine et technique et donc mieux saisir ces objets. Editées par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences.

Accéder à toutes les publications. Sur l’eau et ses enjeux. De la simple goutte perlant au robinet aux projets de grands barrages, d’irrigations en terres sèches... les turbulences scientifiques, techniques, médiatiques et politiques du précieux liquide. Edités par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences.

Accéder à toutes les publications Produits de terroir, appellations d’origine et indications géographiques. Pour tout savoir de l’avenir de ces produits, saisir les enjeux et les marges de manoeuvre possibles dans le cadre de la globalisation des marchés et des négociations au plan international. Mais aussi des repères sur les différents labels et appellations existants. Edités par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences.

Accéder aux Carnets de Voyages de Jean-Claude Flamant. De Budapest à Alger, en passant par la Turquie ou Saratov en Russie, le regard singulier d’un chercheur buissonnier en quête de sens. Edités par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences

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