Rien de vraiment explosif n’est pourtant contenu dans le récent rapport de l’AFSSA. Il débouche sur la même conclusion, au mot près, que le rapport publié en avril 2008, à savoir : « les maïs portant l’événement de transformation MON810 et leurs produits dérivés présentent le même niveau de
sécurité sanitaire que les variétés de maïs conventionnelles et que leurs produits dérivés ». Même si l’avis de l’AFSSA ne tranche pas avec ses positions antérieures, et n’apporte pas de nouveaux éléments au débat, ces conclusions « provoquent de vives réactions, aussi bien dans le champ
politique que chez certains scientifiques », comme l’indique Le Figaro du 12 février. Au vu du sujet concerné, on n’en attendait pas moins.
Propos de controverse
Pour José Bové, qui signe ici son grand retour, c’est un « coup de force du lobby pro-OGM », tandis que Corine Lepage, présidente du CRII-GEN (Comité de Recherche et d’Information Indépendantes sur le génie GENétique) « qualifie les "soi-disant rapports" de l’AFSSA, comme de l’EFSA [l’Agence Européenne de Sécurité des Aliments], d’"opération de manipulation" digne des "années Tchernobyl" » lit-on dans le Figaro. Le quotidien français s’est également précipité pour recueillir les propos d’Yves Le Maho, l’auteur du rapport contesté par l’AFFSA. « Je ne suis pas arrivé à la conclusion qu’il n’y avait pas de nocivité pour la santé et l’environnement » explique-t-il, ajoutant que les OGM ne « constituent pas une science dangereuse mais une absence de science ». Dans le même journal, Arnaud Apoteker, de Greenpeace, trouve « scandaleux qu’une agence publique garde un tel rapport secret et en organise les fuites à la veille d’une décision européenne », le rapport ayant été effectivement rendu public le 11 février 2009, alors qu’il est daté du 23 janvier. Mais ce décalage temporel est également noté par Christian Demuynk, sénateur UMP, qui y voit tout autre chose ! Pour lui c’est au contraire le gouvernement qui « s’opposait depuis plusieurs semaines à la publication de cet avis ». Reste à savoir si cet écart de dix-neuf jours profite réellement à quelqu’un ? Peut-être devrait-on faire un rapport sur la question ? Les OGM semblent en tout cas définitivement appartenir à la catégorie des sujets qui fâchent.
Une délicate délibération européenne
Le gouvernement français, quelques jours avant que Jean-Louis Borloo défende la clause de sauvegarde à Bruxelles, n’a montré aucun signe de changement de cap après la publication du rapport de l’AFFSA. Dans un communiqué, relayé par L’Express du 12 février, le ministère de l’Écologie a d’ailleurs déclaré que « le fondement de la clause de sauvegarde repose sur des risques jugés sérieux pour l’environnement et non pas sur des risques sanitaires, objet de l’avis de ce jour de l’AFSSA ». C’est ainsi que le 16 février, « la France a plaidé avec succès à Bruxelles en faveur du maintien de l’interdiction de la culture de cet OGM sur le territoire national » écrit Pierre Avril pour Le Figaro. L’argumentaire français, qui a obtenu le soutien d’onze autres États membres, tenait en plusieurs points : le risque de propagation d’OGM à des champs non génétiquement modifiés via la pollinisation ; la résistance au MON 810 de deux lépidoptères responsables de la destruction du maïs ; l’existence d’effets toxiques sur les papillons monarques, les lombrics et d’autres insectes ; enfin, plus grave, la toxine BT se retrouverait dans des sédiments voisins, la propageant dans le sol et l’eau.
La Commission Européenne « devrait, "le plus vite possible", demander une nouvelle levée de la clause de sauvegarde française » précise Le Figaro. Au plus tard en mars, les ministres de l’Environnement des 27 États membres devront se pencher sur le dossier de la clause de sauvegarde française sur les OGM. Mais pas seulement : l’Autriche depuis 1999, la Hongrie depuis 2005, et la Grèce depuis 2006 qui l’appliquent aussi devraient voir leur cas examiné. Reste que, entre les rapports d’experts scientifiques qui se contredisent, et les discussions politiques... l’objet du débat n’avance pas. En revanche, et faisant suite à cette actualité, la Cour de Justice Européenne vient de rendre obligatoire la publicisation des lieux où sont disséminés des OGM à l’essai. Il faut en effet savoir que « les cultures d’essai restent autorisées dans l’Hexagone tant que les entreprises concernées veillent à limiter la dissémination des pollens vers les champs non-OGM » rappelle L’Express du 17 février. Rendez-vous donc bientôt en papeterie pour acheter une nouvelle carte de France, celle des OGM.
Revue de presse de la Mission Agrobiosciences. 18 février 2009.
Sources :
- « On ne connaît pas les effets à long terme des OGM », J.B. avec AFP et AP, Le Figaro, 12 février 2009.
- La France défend l’embargo OGM, malgré l’avis de l’Afssa, L’Express, 12 février 2009.
- Le maïs OGM, pas dangereux ! Ah bon ?, Le Post, 12 février 2009.
- OGM : la France obtient un nouveau répit à Bruxelles, Pierre Avril, 17 février 2009.
- La localisation des champs d’OGM doit être publique, dit la CJE, 17 février 2009.
Lire sur le magazine web de la Mission Agrobiosciences (publications originales accessibles gratuitement) :
- OGM et Progrès en Débat, un cycle de Forums et de Points de vue transdisciplinaires pour contribuer au débat démocratique, dans le cadre des Entretiens et Publications de la Mission Agrobiosciences.
- Dépasser les fausses évidences et aider les scientifiques à s’emparer du débat, entretien réalisé par la Mission Agrobiosciences, avec Joël Gellin, généticien.
- Les OGM : De la Fourche à la Fourchette. Un échange direct entre élus, professionnels de la filière agricole et consommateurs, organisé par le Conseil Général de la Haute Garonne. Conçu et animé par la Mission Agrobiosciences.
- Entre tensions, malaises et avancées, une décision publique qui s’est construite autour des controverses, intervention de Philippe Mauguin, ancien Conseiller pour l’Agriculture et l’Alimentation auprès du Premier Ministre, dans le cadre de la 12e Université d’été de Marciac.
- Débat public : instrument de régulation démocratique de la science et de la technologie ?, intégrale du débat dans le cadre de la 7ème Université d’été de l’Innovation Rurale organisée par la Mission Agrobiosciences et la Communauté de communes Bastides et vallons du Gers, avec Dominique Desjeux (anthropologue, Sorbonne), Daniel Boy (Politologue), Georges Bories (Toxicologue et expert à l’Union européenne), Fabrice Marty (Collège de direction de l’INRA).
- Expertise : neutralité ou responsabilité ?, par Guy Paillotin, ancien président de l’INRA, dans le cadre des Cahiers du Café des Sciences et de la Société du Sicoval