16/11/2009
Dans le cadre de "ça ne mange pas de pain", l’émission radiophonique de la Mission Agrobiosciences.

Aux noms du porc (article original)

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Dans le cochon, tous les noms sont bons, pourrait-on presque dire. En tout cas, c’est l’animal qui, sans doute, dans notre langue, accumule autant de mots différents pour le désigner. Cochon, porc, verrat, goret, truie et j’en passe... D’où viennent tous ces termes, et pourquoi un tel foisonnement lexical ? Les réponses dans cette chronique enregistrée à l’occasion de l’émission radiophonique de la Mission Agrobiosciences "ça ne mange pas de pain !", Tours de cochon, diffusée les mardi 17 novembre 2009 (17h-18h) et mercredi 18 (13h-14h) sur Radio Mon Païs (90.1).
Télécharger gratuitement l’Intégrale PDF "Tours de cochon : heurts et malheurs du porc

Aux noms du cochon
La chronique Grain de sel de Valérie Péan

V. Péan. Dès le départ, c’est-à-dire dans l’Antiquité gréco-latine, c’est déjà Byzance. En grec, deux termes coexistent pour cette seule bête - hus et khoiros -, tandis qu’en latin, on relève pas moins de trois mots : sus, d’abord, qui sert à désigner la famille zoologique, ce qui est toujours le cas puisque nous en avons tiré les suidés. Nous en avons également dérivé le marsouin (le porc marin) et la souillure (qui vient plus exactement de sucula, truie).
Mais on trouve également le mot aper, plutôt réservé pour l’animal sauvage et, enfin, le fameux porcus, réservé à l’animal d’élevage et qui aura une longue postérité.
Ce dernier finit en effet par supplanter les deux autres, mais des adjectifs lui sont ajoutés pour préciser de quel type de porc il s’agit. Deux exemples : le porcus singularis. En clair, le porc solitaire, celui qui vit à l’état sauvage. Ce singularis a donné notre sanglier.
Notons également ce drôle de porcus troiana, le porc de Troie, qui consiste en une spécialité gastronomique : le porc farci de petit gibier et d’aromates, dont le nom est un clin d’œil au fameux Cheval de Troie. C’est de ce troiana que découle notre truie, du fait qu’elle aussi paraît farcie de petits...
Et puis, allez savoir pourquoi, selon qu’il est mâle ou femelle, le porc se voit baptisé de tout autres vocables, qui n’ont rien à voir étymologiquement. On parle alors de verres, pour les mâles, ce qui donnera le verrat, notre mâle reproducteur. Et de scrofa, pour la femelle, qui n’a remporté aucun succès en français, si ce n’est pour générer le terme "écrou". Quel rapport, me direz-vous ? C’est que scrofa désigne la vulve de la truie à laquelle l’écrou fait penser par sa forme... Une vulve qui fait l’objet, au passage, d’une véritable obsession, comme si en chaque Latin sommeillait un cochon. On retrouve en effet ce même sens anatomique dans porcellana, autre nom de la jeune truie, qui donnera la porcelaine, un gastéropode dont la forme ressemble aux organes génitaux de notre piggy.
Nous avons donc retrouvé le porc, le sanglier, le verrat, la truie, les suidés... Il nous en manque encore deux. En effet, comme si cela ne suffisait pas, les Latins ajoutent deux autres noms tirés d’onomatopées. La première imite le bruit que faisaient les éleveurs pour appeler leurs porcs : coch-coch, dont nous avons tiré le cochon, donc l’animal élevé pour sa viande. La deuxième onomatopée permettait, elle, de singulariser les jeunes mâles, et est censée traduire son grognement : en l’occurrence gor, qui a donné naissance au goret.
Reste une question : pourquoi une telle variété terminologique ? Tentons des hypothèses. Peut-être ce foisonnement révèle-t-il la place essentielle du porc dans la vie et l’alimentation des hommes dès l’Antiquité - le porc a été domestiqué dès le 8è millénaire avant JC. Mieux, la profusion des noms qui le désignent semble traduire le caractère prolifique de cet animal, qui symbolise l’abondance et la richesse dans toutes les civilisations. Ce qui explique au passage le choix du cochon pour nos tirelires.
Profusion, donc, mais aussi caractère multifonctions du porc, qui nécessite de différencier les individus selon leur âge, leur genre et l’usage que leur destinent les hommes. Il est par exemple important de séparer, par deux noms différents, l’animal sauvage et domestique. Le porc est en effet si proche de nous - par son alimentation omnivore, sa peau, son cousinage biologique - que, pris entre l’attrait et le rejet, nous avons très tôt ressenti le besoin de le mettre à distance quand il nous effraie par sa goinfrerie, sa saleté, son agressivité, son aspect.
Toutefois, nous n’en sommes pas encore aux "cochonneries" sexuelles, malgré la présence entêtante des vulves de truie. Certes, dans Homère, la magicienne Circé transforme en cochon tous les hommes qui la draguent d’un peu trop près... mais pas trace encore de souillure morale.
Selon l’historien Michel Pastoureau, ce n’est vraiment qu’à partir de la Renaissance, en Occident, que le porc devient une bête de luxure, la plus lubrique d’entre elles restant le sanglier...

Que s’est-il passé pour que les porcins basculent à ce point vers cette mauvaise réputation ? C’est que les chiens, qui étaient jusque là affublés des mêmes défauts que le porc, sales, grossiers et voraces, se trouvent peu à peu valorisés en tant que compagnon de l’homme et se voient du même ocup débarrassés de toutes leurs tares, rejetées sur notre malheureux suidé... Un "transfert symbolique", en quelque sorte. Les Chrétiens en rajouteront une louche en décrétant que s’il a le groin toujours au sol, c’est qu’il se détourne du ciel et de Dieu - sans oublier que ses sabots sont fendus comme les pieds de Satan et qu’en tant qu’omnivore, il est fortement soupçonné de cannibalisme. Bref, face à une telle dépravation, il devient dès lors de bon ton de ne pas garder les cochons ensemble...

Une chronique de Valérie Péan, Mission Agrobiosciences. "ça ne mange pas de pain !" de novembre 2009,Tours de cochon. L’émission peut être écoutée les mardi 17 novembre 2009 (17h-18h) et mercredi 18 (13h-14h) sur Radio Mon Païs (90.1).

"Tours de cochon : les heurts et malheurs du porc". L’Intégrale de "ça ne mange pas de pain !" de novembre 2009

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Une chronique "Grain de sel" de Valérie Péan, Mission Agrobiosciences

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