Au Moaï, le Muséum se met à table
Chronique "Sur le Pouce", "Ça ne mange pas de pain !", juin 2008
Lucie Gillot : "Gérard Garrigues bonjour et merci d’avoir accepté cette invitation. Votre restaurant s’appelle le Moaï. D’où vient ce nom ?
Gérard Garrigues : Le restaurant tire son nom de statues de l’Ile de Pâques qui sont d’ailleurs le thème général du restaurant. En fait, le Muséum d’Histoire Naturelle possède de nombreux documents sur celle-ci - c’est un sujet important de sa collection - et il a donc choisi ce nom pour le restaurant.
Le restaurant se situe dans le Muséum. Quel type d’établissement est-ce ? Une table gastronomique comme le Pastel ?
Pas du tout. Le Moaï n’est pas un restaurant dit "gastronomique" comme pouvait l’être le Pastel. Pour autant, cela ne signifie pas que j’ai tiré un trait sur la gastronomie, loin de là. D’ailleurs, personne n’a encore véritablement défini ce qu’était la gastronomie, quel type de cuisine pouvait être qualifié comme tel. Pour ma part, j’ai souhaité, avec ce nouvel établissement, épurer certaines caractéristiques de la restauration, pour me consacrer à la cuisine. Le midi, il n’y aura pas de service à l’assiette : ce sera un self. Un style cafétéria donc, où le service est réduit au minimum mais avec une grande exigence sur la qualité des assiettes présentées. Les plats seront servis dans de la porcelaine et avec, bien sûr, un souci esthétique. L’objectif est de mettre à la disposition du plus grand nombre une certaine qualité, tant du point de vue du contenu que du contenant. C’est très important. La qualité est, pour moi, une question de respect par rapport aux personnes que nous accueillerons à déjeuner. Bien évidemment, toute chose a un prix. Mais nous allons tenter de mettre ces produits et ces plats à la portée des visiteurs du Muséum d’Histoire Naturelle et du plus grand nombre, bref à la portée de tous ceux et celles qui veulent goûter quelque chose d’un peu différent par rapport à ce qu’ils peuvent manger dans une cafétéria.
En résumé, le principe du Moaï, c’est l’exigence d’une grande table, en terme de créativité, de goût et de présentation des mets mais à un prix abordable, en réduisant certains coûts.
Tout à fait. Nous allons ainsi supprimer certains coûts liés au service ou même à la constitution et la gestion d’une cave. Il n’y aura pas de grands stocks de vins mais une sélection de vins régionaux, que nous allons régulièrement renouveler, en privilégiant les vins du Sud-Ouest. Après deux ans de réflexion, je me suis rendu compte qu’il est très intéressant et stimulant de travailler, ce que l’on pourrait nommer dans la grande gastronomie, du bas produit.
Sera-t-il également ouvert le soir ?
Oui mais avec une formule différente. Le soir, la cafétéria laissera place à un restaurant, avec, de nouveau, un concept assez particulier. Le menu proposé changera tous les mois. Il n’y aura pas de carte comme cela se fait habituellement. Chaque mois, le menu sera décliné selon une thématique différente, qui pourra être en lien avec les expositions du Muséum. Les convives pourront déguster une cuisine sur le thème de la Chine ou même de la pomme de terre. On s’amusera autour d’une idée en créant des plats originaux.
Vous évoquez la Chine. Il est vrai que vous avez beaucoup voyagé ces derniers temps. Ces voyages vont-ils influencer votre cuisine ? Sera-t-elle plus métissée ? Donnerez-vous toujours la part belle aux produits de Midi-Pyrénées ?
Qu’il s’agisse des légumes ou de la viande, les produits régionaux vont continuer à occuper une place centrale dans ma cuisine. Nous allons tenter d’en proposer autant que possible. Mais, comme c’était déjà le cas au Pastel, nous ajouterons quelques touches "exotiques" en plus. Celles-ci seront simplement la preuve que la cuisine est un moyen d’échanges, un lieu de croisement des cultures.
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’ouvrir ce restaurant ?
C’est d’abord une question d’opportunité puisque la Mairie de Toulouse a lancé un appel d’offres sur ce projet. J’y ai répondu car je trouvais le challenge intéressant à relever. Le concept est assez éloigné de ce que j’ai pu faire auparavant. D’une certaine manière, je ré-apprends un métier. D’ailleurs, cette émission est consacrée aux cantines et donc à la cuisine collective. Avec ce projet, je me rends compte que cuisiner pour un grand nombre de personnes nécessite un matériel spécifique, de qualité, une cuisine avec une bonne marche en avant (1) et un respect scrupuleux des principes d’hygiène. Je ne dis pas que ce n’est pas le cas d’un restaurant classique. Mais dans ce dernier, on travaille plus en lien avec la tradition ; les normes réglementaires sont moins strictes, moins exigeantes. Au Moaï, il me faut allier la qualité de la cuisine et de l’hygiène.
Rendez-vous donc pour l’inauguration, ce mercredi 18 juin.
La cafétéria sera en effet inaugurée ce mercredi. On va commencer par y travailler des légumes, des fruits, des choses assez fraîches pour l’été. On fera une ouverture définitive de l’ensemble du projet"
Interview réalisée par Lucie Gillot, dans le cadre de "Ça ne mange pas de pain !" de juin 2008, "Cantines : à l’école de nos craintes". Accéder à l’Intégrale de cette émission
(1) Méthodologie d’organisation d’une cuisine. Son principe est que les circuits "propres" (aliments, matériel propre) et les circuits "sales" (déchets, épluchures, matériel utilisé...) ne doivent pas se croiser.
Lire sur le magazine Web de la Mission Agrobiosciences (publications originales) :
- "Alimentation : la naissance du goût", par Nathalie Rigal, psychologue.
- "Les produits de terroir entre cultures et réglements", tiré du café-débat de Marciac avec Laurence Bérard, Unité mixte de recherche en Eco-anthropologie et ethnobiologie.
- "Europe et Sécurité de l’Alimentation. Forces et failles du cadre réglementaire, débat animé par Pierre-Benoit Joly, Socio-Economiste (INRA), dans le cadre de la Sisqa
- "Alimentation : Quand la techno se porte au poêle", chronique "Sur le pouce" avec Christian Cochonneau, responsable de la filière cuisine (CFA Blagnac)
"Ça ne mange pas de pain !" (anciennement le Plateau du J’Go) est une émission mensuelle organisée par la Mission Agrobiosciences pour ré-éclairer les nouveaux enjeux Alimentation-Société. Enregistrée dans le studio de Radio Mon Païs (90.1), elle est diffusée sur ses ondes les 3ème mardi (17h30-18h30) et mercredi (13h-14h) de chaque mois. L’émission peut aussi être écoutée par podcast à ces mêmes dates et heures. Pour En savoir plus....
A l’issue de chaque émission, le magazine Web de la Mission Agrobiosciences édite l’Intégrale, une publication d’une dizaine de pages, téléchargeable gratuitement. Retrouvez Toutes les Intégrales de "Ça ne mange pas de pain !" mais aussi toutes les chroniques et tables rondes.