06/06/2007
Dans le cadre du Plateau du J’GO co-organisé par la Mission Agrobiosciences, le Restaurant le J’GO et Radio Mon Païs.

La consommation engagée : mode passagère ou tendance durable ?

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Chronique suivie d’un entretien avec Geneviève Cazes-Valette. Professeure à l’Ecole Supérieure de Commerce de Toulouse. réalisé le 4 décembre 2006.

La Chronique
Certains d’entre nous ne veulent plus consommer idiot, c’est-à-dire ne plus subir mais au contraire affirmer à la fois leur indépendance, leur liberté et, d’une certaine manière, leur identité dans l’acte de... consommer. Cette posture s’est récemment affirmée prêtant à l’acte de consommation une force capable de s’interposer aux effets néfastes de la « Mondialisation ». J’évoque ici la « consommation engagée » qui, par le biais du commerce équitable, vise à mieux rémunérer les petits producteurs paysans des pays les plus pauvres. Bref, une tendance à la fois individuelle - on accorde cette militance consumériste à sa propre qualité de vie et à sa liberté-, mais aussi collective - en posant un acte utile à d’autres et la communauté planétaire. Puisque nous sommes dans la chronique Grain de sel, j’ai relevé que cette tendance qui se veut « généreuse », « utile » et « politique » connaît à la fois des détracteurs, des faiblesses et subit bon nombre de critiques.
Première critique : c’est un acte « militant » qui reste malgré tout un domaine « réservé », puisque ces produits étant plus chers, ils excluent les plus démunis d’entre nous. N’ayant pas les moyens de s’offrir ces produits militants, en tout cas quotidiennement, ils sont donc en partie exclus et, de plus, soumis à une nouvelle forme de « morale culpabilisante ». Les critiques les plus acerbes relèvent donc une tendance exclusivement « Bobos » qui, par cet acte, s’achètent surtout une bonne conscience.
Deuxième critique : elle s’adresse surtout à ceux, encore minoritaires, qui expriment, là, une capacité de résistance à la consommation, voire même une contribution à la décroissance. On relève cette contradiction, le fait que la logique de cette pratique passe d’abord par le fait de consommer. Et

d’autant plus d’ailleurs, que si l’on veut effectivement mieux rémunérer les petits producteurs, il conviendra de consommer un nombre croissant de ces produits équitables.
Troisième critique : on relève quelques faiblesses en vrac. Et d’abord sur l’impact politique et économique : des observateurs économiques parlent surtout d’un îlot équitable dans un océan d’inéquité. D’autres soulèvent aussi que cela favorise la dépendance des populations du Sud, ruinant ainsi leur souveraineté alimentaire indépendamment des habitudes de consommation des pays riches. Certains détracteurs, enfin, doutent de la bonne foi des labels équitables, en laissant supposer que ces nouveaux intermédiaires prélèvent autant que les autres qu’ils cherchent à concurrencer. Dernière chose, beaucoup soulèvent que tout cela produit surtout d’excellents arguments de vente pour la grande distribution.

Voilà qui nous amène logiquement à recueillir l’avis de Geneviève Cazes-Valette, professeure de Marketing alimentaire à Sup de Co Toulouse. Je ne vais pas vous demander votre point de vue personnel, mais votre lecture marketing de ces tendances de consommation engagée et, plus généralement, sur le Consom’acteur comme certains se plaisent à désigner ce phénomène
Chronique réalisée par Jean-Marie Guilloux. Mission Agrobiosciences (4 décembre 2006)

L’Entretien : Une lecture marketing de Geneviève Cazes-Valette, professeur à l’Ecole Supérieure de Commerce de Toulouse

Jean-Marie Guilloux. D’abord est-ce un véritable phénomène ? Cette tendance à vouloir consommer « engagé » semble assez largement partagée. Reste ceci : retrouve-t-on véritablement dans les actes d’achat ce qui est dit dans les discours des consommateurs ?

Geneviève Cazes-Valette. Il faut toujours faire cette différence entre les intentions exprimées et les actes des consommateurs. Entre le socialement correct et la réalité marketing des parts de marché des produits du commerce équitable. C’est-à-dire mesurer strictement l’écart entre ce que les gens pensent (et ce qu’ils disent lorsqu’ils répondent à un sondage) et ce qu’ils achètent. Et là, il y a un certain désenchantement.

Envisageons que cet écart se réduise et que la volonté à consommer « engagé » se renforce. En tenant compte que les arguments de cette volonté « militante » vise à consommer « éthique » et donc, en partie, à mettre en question les tendances actuelles du marketing (celles qui consistent à nous dire ce que l’on doit désirer), pensez-vous que cela remettrait en cause certaines pratiques dans ce domaine ?

Le marketing s’adapte à tout. Si il y a une réelle volonté, c’est-à-dire un réel désir de consommer « engagé » par les actes, si les gens veulent de l’équitable, on leur fournira ce qu’ils veulent. S’il y a un désir du marché, le marketing fournira des réponses à ce désir. C’est son cœur de métier. Si le désir est durable, la tendance sera durable, le marketing jouera pleinement. Ce n’est donc pas fondamentalement une remise en cause des principes qui guide le marketing, mais plus simplement un indicateur fort des messages qu’il devra délivrer en adéquation avec ce désir.

En ce moment, la réalité de ce désir de consommation « engagée » ne semble pas intéresser outre mesure le marketing alimentaire. Comment le percevez-vous ? Le consommer « bio » semble tout de même prendre une certaine ampleur, on en voit de plus en plus sur les étals des supermarchés ?

Dans la réalité, le consommer « militant » reste une niche. Disons que l’on regarde frémir le vent. Mais ça n’avance pas de manière énorme. C’est très très petit concernant le commerce équitable. Pour ce qui est du « bio », nous avions cru qu’il allait décoller mais, contrairement à certaines idées reçues, ce n’est pas le cas.

Vous évoquiez le fait que le marketing puisse devoir s’adapter à ce type de désir, s’il prend une ampleur suffisante. Sur quel type d’analyse se fonderait-il au cœur des arguments du discours des consommateurs « engagés » ?

Je pense qu’il miserait, je vais être un peu provocante, mais c’est le jeu de notre entretien, sur le désir qu’auraient les consommateurs, et ceux que l’on nomme généralement les « bobos », de s’acheter une bonne conscience : « Je m’innocente d’être bourgeois en achetant militant ». Certes, c’est s’en tirer à bon compte, mais ce désir de s’acheter une bonne conscience fait vendre... même si cela exclut les gens qui n’en ont pas les moyens.

Tout de même, ce serait peut-être un progrès que consommateur et logique marketing se rejoignent sur une consommation à même de protéger les producteurs ou l’environnement

Oui. Ce serait sûrement assez positif, si le marché est là. Je soulève tout de même ce paradoxe. Imaginons que ce marché s’étende fortement, cela pourrait devenir absurde par rapport aux intentions du commerce équitable qui est, notamment, de s’inscrire dans le développement durable. Or cet accroissement fort de ce marché conduirait à intensifier cette production. Le serpent se mordrait alors la queue. Car il y aurait forcément dévoiement de la production qui passerait du durable à l’intensif. C’est logique et implacable.

Cette Chronique « La consommation engagée : mode passagère ou tendance durable ? » est une des séquences de l’émission du 8 décembre 2006. Accéder à l’Intégrale de cette émission-. Le Plateau du J’GO est co-organisé par la Mission Agrobiosciences, le Restaurant du J’GO- et Radio Mon Païs.

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