Dans le cadre du Plateau du J’GO co-organisé par la Mission Agrobiosciences, le Restaurant le J’GO et Radio Mon Païs.
Alimentation en débat : les chroniques « Sur le Pouce » de la Mission Agrobiosciences. Réalisée le 23 Avril 2007
Lucie Gillot Dans la haute gastronomie, les femmes toquées se font rares. Entendez par là que, dans leur grande majorité, les cuisines des grands restaurants sont encore aujourd’hui dirigées par des hommes. Mais depuis quelque temps, il semblerait bien que les choses bougent...
Dans les faits, on observe tout d’abord une progression du pourcentage de femmes dans les filières de formation, dans les écoles d’hôtellerie ou encore à l’école de boulangerie et de pâtisserie de Paris, dont 1/3 de l’effectif est féminin. Mais ce qui est encore plus significatif, c’est cette reconnaissance de savoir-faire culinaire de certaines femmes-chefs par le corps de métier lui-même. Deux événements dans l’actualité récente mettent la puce à l’oreille. Pour la première fois depuis sa création, il y a 70 ans, le titre de Meilleur Ouvrier de France dans la section cuisine a été décerné à une femme, Andrée Rosier-. Dans son édition 2007, le guide rouge attribue trois étoiles à Anne-Sophie Pic-. Les médias en ont beaucoup parlé et pour cause : cela n’était pas arrivé depuis 1951, lorsque Marguerite Bise- avait décroché la sienne.
Et puis, il y a comme une rumeur sur cette cuisine des femmes... On dit qu’elle serait plus sensible, plus douce, à l’image de la femme elle-même. C’est ce que disent du moins certaines d’entre elles comme Marie-Chantal Lepage-, la seule femme chef de la région Québec : « Les femmes aiment les goûts plus subtils en douceur, avec des différences de saveurs peut-être moins marquées mais plus surprenantes. Elles sont minutieuses et perfectionnistes tandis que les hommes sont plus expéditifs »... Il y aurait donc une cuisine des genres. Y a-t-il véritablement une cuisine de femmes ? Nous allons en discuter avec Muriel Gineste, sociologue à l’espace de formation et d’information sur l’alimentation, EFISA-. Vous avez assisté tout récemment aux deuxièmes Rencontres de la gastronomie, à Toulouse, et auxquelles étaient présents des cuisiniers de tout genre...
Muriel Gineste J’ai effectivement assisté, les 2, 3 et 4 avril 2007, aux deuxièmes Rencontres internationales de la gastronomie organisées, cette année, par Michel Sarran-. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’assemblée n’était pas strictement masculine puisqu’elle était composée pour un tiers de femmes environ. J’aimerais ici préciser que ces rencontres ont pour objectif de favoriser l’échange et la
transmission de savoir-faire entre cuisiniers du monde entier. L’échange de savoir-faire et cette dimension internationale, culturelle donc, tiennent ici une place de choix. Au cours de ces rencontres, vous pouviez assister à des démonstrations de savoir-faire mais aussi à plusieurs conférences sur les thèmes de la cuisine espagnole, des vins de Cahors ou encore de la cuisine des femmes.
Lucie Gillot Justement, vous avez observé les démonstrations de savoir-faire des hommes et des femmes et noter, éventuellement quelques différences. Alors, y a-t-il à proprement parlé une cuisine de femmes ?
Muriel Gineste En ce qui concerne le résultat sur l’assiette, je ne le pense pas. Car, dans la haute gastronomie, les codes de présentation des assiettes sont presque les mêmes : on recherche à la fois une sophistication et une présentation relativement épurée. Je défie quiconque, par un simple regard sur son assiette, de déterminer si celle-ci a été préparée par un homme ou une femme.
Si leurs pratiques semblent converger, leur discours, la façon dont il parle de leur métier divergent. Je me suis ainsi intéressée aux termes employés par les unes et les autres lors des démonstrations de savoir-faire. Les femmes ne prétendent pas faire "une cuisine de femme" mais elles déclarent néanmoins faire la cuisine différemment. Et effectivement, elles ont une approche totalement différente de la cuisine. Celle-ci est plus sensible, sensuelle ; les termes utilisés sont plus affectifs.
Aujourd’hui en haute gastronomie, les chefs - qu’ils soient homme ou femme - suivent un même mouvement : celui d’un retour à une cuisine de produit. Ce dernier revient au centre des préoccupations, c’est-à-dire que la technique culinaire se met au service du produit (pour le mettre en valeur, le sublimer) et non l’inverse. Mais, de nouveau, leur rapport, leur manière d’aborder et de travailler le produit diffère. Les hommes ont une approche relativement technique ; ils parlent qualité, traçabilité, origine... alors que les femmes insistent sur la relation qu’elles vont lier avec ce produit. Avec une petite nuance à cette remarque : les femmes que j’ai rencontrées étaient toutes autodidactes, ce qui peut influencer leur rapport au métier. Mais c’était intéressant de voir cette différence.
Enfin, il y a une dernière différence en ce qui concerne le résultat en bouche, ce que l’on donne à goûter au client. Les hommes cherchent un goût instantané, fulgurant ; ils veulent surprendre dans l’immédiateté. Les femmes parlent plus facilement d’une simplicité et d’une mise en valeur du goût du produit associées à une monter progressive des saveurs, un éveil des sens.
Lucie Gillot Y a-t-il aussi une différence dans la façon de conduire sa brigade ?
Muriel Gineste Il est intéressant de remarquer que, quand on parle de cuisine de femmes, on évoque systématiquement les femmes en cuisine... Les femmes chefs qui se sont prêtées au jeu des démonstrations de savoir-faire ou qui ont témoigné de leur parcours lors de la conférence organisée sur ce thème ont des discours similaires. Elles témoignent notamment des difficultés qu’elles ont rencontrées pour accéder au grade de chef et s’imposer comme tel. Elles déclarent qu’on a exigé d’elles bien plus que si elles avaient été un homme ; il fallait prouver ses compétences, son savoir-faire.
Il faut savoir que l’organisation d’une équipe de cuisine est assez militaire. Ne l’appelle-t-on pas, d’ailleurs une brigade ? En cuisine, il y a une hiérarchie clairement établie - du commis au chef - qu’il convient de respecter. Or ces femmes - est-ce lié à leur parcours ? - ont un rapport différent du management d’une brigade. Le côté militaire les dérange. Elles préfèrent mettre toute la brigade sur un même pied d’égalité (c’est du moins ce qu’elles déclarent). Et puis, elles avouent plus facilement avoir eu des problèmes d’autorité lors de leur entrée en cuisine. Les hommes n’en parlent jamais. Je ne suis pourtant par sûre qu’ils n’en aient jamais eu.
Cette chronique « Sur le Pouce » est une des séquences de l’émission du 23 Avril 2007 Accéder à l’Intégrale de cette émission-. Le Plateau du J’GO est co-organisé par la Mission Agrobiosciences, le Restaurant du J’GO et Radio Mon Païs.
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