La chasse au loup bientôt ouverte ?
Un article publié dans le Journal de l’Environnement, le 28 juillet 2011 [1].
Depuis 1990, le loup italien est venu spontanément recoloniser les Alpes françaises et enrichir le patrimoine naturel de la région. Il est aujourd’hui présent de façon permanente dans neuf départements [2], mais Canis lupus a fait savoir qu’il était présent depuis peu dans les Vosges et le Doubs. Sa population totale est estimée entre 170 et 200 individus à l’hiver 2010-2011, contre 140 à 170 loups l’hiver précédent [3], selon les derniers chiffres de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) Rhône-Alpes, en charge du plan d’action national loup [4].
Bien qu’officiellement protégée par la convention de Berne de 1979 et la directive « Habitats » de 1992, la présence de cette espèce sauvage pose des difficultés pour l’élevage. Au 25 juillet 2011, le loup aurait attaqué 583 fois et tué 2.115 brebis. Soit une augmentation d’environ 25 % des attaques et de 18 % des victimes par rapport à 2010, commente le ministère en charge de l’écologie dans un communiqué du 27 juillet.
La députée des Hautes-Alpes Henriette Martinez et le député des Alpes-de-Haute-Provence Daniel Spagnou, accompagnés des présidents des deux chambres départementales d’agriculture, d’élus et d’éleveurs d’ovins ont demandé le 27 juillet à la ministre, Nathalie Kosciusko-Morizet, d’agir face à l’augmentation du nombre d’attaques depuis 2 ans. Selon eux, l’impact économique, notamment pour des éleveurs engagés sous signe qualité tel que le label « agneau de Sisteron » est trop important. Ils ne savent plus comment défendre les troupeaux, malgré les mesures de protection en vigueur.
« Le loup est une espèce protégée mais ça n’interdit pas de se défendre », a déclaré la ministre à l’issue de la rencontre. NKM a ainsi rappelé que le Groupe national loup a déjà validé cet hiver la possibilité d’assouplir le protocole existant concernant le loup, afin de « faciliter la mise en œuvre des tirs de défense ou de prélèvement lorsque la situation le justifie ». Deux arrêtés ont été pris en mai dernier, le premier fixe les conditions et les limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup, le second fixe le nombre maximum de spécimens de loups dont la destruction pourra être autorisée pour la période 2011-2012. Les personnes habilitées à effectuer ces tirs sont les éleveurs, les bergers, les lieutenants de louveterie et les chasseurs.
A la demande des « anti-loups », le ministère a donc accepté la possibilité d’une « territorialisation » de la mise en œuvre des tirs de défense. « Il s’agit de permettre à l’ensemble des éleveurs situés dans une zone reconnue à risque de défendre leur troupeau dès les premières attaques sans autre procédure administrative ». Le dispositif actuel nécessite une autorisation individuelle délivrée par la préfecture après constat d’au moins une attaque. Il a également été décidé de revoir le nombre de « prélèvements » maximum fixé à 6 loups sur la période 2010/2011, en fonction de la population estimée, du rythme de son accroissement et des dégâts occasionnés. Ceci sera décidé fin août.
Pourtant, il existe d’autres moyens pour mettre le loup à distance des troupeaux. Pierre Athanaze, Président de l’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas), estime que « tirer avec des carabines de précision à une portée qui dépasse le 1,6 km ou organiser des battues contre une espèce protégée et menacée en Europe, c’est un peu fou ».
Selon cet ancien administrateur de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS), on oublie un peu trop en ce moment que de nombreuses attaques ne sont pas dues au loup mais aux chiens errants, et que c’est toute la filière ovine qui est à revoir. La baisse des prix de la viande, la concurrence étrangère, ou encore les maladies ne peuvent pas être imputables au loup, responsable seulement de 0,05 % des pertes.
« En Italie, les deux tiers du pays sont colonisés par le loup, et pourtant il n’y a pas autant de gesticulation qu’en France alors qu’il y a également un important pastoralisme. Le directeur du parc national des Abruzzes m’a confié récemment que notre erreur en France, c’est de vouloir trop indemniser les éleveurs après une attaque. Cela n’incite pas à mettre en œuvre correctement les mesures de protections des troupeaux », raconte Pierre Athanaze.
Des mesures de protection efficaces et subventionnées par l’Etat ou le programme européen Life sont en effet proposées aux éleveurs. Mais ceux-ci doivent, selon l’Apsas, s’adapter à la présence du loup. Cela implique la présence permanente d’un berger près des troupeaux, qui doivent être rassemblés la nuit, et constamment gardés par un ou plusieurs chiens patous.
Mais les tirs de défense autorisés par le gouvernement pourront être déclenchés après un effarouchement (par les chiens par exemple) réalisé pendant 7 jours. L’association Ferus, qui défend l’ours, le loup et le lynx a fait savoir qu’elle n’était pas d’accord pour que ces tirs soient effectués dans certains départements, comme les Pyrénées Orientales. « Il s’agit d’une zone de nouvelle colonisation, extrêmement fragile puisqu’il n’y a pas de reproduction constatée et très peu de loups. Tuer un animal dans ces zones équivaut à faire obstacle à la réoccupation par le loup des habitats naturels qui lui sont favorables, un des objectifs de la directive européenne et du plan national loup en vigueur ».
Les effectifs de loups français rejoindront-ils ceux, de plus en plus réduits, des ours des Pyrénées ? La question peut se poser.
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