13/06/2014
Élevage, PAC et Société
Mots-clés: Elevage , Politiques

Élevage et PAC : pour qui ça coince ?

Le ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, Stéphane Le Foll, a dévoilé en mai 2014 les nouveaux arbitrages de l’application de la Politique Agricole Commune (PAC) en France. Suscitant de nombreuses réactions chez les agriculteurs et leurs représentants, la nouvelle distribution des subventions européennes interroge et suscite la controverse. Quels impacts sur les élevages français ? Quels avantages, quels inconvénients ? Le point dans la revue de presse de Maxime Crouchez, stagiaire à la Mission Agrobiosciences.

Élevage : la répartition de la PAC est-elle équitable ?

Le ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, Stéphane Le Foll, a dévoilé en mai 2014 les nouveaux arbitrages de l’application de la Politique Agricole Commune (PAC) en France. Suscitant de nombreuses réactions chez les agriculteurs et leurs représentants, la nouvelle distribution des subventions européennes interroge et suscite la controverse. Quels impacts sur les élevages français ? Quels avantages, quels inconvénients ? Le point dans la revue de presse de Maxime Crouchez, stagiaire à la Mission Agrobiosciences.

La nouvelle PAC partage
Le 20 mai 2014, Stéphane Le Foll a rendu public les nouveaux arbitrages de l’application de la PAC en France, notre pays ayant vu son enveloppe se réduire de 200 millions d’euros par an pour la période 2014-2020 (de 9.3 milliards d’euros à 9.1). Loin d’inquiéter les analystes et les agriculteurs, c’est d’avantage la répartition des subventions que leur baisse qui interroge. Dans un article de La Croix, en réaction à la mesure des 52 premiers hectares [1], Tiphaine Honoré pointe du doigt le sujet majeur de la controverse : « il est en effet souvent reproché à la PAC de favoriser les structures de grande taille ».
La réforme partage. Judith Carmona, Secrétaire nationale de la Confédération Paysanne s’indigne de ne voir personne s’inquiéter des petits paysans. Plus modéré, Gilles Bazin, ingénieur agronome et professeur d’économie rurale à AgroParisTech, parle d’amélioration et déclare que « Cette PAC n’est sûrement pas une révolution, mais [qu’] elle va dans le bon sens. Elle devrait au moins tempérer les disparités entre les régions montagneuses et les plaines, et entre les éleveurs et les céréaliers ». Dans une interview à La Croix, Morvarid Bagherzadeh, analyste des politiques agricoles à l’OCDE, reconnaît que « certains de ces objectifs relèveraient davantage de l’aide sociale que de la politique agricole ». Malgré une légère touche d’optimisme, la critique préfère d’ores et déjà désigner cette nouvelle réforme comme une rustine plutôt qu’une roue neuve pour la petite agriculture française…

Du côté des éleveurs
Ce balancement de l’opinion se fait tout autant sentir du côté des éleveurs de bovins. A propos de la prime à la vache allaitante [2], le Modef (Confédération syndicale agricole des exploitants familiaux) a fait savoir son mécontentement : « un petit éleveur avec 50 vaches bénéficiera de 181€ par tête alors que l’éleveur avec 110 vaches aura 151€ par tête. Ce différentiel n’est pas assez marqué au regard des revenus dégagés par les petits éleveurs ». Quant à la Confédération paysanne, défenseur d’une agriculture paysanne à taille humaine, elle est aussi de cet avis et affirme dans les colonnes du Point.fr : « Les fermes petites et moyennes diversifiées restent donc les victimes d’une volonté d’aller vers la production de volume, au lieu de mettre en œuvre une politique qui permette que des paysans vivent nombreux sur leur territoire et produisent une alimentation de qualité ». Tout au contraire, et sans surprise, la Fnsea (Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitations Agricoles) se dit satisfaite de cette réforme : « Ca va plutôt dans le bon sens, car dans les précédents schémas, ont était sur une politique trop sociale et pas assez économique ».

Enquête de com
Ces réorientations budgétaires serviraient donc davantage aux grands qu’aux petits éleveurs ? Bien que les grands élevages soient les moins populaires auprès de l’opinion publique, ceux-ci restent déterminés à changer cette image peu reluisante, et la PAC pourrait bien être un moyen pour y parvenir. En effet, la revue La Croix.fr relaie la parole des éleveurs porcins rassemblés ce mardi 10 juin à Paris. Subissant des pressions de part et d’autre, la filière porcine est en difficulté et se plaint notamment de la « stigmatisation très "agressive" des ONG environnementales ». Travaillant dans des locaux vétustes, parfois vieux de plus de 20 ans, les élevages porcins ont piètre mine aux yeux des consommateurs. D’ailleurs, « La semaine dernière, une pétition a été remise au ministère de l’Agriculture en faveur du bien-être des porcs : signée par plus de 475 000 Européens dont 60 000 Français, elle réclamait une "vie meilleure" pour les cochons et l’application stricte de la législation européenne leur assurant une "protection minimale" ».
Coup de chance, la nouvelle PAC serait pour ces éleveurs un levier pour reconquérir l’opinion : « à leurs yeux, au moins deux raisons d’espérer : la récente simplification pour créer ou agrandir les porcheries et les fonds octroyés dans la future Politique agricole commune (PAC) pour la modernisation des élevages. […] Car un bâtiment neuf est synonyme de gain de compétitivité par des économies d’énergie notamment et il donne une meilleure image au public ». Mais bien sûr cela ne se fera pas en trois jours. Les éleveurs sont conscients qu’il faudra du temps : « "Le chemin sera long", reconnaît Arnaud Degoulet, éleveur et président de la coopérative Agrial ».
Sans oublier que les grands élevages sont également au cœur de controverses et polémiques sanitaires, éthiques et politiques. A l’instar de la ferme des « milles vaches » qui, comme le rappelle La Croix.fr, « doit accueillir de 500 à 1 000 vaches laitières et leurs veaux ». Le projet à été instruit par Luc Delaby, ingénieur de recherches en élevages laitiers à l’Inra, qui ne mâche pas ses mots : « [il] comporte des risques énormes et évidents mettant en péril la santé, la sécurité, l’environnement et l’emploi et menace le bien-être animal ».
Fidèle à elle-même, la Confédération paysanne se mobilise contre ce projet et a manifesté de manière musclée, en mai dernier, son désaccord en s’attaquant directement aux locaux de l’entreprise : « A quelques semaines de la première traite, les militants de la Confédération paysanne ont entamé le démontage de la salle de traite, énorme machine destinée à traire trois fois par jours les 1 000 vaches que cette usine doit accueillir ». Et cette réaction de Stéphane Le Foll, ce 28 mai au journal 20minutes : « Ce n’est pas mon projet. Je veux des agriculteurs à la tête des exploitations agricoles et pas des investisseurs. Ce n’est pas un modèle que je défends ».

La PAC des loups
Autre son de cloche, du côté des éleveurs d’ovins. Pour eux, les problèmes se posent autrement. Depuis la réintroduction du loup en France, dont la population [3] est en forte croissance, les éleveurs se battent pour la protection de leurs troupeaux en pâturage. Lors d’un rassemblement en avril 2014, ces hommes et femmes ont interrogé Dominique Gentier [4], chargée de communication du Plan d’action national loup, sur les dispositions introduites par la nouvelle PAC. Cette dernière leur à répondu que « l’aide aux éleveurs passera par un accompagnement technique, un meilleur conseil et un soutien accru (…) Il faut évaluer la meilleure protection et savoir associer clôture, parcs, chiens de protection, gardiennage ». Les professionnels trouvent ces mesures insuffisantes, pour ne pas dire incompétentes. Relayés par Agoravox.fr, leurs propos sont sans détours : « Les mesures imposées aux éleveurs par les écologistes et le gouvernement ne se contentent pas d’être inefficaces. Elles portent aussi atteinte à l’environnement. Chez nous, si les montagnes ne sont pas mangées, les incendies sont assurés (…). En outre, les bêtes rassemblées derrière les clôtures sur-pâturent les enclos et le piétinement favorise ainsi l’érosion de la couche végétale dans ce milieu méditerranéen fragile ».

L’équilibre dans le pré ?
On est encore loin du syntagme « l’amour est dans le pré » que voudrait nous faire avaler M6. Quand certains disent qu’ « on propose [aux agriculteurs] de toucher des subventions en compensation des prix agricoles trop bas » ( Michel d’Espagnet, président de la Coordination rurale PACA), on comprend que la redistribution équitable des subventions pour une agriculture durable est encore dans la balance. Reste à observer les avancées qu’induit cette nouvelle répartition entreprise par S. Le Foll.
Ambiance assurée pour la sortie (11 juin 2014) de La Ritournelle, le film de Marc Fitoussi qui met en scène un couple d’éleveurs bovins, dont Brigitte (Isabelle Huppert) profite d’un rendez-vous médical à Paris pour s’extraire de son quotidien pesant (et se donner à des plaisirs jusqu’alors inassouvis)..

Une revue de presse de la Mission Agrobiosciences du 12 juin 2014, par Maxime Crouchez, stagiaire à la Mission Agrobiosciences.


Sources :

  • La Tribune, le 26 mai 2014, par Tiphaine Honoré.
  • La Tribune, le 11 juin 2014, par Tiphaine Honoré.
  • La Croix, le 30 mai 2014, par Denis Sergent.
  • AgoraVox, le 10 juin 2014, par Françoise Degert.
Le Point, La Tribune, La Croix, Revue Agricole, AgoraVox, 20 Minutes

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[1Les 52 premiers hectares sont subventionnés à prix fixe par hectare. Les subventions pour les hectares supplémentaires vont en diminuant.

[2Le Point.fr fait savoir les décisions prises par le ministre : « Pour en bénéficier l’éleveur doit avoir au moins 10 vaches. Et il touchera 187 euros de la 1ère à la 50e, 140 euros de la 51e à la 99e et 75 euros de la 100e à la 139e ».

[3Le nombre de zones de présence permanente (ZPP) a régulièrement augmenté : une en 1993, 5 en 1998, 10 en 2002, 16 en 2005, 21 en 2006, 26 en 2009. En 2013, il y aurait 250 loups en France dont 21 meutes ou couples formés. En 2007, plus de 90 % des loups se trouvent dans les Alpes. Voir le loup

[4Éditorialiste dans le site de l’Etat consacré au loup


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