extrêmement large et ses contours imprécis.
Deuxième problème, la multiplicité des intervenants et les niveaux de contractualisation, puisque dans un certain nombre de cas, ces contrats, presque moraux, sont passés de manière globale. On travaille avec la société, il y a des textes, des orientations générales qui sont quelquefois inscrites dans la loi, mais ensuite les agriculteurs passent des contrats avec prestataires, avec des organisations de producteurs, avec des entreprises, avec des filières... Il y a donc une multiplicité de contrats, il en signe énormément et je me pose la question de savoir si les termes de ces différents contrats sont tous bien compatibles entre eux. Est-ce que’à chaque fois toutes ces thématiques sont bien prises en compte ? Est-on sûr à chaque fois de travailler avec une protection de l’environnement parfaite ? avec une vingtaine de services, un maintien d’emplois, la préservation du paysage, etc. ? Je n’en suis pas certain parce que cette globalité est si vaste, qu’il est difficile de l’embrasser chacun à son niveau. Il faudrait une concertation, une transversalité parfaite pour arriver à mettre en phase tous ces termes contractuels.
De son côté l’Etat fournit un conseil en multifonctionnalités, donc de connaissances des aspects non marchands de la production et de l’activité agricoles. Cela a été mis en avant dans la mise en place de Contrats territoriaux d’exploitation (CTE) d’une durée de 5 ans entre l’agriculteur et l’Etat, basé sur un diagnostic économique et environnemental, et qui inscrit un certain nombre de dynamiques, de démarches, d’objectifs au niveau de l’exploitation agricole. En contrepartie de la satisfaction de ces objectifs, un certain nombre de soutien sont accordés à l’agriculteur. Je crois que le CTE est une grande ambition et que l’Etat a joué son rôle en mettant en place ce contrat. Simplement, il est un partenaire parmi d’autres et il n’a pas tous les moyens d’intervention dans le domaine économique. On le voit tous les jours tant au plan départemental, que régional et même national. Même un ministre ne peut parfois que mettre en relations les producteurs et les consommateurs, ou les distributeurs ou les opérateurs d’une filière mais il ne dispose pas de moyens très coercitifs d’intervention pour pouvoir faire évoluer les choses. Et sans doute est-ce une bonne chose.
Même un ministre ne peut parfois que mettre en relations les acteurs
Mais, pour les CTE, l’Etat a un certain nombre de moyens, parfois financiers et réglementaires, et il y a un certain nombre d’aspects pour lesquels on fait confiance à l’agriculteur, à la filière, au territoire pour que les choses se fassent bien. En revanche dans un certain nombre d’autres domaines, je pense en particulier à qui concerne les engagements de pratique environnementale, on a la possibilité d’imposer un certain nombre de choses pour que l’agriculteur adapte effectivement ses modes de production aux critères.
Troisième point, le développement et ces contradictions au travers des territoires pertinents ou les enjeux territoriaux. Avec cette difficulté de trouver l’adéquation entre le projet individuel d’un agriculteur et les enjeux d’un territoire. Comment marier ce projet individuel et ce projet collectif territorial ? Quelquefois même d’ailleurs, l’enjeu d’un territoire vient en contradiction avec une politique nationale. Vous avez parlé de droits à produire. Ils ont un effet pervers : on va spécialiser des territoires. Ou alors, si certains territoires doivent être spécialisés, on risque effectivement d’avoir des enjeux territoriaux en contradiction avec une volonté nationale de réguler l’économie. Alors, si on prenait un territoire très spécialisé, de montagne par exemple, un parc naturel régional, qui ait une histoire très forte, des enjeux très forts, avec une pratique de travail commun soudée entre les différents acteurs depuis de nombreuses décennies, on pourrait certainement avoir une parfaite compatibilité entre les enjeux de ce territoire et les projets de chacune de ses exploitations. C’est une vision idéaliste et le travail que nous avons à réaliser ensemble est justement de bien définir ces enjeux territoriaux et de les décliner assez précisément pour que chaque agriculteur puisse adhérer à cette démarche. Cela veut dire qu’il doit être associé à la définition de ces enjeux. Il faut donc identifier les territoires pertinents, associer la réflexion des agriculteurs et faire en sorte que les enjeux du territoire soient parfaitement compatibles avec les projets de ces exploitations. C’est un travail de longue haleine dans certains départements, je ne veux pas parler du Gers, qui ont peu de vécu de l’intercommunalité, peu de vécu de la dynamique des Pays qui s’enclenche aujourd’hui et qui va permettre d’associer ces acteurs. Cette pratique relativement récente fait qu’il est très difficile d’arriver à cette parfaite cohésion entre les différents niveaux d’intervention, qu’ils soient individuels ou d’exploitation au plan du territoire.
Je crois, par exemple, que le pays de l’Adour offre l’ambition extraordinaire d’établir un pays sur trois départements et sur trois régions. C’est là où se pose la pertinence administrative, la pertinence des territoires, car on laisse parler les acteurs locaux de plus en plus. Jusqu’alors, c’était l’Etat qui définissait. Ensuite, il y a eu les collectivés. Je crois qu’aujourd’hui la société civile s’exprime pour dire ce dont elle a envie de réaliser sur son territoire, mais une fois que vous avez défini ces enjeux, il reste ce problème de compatibilité avec les logiques départementales, les logiques régionales qui ont aussi défini des stratégies à la faveur des différents Contrats de plan négociés avec l’Etat. Il y a là un vrai problème d’ajustement pour que chacun puisse intervenir et que l’agriculteur puisse opérer en parfaite conformité dans le sens de ce qui a été souhaité au niveau de ces différents niveaux territoriaux. Il y a le problème de la thématique et le problème du territoire.(Une publication. Mission Agrobiosciences)
On peut également lire
« La contractualisation, inévitable et imparfaite »- par Patrice Duran. Sociologue. Dans le cadre du débat l’Agriculture entre contrats et contrôles. Marciac 2002
« Echanges et certifications : les arguments de la confiance »- Par Emmanuelle Auriol. Economiste. Dans le cadre du débat l’Agriculture entre contrats et contrôles. Marciac 2002
« La confiance est ce qui reste quand on a tout oublié de la construction juridique qu’est le contrat »- Par Christian-Albert Garbar. Juriste. Dans le cadre du débat l’Agriculture entre contrats et contrôles. Marciac 2002.
« Le Contrat territorial d’Exploitation : impasse ou laboratoire ? »- Par François Léger. Inra. Dans le cadre du débat l’Agriculture entre contrats et contrôles. Marciac 2002.
« Du contrat individuel au contrat collectif : la stratégie de l’Etat et des territoires »-
Par François Projetti. Ministère de l’alimentation, l’agriculture, la pêche et les affaires rurales Dans le cadre du débat l’Agriculture entre contrats et contrôles. Marciac 2002.
« 9 PAROLES D’AGRICULTEURS SUR LE THEME : AGRICULTURE ENTRE CONTRATS ET CONTROLES »- DANS LE CADRE DE L’UNIVERSITE D’ETE DE L’INNOVATION RURALE. MARCIAC 2002.
Accéder à l’ensemble des actes de la 8ème Université d’Eté de l’Innovation Rurale « L’Agriculture entre Contrats et Contrôles »-. Marciac. Août 2002.
Accéder aux actes de Toutes les éditions des Université d’été de l’innovation rurale de Marciac-