29/10/2007
Les actes de la 12ème Université d’été de l’Innovation rurale. Marciac 2002

Controverse. « OGM : ces débatsqu’on malmène » Dans le cadre du débat « Comment débattre des sujets qui fâchent ? » de l’Université d’été de l’Innovation Rurale. Marciac 2006.

En novembre 1996, le journal Libération titrait : « Alerte
au soja fou ». Née dans l’émotion de la « vache folle »,
aggravée par le désaccord entre experts scientifiques et
l’imminence de la commercialisation d’un maïs et d’un
soja transgéniques, la contestation des Ogm par
différents acteurs de la société ne pouvait que s’aviver.
Dix ans ont passé, ponctués d’une valse d’autorisations
et d’interdictions, d’actions militantes, de recours
juridiques et de débats citoyens pour aboutir à un
moratoire informel. Reste que les actions militantes n’ont
pas cessé et que la demande d’information sur les essais
au champ est toujours aussi vive, alors même que les
parties prenantes semblent à bout d’arguments.
Pour tenter d’y voir plus clair sur les impasses et les
avancées possibles de ce débat, trois intervenants, qui
connaissent des positions et des implications différentes
sur le dossier des Ogm, répondent aux questions de
Bernard Chevassus-au-Louis(1), dans le rôle du modérateur
de cette table ronde, séquencée en trois parties avec Alain Toppan, Philippe Martin et Mattieu Calame.

Alain Toppan : directeur de recherche en génétique
végétale, il a d’abord mené son activité au Cnrs avant de
rejoindre le secteur privé. Favorable aux essais en plein
champ, il prône une évaluation des Ogm au cas par cas.
Matthieu Calame : ingénieur agronome au sein de la
Fondation Charles-Léopold Mayer, il a publiquement exprimé,
en diverses occasions, son opposition aux Ogm qui, selon lui,
relèvent du domaine de l’inutile et de l’incertain.
Philippe Martin : Député du Gers et Président du Conseil
général, cet élu a initié le premier référendum citoyen dans
son département, sur la présence d’expérimentations d’Ogm
en plein champ sur le territoire du Gers(2).
Bernard Chevassus-au-Louis (modérateur) Directeur de
recherche INRA. Ancien Directeur général de l’Inra puis
Président de l’Agence
française de sécurité
sanitaire des aliments
(Afssa), Bernard
Chevassus a également
été vice-président de
la Commission du génie
biomoléculaire, qui
évalue les demandes
d’essais d’Ogm en
France

Sur les formes du débat : défauts de procédures

Bernard Chevassus : Le principe de cette séquence
ne consiste pas à organiser la énième confrontation sur
les organismes génétiquement modifiés, mais à prendre
le recul nécessaire pour donner une lecture des dix
années écoulées en termes de débat. Déjà, en 1992, le
député Daniel Chevalier(3) avait imaginé que les Ogm
soient soumis à une procédure de débat public, ce qui
n’a pas été retenu par la loi du 13 juillet 1992 destinée à
organiser l’information des consommateurs sur la mise sur
le marché de ces organismes.
Depuis, diverses procédures ont été testées ici ou là : les
conférences de citoyens, les conférences de « sages »,
les rapports demandés aux trois assemblées représentatives

  • Assemblée Nationale, Sénat, Conseil Economique
    et Social -, le groupe de travail du Commissariat
    Général du Plan, sans oublier les délibérations de la justice
    lors d’un certain nombre de procès... Cette mise à
    plat des différentes formes de débats et de concertations
    est d’autant plus importante que la polémique née autour
    des Ogm me semble être le prototype de ce qui se reproduira
    pour de nombreuses innovations touchant au vivant.
    Je me tourne donc vers les protagonistes de cette table
    ronde : quel regard portez-vous aujourd’hui sur les formes
    du débat durant ces dix dernières années ?

Matthieu Calame : « Impréparation, cadrage trop étroit
et manque de données »
. Les premiers débats ont été marqués

par l’impréparation. La soudaineté de la contestation
a pris tout le monde de court. Il faut se souvenir
qu’au début des années 90, la transgenèse n’était absolument
pas considérée par les politiques comme une
question prioritaire, au contraire du nucléaire. Il a donc
fallu en premier lieu circonscrire l’objet du débat, avec
d’un côté, les tenants d’une version minimaliste- il faut
se contenter d’un débat purement technique sur un
aspect technologique, avec une évaluation sanitaire et
environnementale de ses effets éventuels - et les tenants
d’un débat très large, intégrant la question de la gouvernance
de la recherche qui, en tant qu’outil de changement
des sociétés, doit être soumis à l’avis des citoyens.
Cette seconde approche posait des questions éthiques,
qui ont souvent été assimilées un peu à la légère à de
l’idéologie, à moins qu’il ne se soit agi d’une manière de
disqualifier certains acteurs ou certains discours.
Par ailleurs, sur les aspects économiques, la plupart des
débats ont été catastrophiques tant les enjeux étaient
imprécis, ne serait-ce qu’en raison des intérêts énormes
de part et d’autre.
Enfin, le débat a souffert de la somme considérable de
données qui interagissent et qui sont pourtant le préalable
à toute délibération : des chiffres sur les intérêts économiques,
le poids des filières, les différents choix de société
et de modèles agricoles que cela implique, la question
de la privatisation des semences... Sur ce point, nous
ne disposons toujours pas d’un document précisant
tous les enjeux et sur lequel s’accorderaient tous les
acteurs, à l’instar de l’enquête dans la procédure judiciaire.
Tant que nous ne l’aurons pas fait, nous aurons
du mal à progresser
.

Alain Toppan : « Un exemple de tout ce qu’il ne fallait
pas faire »
... Pour moi, il y a eu des embryons de débat sur
des segments très particuliers du vaste sujet des Ogm et,
finalement, nous sommes restés dans un balbutiement.
En 1990, l’un des tous premiers débats qui a eu lieu - je
rejoins Matthieu quand il dit qu’il y avait surprise et impréparation

  • avait pour objet de donner un cadre législatif
    et réglementaire à la commercialisation des Ogm. Plus
    tard, en 1998, s’est déroulée la Conférence des citoyens,
    au Parlement. Ce type de procédure a été pensé à
    l’époque dans un système de représentation stricte ;
    aujourd’hui, nous mettrions l’accent sur un dispositif plus
    participatif. Cette conférence est quasiment passée
    inaperçue. Et effectivement, le projet de loi du député
    Daniel Chevalier allait beaucoup plus loin que les recommandations
    élaborées par le panel de citoyens.
    Par la suite, n’oublions pas qu’il y a eu près d’une centaine
    de débats un peu partout en France, avec une
    volonté institutionnelle d’aller très loin, à travers des
    conférences très ciblées ou, au contraire, ayant un champ
    de questionnement très large. Là encore, cela n’a pas
    trouvé un réel écho. Car finalement, ce qui était attendu
    et qui l’est encore aujourd’hui par tous, c’est autre chose :
    un débat participatif de proximité, qui ne reprenne pas
    simplement des aspects réglementaires ou législatifs,
    mais qui embrasse tout l’horizon de ce que cristallisent
    les Ogm : la mondialisation, le rapport à la nature, etc.
    D’autre part, et je le regrette, je ne peux pas considérer
    toutes ces réunions publiques et autres forums comme
    des débats au sens propre du terme, car on assiste le plus
    souvent à une guerre de position. L’objectif n’y est pas de
    chercher à envisager les très nombreuses facettes de ce
    sujet - scientifique, économique, éthique - mais d’affirmer
    des postures qu’on ne souhaite surtout pas faire bouger.
    C’est blanc ou c’est noir. Nous en sommes encore là.
    Pourtant, selon moi, les Ogm sont à analyser au cas par
    cas, tant sur le plan scientifique que réglementaire.
    Accepter ou refuser en bloc une technologie en tant que
    telle, sans même discuter des utilisations, semble curieux.
    Et puis, il faut être deux dans les réunions publiques. La
    plupart du temps, elles ne rassemblent qu’une seule partie
    prenante. En clair, les intervenants sont tous d’accord
    entre eux. Où est le débat, dans ce cas ?
    Les procédures mises en oeuvre pour débattre des Ogm
    sont en fait l’exemple de tout ce qu’il ne faut pas faire, par
    exemple sur le prochain sujet à venir que sont les nanotechnologies
    .

Philippe Martin : « Un débat qui n’a pas eu lieu ». Sur un
point, je suis en accord avec Alain Toppan : malgré
tous les débats organisés ces dernières années, beaucoup
ont le sentiment que le débat n’a pas eu lieu. Un
débat permettant d’éclairer vraiment les citoyens sur les
enjeux afin qu’ils puissent opérer un choix en connaissance
de cause. Il faut donc s’interroger sur la manière
dont on a abordé ce dossier.
Les citoyens sont de plus en plus exigeants en matière
de transparence et d’explication sur les questions
qui engagent leur vie quotidienne et l’avenir des générations
futures. Je ne suis pas du tout de l’avis de
Alain Toppan lorsqu’il évoque l’absence de diversité
des intervenants dans les débats. Lorsque nous avons
lancé l’initiative du référendum citoyen dans le Gers,
nous avons organisé des débats préparatoires avec
des partisans et des opposants aux Ogm - Alain Toppan
a participé à l’un d’entre eux, d’ailleurs. Finalement,
nous sommes les seuls à avoir donné la parole
à des pro-Ogm, et ce afin d’organiser une controverse
utile.
Ce qui me préoccupe dans la problématique des Ogm,
c’est l’enjeu démocratique qu’elle soulève. Votre journée
de demain a pour fil rouge « quelles issues pour
la décision publique ? » . C’est pour moi le coeur du
sujet. Et je constate que si l’Etat proclame haut et fort
son souhait d’aller très loin en matière de démocratie
et de principe de précaution, sa pratique n’est pas à
la hauteur du discours. Si la population nourrit une
inquiétude par rapport aux Ogm, c’est bien parce
qu’elle n’a pas été associée à la réflexion en amont et
que l’histoire lui rappelle qu’on la met très souvent à
l’écart du débat.
D’ailleurs, je ne décèle toujours pas une volonté nette
d’aborder avec franchise l’ensemble des éléments et
des connaissances sur les Ogm avec les citoyens. On
entend souvent dire : « c’est un sujet compliqué »,
« on ne va pas rentrer dans le détail », « il n’est pas pensable
d’imaginer que tous les citoyens puissent être
capables de savoir s’il faut, ou non, autoriser les Ogm ».
Oui le sujet est compliqué. Mais après tout, le texte de
468 articles (Ndlr : la Constitution européenne) sur
lequel on a demandé aux Français de se prononcer par
« oui » ou par « non » n’était pas moins ardu !
On trouve parfois chez les chercheurs et les scientifiques
cette réticence à s’expliquer, à se mettre au
niveau des citoyens, même lorsqu’ils sont de bonne
foi et ont envie de faire progresser les connaissances
au bénéfice de la société toute entière. Eux aussi doivent
s’interroger sur la façon dont ils abordent ces
sujets vis-à-vis des citoyens. Ces derniers ne sont plus
prêts à entendre un discours leur expliquant qu’ils
n’ont pas à se préoccuper de ce genre de questions
et qu’il y a des gens plus intelligents qu’eux pour le
faire à leur place.

Bernard Chevassus : « Maîtriser le débat, une utopie
tentante »
. Un commentaire, si vous le permettez, par
rapport aux propos de Matthieu Calame qui déplore
l’absence d’un inventaire exhaustif des questions à
poser et des acteurs concernés. En m’inspirant de ce
qu’a écrit Michel Callon(4) sur la question, je me
demande s’il n’est pas utopique de prétendre faire l’inventaire
a priori. N’est-ce pas justement le débat qui,
progressivement, permet de repérer ce qu’il convient de
prendre en compte ? C’est la dynamique même du
débat qui révèle le cadrage trop étroit de la question
initiale.
Deuxième remarque, quand on observe attentivement
les liens que préconisent les sites qui, sur Internet,
militent pour ou contre les Ogm, nous voyons se dessiner
deux bulles totalement distinctes. Les partisans ne
renvoient jamais vers un site d’opposants et inversement.
Cela me conduit à me demander si la plupart des
acteurs n’a pas sciemment choisi de se contenter d’affirmer
des positions...
Troisième remarque : j’ai également le sentiment que
ceux qui ont travaillé à mettre en place des formes de
débat rêvaient de théâtre classique : un événement
limité dans le temps, dans l’espace et dans les acteurs,
qui aurait permis de servir de « maquette » se substituant
au débat social, trop « compliqué » à organiser
et moins gérable. Il y aurait là l’utopie de pouvoir réinventer
des formes maîtrisables du débat. Pour lancer
un peu la polémique, je dirai même qu’organiser un
référendum peut aussi répondre à une tentation, celle
de clore définitivement le débat !

Sur le fond : quels acquis en retirer ?

Bernard Chevassus : Sur le fond, considérez-vous
qu’à travers tous ces échanges, des questions intéressantes
ont malgré tout émergé sur l’innovation, permettant
d’aborder différemment les débats de demain ?

Alain Toppan : « Prendre le temps ». La portée positive que
je repère se situe sur le versant scientifique. Les questions
posées en public ont en effet suscité un grand nombre de
travaux de recherche. Comment aller plus loin ? Je tire de
mon expérience que les débats les plus fructueux se
déroulaient devant de petites assistances, dans une atmosphère
conviviale qui, favorisant une certaine confiance,
a permis que nous allions plus loin dans les arguments.
Chacun y trouvait des éléments de réflexion pour lui-même.
Dans ce cas, nous ressortons de là un peu grandis.
Ensuite, je voudrais signaler l’importance du temps dans
le processus de l’innovation. Pour le scientifique, l’innovation
est en devenir, il ne peut pas décider ou pressentir
toutes les applications possibles. Elle est issue de
connaissances nouvelles qui nécessitent qu’on prenne le
temps d’expliquer l’aspect théorique et d’intégrer l’objet
dans une réflexion économique, sociale, politique et
éthique pour pouvoir se forger une opinion
.

Matthieu Calame : « Faire appel au Souverain ». Il y a eu
en effet un progrès immense dans le monde scientifique,
toutes disciplines confondues : à partir du
moment où la voix du quidam peut faire la différence,
vous avez intérêt à faire un effort de clarté : pas question
en effet de balayer les contradictions et les contradicteurs
par des arguments d’autorité, ou en se
réfugiant dans un langage abscons, ce qui contribue à
faire rentrer la science en démocratie.
Cette pratique d’interaction avec le reste de la société a
également contribué à ouvrir des champs nouveaux de
recherche, à faire remonter des questions nouvelles. Pour
les chercheurs qui s’y sont prêtés, cela a incontestablement
constitué un enrichissement de leur propre travail.
D’autre part, le processus d’échanges d’idées entre
acteurs, même mené de bonne foi, peut ne pas déboucher
sur le consensus. Dans ce cas, il nous reste à nous
adresser à ce qu’on appelle en Suisse le « Souverain »,
c’est-à-dire le peuple et non, comme on pourrait le penser
en France, le Chef de l’Etat, ce qui montre bien la différence
de deux univers mentaux.
Sur les Ogm, les Suisses ont fait la même chose que le
Gers : une « votation » qui a débouché sur un moratoire
sur cinq ans des cultures transgéniques. Car l’envie
de débattre finit par s’épuiser : a priori, s’il existait
des positions conciliables sur les Ogm, nous les aurions
déjà trouvées.

Bernard Chevassus : Cela a mis du temps, mais
cela a effectivement révélé que lorsque les scientifiques
parlaient d’Ogm, ils se référaient à un objet technique
dans l’absolu, tout beau et tout neuf, tandis que le reste
de la société désignait une réalité socio-économique
sortie des laboratoires et s’insérant dans le quotidien.
L’innovation est vue d’un côté sous une face pleine de
promesses, de l’autre, sous une face déjà chargée d’histoire
et de contexte social. Pour résumer, on a un peu
trop assimilé « invention », processus essentiellement
technique, et « innovation », processus largement social
.

Quelles recommandations pour demain ?

Bernard Chevassus : En résumé, soyons plus
modestes, dites-vous. Ne demandons pas au débat de
forger le consensus, mais plus simplement de dresser un
large inventaire documenté des questions qui se posent
afin d’aider la décision.
Cela dit, nous voyons actuellement émerger d’autres
innovations, issues de la génétique, de la chimie ou de
la physique... Quelles recommandations feriez-vous pour
mener ces débats à venir ?

Matthieu Calame : « Des ateliers-scénarios ». Déjà, il
faudrait s’y prendre beaucoup plus tôt ! Notamment
avant que la plupart des acteurs soient déjà très engagés
financièrement. Quant le débat sur les Ogm est
né, un certain nombre d’options de développements et
de recherches était déjà prises qui exigeaient, pour
certains acteurs, un retour sur investissement. Avec le
temps, ces derniers ont appris que le débat est certes
coûteux, mais souvent bien moins qu’une opposition
frontale qui dure des années.
Ensuite, plutôt que de vastes débats grand public, il
conviendrait de privilégier des processus d’atelier-scénario
réunissant un panel de citoyens, afin d’analyser
comment il réagit à différentes hypothèses. Un dispositif
qui pourrait d’ailleurs être mis en oeuvre pour les
grandes orientations de la recherche en général...
Troisième point : il conviendrait de mieux articuler le
débat et la prise de décision. A partir du moment où
un Etat décide de la tenue d’un référendum, par
exemple, émerge une envie de débat, comme on l’a vu
sur la Constitution européenne, car les citoyens savent
que leur avis va compter. Mais il faut que le tempo soit
suffisamment long - trois à quatre ans - et que les
acteurs conviennent d’une procédure légitime pour
tous. Enfin, il ne faut pas demander une réponse binaire

  • oui ou non - mais proposer plusieurs scénarios, qui
    replacent la technologie dans un contexte large.

Alain Toppan : « Le rôle du politique ». Le référendum a tendance
à me hérisser car ce type de consultation déplace
la difficulté de la décision, sur des questions qui comportent
une multiplicité de facettes, du politique, qui ne
sait pas ou ne veut pas trancher, vers les citoyens. Personnellement,
j’attends du politique qu’il fasse cette synthèse
multidisciplinaire, avec un regard à plus ou moins
long terme et en séparant bien son rôle de celui des
experts, qui ne doivent pas prendre position mais donner
les éléments nécessaires à une décision en toute connaissance
de cause.

Philippe Martin : « Pour la dissémination de la démocratie
en plein champ »
. C’est toute la difficulté du rôle du
politique. Il doit prendre et assumer les décisions et
faire en sorte que son choix soit éclairé le mieux possible.
Il doit aussi prendre le risque de déplaire, en
allant à contre-courant de certaines opinions, tout en
veillant à ne pas se couper de la population. C’est la
quête de cet équilibre qui rend la tâche complexe.
Quant à la proposition de référendum que j’ai faite, je
dois préciser que celle-ci n’a pas trouvé de traduction
réelle en raison d’une interdiction prononcée par le tribunal
administratif, alors même que plusieurs lois existantes
prétendent donner les moyens aux citoyens d’invoquer
le principe de précaution et d’accroître la
démocratie participative. De fait, quand un département
tente de mettre en pratique ces textes sur les
Ogm, l’Etat lui répond qu’il ne le peut pas et que cela
ne relève pas de ses prérogatives. Pourtant, les routes
nationales, les IUT, pour ne prendre que deux
exemples, ne relèvent pas non plus des compétences
d’un Département. Eh bien l’Etat ne refuse pas pour
autant la participation financière du Conseil Général...
Il semble que pour l’Etat, la notion de compétence soit
à géométrie variable. Il choisit les questions sur lesquelles
il veut que les collectivités s’investissent, et
celles où elles n’ont pas le droit au chapitre. C’est tout
à fait dommageable.
Cela étant, je ne suis pas non plus un défenseur aveugle
du référendum. Cette formule qui aboutit à une réponse
par oui ou par non peut verser dans la caricature. Si j’ai
voulu lancer cette procédure, c’est que j’ai été frappé
par le nombre grandissant de citoyens s’adressant à
leurs maires, eux-mêmes désarmés au plan démocratique
pour apporter les réponses attendues. J’ajoute
que je ne me résous pas au fauchage. Cette expression
violente ne me convient pas, même si je la perçois
comme une réponse à une autre violence : celle
d’essais Ogm en plein champ, menés sans explication
et dans la plus grande opacité. Enfin, cette initiative a
pris place dans un contexte national où les pouvoirs
publics retardent les décisions : le Parlement repousse
sans cesse la loi de transposition sur les Ogm par
crainte, sans doute, d’un « CPE environnemental » et
par crainte de s’engager dans une voie irréversible.
Tant que l’explication scientifique ne permettra pas de
mieux éclairer ce à quoi on s’engage avec les Ogm, il
y aura une défiance, et une menace pour notre démocratie.
Plus que jamais, je plaide vigoureusement pour
la « dissémination de la démocratie en plein champ »
.

Bernard Chevassus : Je soulignerai en conclusion
qu’il nous faut sans doute sortir du schéma de la
« Grande Décision ». Sur ces thématiques complexes
et évolutives, il conviendrait d’apprendre à fractionner
les différentes questions et à adopter des processus
interactifs débat/décision, décision/débat, avançant à
pas plus mesurés. Car plus on va vers une décision qui
paraît poser problème, plus on a peur du « CPE environnemental
 » - j’aime bien cette expression - , plus
la situation risque de se bloquer.
Enfin, il nous faut réfléchir aux échelles territoriales
pertinentes pour la prise de décision : est-ce la commune,
le département, la région ou l’Europe ?
Merci à nos trois intervenants d’avoir donné tous ces
éléments de cadrage
. ■

Une publication Mission Agrobiosciences écrite et éditée grâce au soutien financier du Conseil Général du Gers. Marciac 2006

(1) Directeur de
recherche INRA,
spécialiste de la
génétique des poissons.
Ancien Directeur
général de l’Inra puis
Président de l’Agence
française de sécurité
sanitaire des aliments
(Afssa), Bernard
Chevassus a également
été vice-président de
la Commission du génie
biomoléculaire, qui
évalue les demandes
d’essais d’Ogm en
France. Il consacre une
grande partie de son
activité à l’expertise, à
l’analyse des risques
sanitaires et
environnementaux,
ainsi qu’à
la participation
des citoyens dans
processus. Notons
qu’il a présidé
le groupe de
concertation du
Commissariat Général
du Plan sur les
qui a donné lieu
rapport « Ogm
agriculture : options
pour l’action publique
paru en 2001
(La Documentation
Française).

(2) C’est en septembre
2004 que Philippe
Martin a annoncé
son intention
d’organiser un
référendum d’initiative
populaire sur les Ogm
dans le Gers, en
s’appuyant notamment
sur la loi du
13 août 2004 relative
aux libertés et
responsabilités locales.
Celle-ci prévoit en effet
le droit à une
collectivité territoriale
d’organiser cette
consultation si au
moins un dixième des
citoyens lui en fait la
demande. Mais aussi
sur l’article 72-1 de la
Constitution, instauré
par la révision
constitutionnelle du
28 mars 2003 qui
donne à ces mêmes
collectivités le droit
d’organiser des
référendums à valeur
décisionnelle.
Créée en novembre
2004, l’Association pour
un référendum gersois
sur les Ogm a eu pour
mission de collecter les
pétitions des électeurs
inscrits dans le
département en faveur
du référendum, et
d’organiser des débats
préparatoires. Plus de
16 000 signatures ont
été ainsi rassemblées,
soit 12,5% du corps
électoral.
Au cours de l’été 2005,
une ordonnance du
tribunal administratif
de Pau a cependant
suspendu l’organisation
de la consultation qui
devait se dérouler en
septembre de la même
année. Le Conseil
général du Gers ayant
fait appel de cette
décision, la cour
administrative de
Bordeaux examine le
dossier le 12 octobre
2006.

(3) Daniel Chevalier,
Député (PS) des Hautes
Alpes a soumis
le 22 avril 1992 un projet
de loi relatif au contrôle
de l’utilisation et de la
dissémination des Ogm.

(4) Michel Callon est
professeur à l’Ecole des
Mines de Paris et
chercheur au Centre
de sociologie de
l’innovation. Consacrant
une grande partie de ses
travaux aux controverses
socio-techniques,
il s’attache plus
particulièrement à
définir les conditions
d’une démocratie
« dialogique ».
Parmi ses ouvrages,
notons « Agir dans un
monde incertain », avec
P.Lascoumes et
Y.Barthes, éd. du Seuil.
Sept 2001.

Cette table ronde a été suivie du débat « DEBAT OGM : DE LA DIFFICULTE A ELABORER LE COMPROMIS »- DANS LE CADRE DU DEBAT « COMMENT DEBATTRE DES SUJETS QUI FACHENT ? » DE L’UNIVERSITE D’ETE DE L’INNOVATION RURALE. MARCIAC 2006.

Accéder à tous les Entretiens et Publications : OGM et Progrès en Débat » - Des Points de vue transdisciplinaires... pour contribuer au débat démocratique. Edités par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences

On peut également lire

« DEBAT OGM : DE LA DIFFICULTE A ELABORER LE COMPROMIS »- DANS LE CADRE DU DEBAT « COMMENT DEBATTRE DES SUJETS QUI FACHENT ? » DE L’UNIVERSITE D’ETE DE L’INNOVATION RURALE. MARCIAC 2006.

Communication et Agriculture : « Il manque un espace de médiation entre la sécheresse du réel et le lieu des affects »- Par Eric Bardon. Ministère de l’Agriculture et de la Pêche. Dans le cadre du débat « Comment débattre des sujets qui fâchent ? ». Université d’été de l’innovation rurale. Marciac 2006.

« L’agriculture se voit assigner une fonction symbolique disproportionnée »- Par Jean-Luc Mayaud. Historien. Dans le cadre du débat « Comment débattre des sujets qui fâchent ? ». Université d’été de l’innovation rurale. Marciac 2006.

Accéder à l’ensemble des actes de la 12ème Université d’Eté de l’Innovation Rurale « L’Agriculture entre Contrats et Contrôles »-. Marciac. Août 2006.

Accéder aux actes de Toutes les éditions des Université d’été de l’innovation rurale de Marciac-

Organisé à Marciac par la Mission Agrobiosciences et la Communauté de Communes Bastides et Vallons du Gers. Avec le soutien financier du Conseil Régional Midi-Pyrénées et le Conseil Général du Gers.

Accéder à toutes les publications : Agriculture et Société Des conférences-débats, tables rondes, points de vue et analyses afin de mieux cerner les problématiques sociétales liées au devenir de l’agriculture. Edité par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences.

Accéder à toutes les publications : Sur le bien-être animal et les relations entre l’homme et l’animal- Pour mieux comprendre le sens du terme bien-être animal et décrypter les nouveaux enjeux des relations entre l’homme et l’animal. Au cours de forums, de tables rondes, d’entretiens et de restitutions de colloques, la Mission Agrobiosciences cherche, au-delà du décryptage du terme bien-être animal, sujet à controverse, à déceler les enjeux et les nouvelles relations qui lient l’homme et l’animal et à en mesurer les conséquences pour le devenir de l’élevage, de l’alimentation et de la recherche médicale. Un débat complexe mêlant des notions de souffrance et de plaisir, d’éthique, de statut de l’animal, de modèles alimentaires...

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Accéder à toutes les Publications : L’agriculture et les bioénergies.
Depuis 2005, la Mission Agrobiosciences a participé à plusieurs manifestations (et a organisé des débats) sur le thème des bioénergies et de ses enjeux pour le futur de l’agriculture. Le magazine Web « Agrobiosciences » permet d’accéder à leurs contenus et de disposer d’éléments d’éclairage sur les possibilités, les limites, les solutions alternatives. L’ensemble réunit les analyses d’acteurs des filières industrielles et agricoles ainsi que des chercheurs tant dans le domaine de l’économie que de la chimie. (Septembre 2006)

Accéder à toutes publications Histoires de... »- Des conférences-débats, articles et chroniques. Ces publications « Histoire de... » de la Mission Agrobiosciences concernent la science, l’agriculture, l’alimentation et leurs rapports avec la société. Des regards sur l’histoire, pour mieux saisir les objets dont on parle et l’origine technique et humaine des « produits » contemporains. Editées par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences.

Accéder à toutes les publications. Sur l’eau et ses enjeux Pour mieux comprendre les enjeux locaux et mondiaux et les turbulences qui agitent les acteurs de l’eau
Au cours de forums, de tables rondes et de conférences, de revues de presse et de sélections d’ouvrages, la Mission Agrobiosciences cherche à décrypter les enjeux mondiaux et locaux qui agitent le monde de l’eau : de la simple goutte perlant au robinet aux projets de grands barrages, d’irrigations en terres sèches... les turbulences scientifiques, techniques, médiatiques et politiques du précieux liquide.

Accéder à toutes les Publications : Sciences-Société-Décision Publique- Une « expérience pilote » d’échanges transdisciplinaires pour éclairer les enjeux, mieux raisonner, par l’échange, les situations de blocages en « Science et Société », instruire les débats en cours, clarifier des enjeux scientifiques et sociétaux des avancées de la recherche, participer à l’éclairage de la décision publique et proposer des réflexions et des objets de recherche à la science. Edités par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences.

Accéder à toutes les Publications : Science et Lycéens- Des conférences de scientifiques de haut niveau et des débats avec les lycéens exprimées dans le cadre « L’Université des Lycéens » une expérience pilote pour lutter contre la désaffection des jeunes pour les carrières scientifiques. Ces publications constituent un outil pédagogique « vivant » qui favorise une lecture agréable et une approche « culturelle » de la complexité de la science. Edités par le Magazine Web de la Mission Agrobiosciences

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SESAME Sciences et société, alimentation, mondes agricole et environnement
BORDERLINE, LE PODCAST Une coproduction de la MAA-INRAE et du Quai des Savoirs

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