L’agriculture paysanne est un modèle de production nécessité par
l’auto-consommation
À lire l’ensemble des interventions, il me semble que les auteurs se font une idée erronée de la nature de l’ « agriculture paysanne », comme si elle était un modèle « naturel » en quelque sorte, et qu’il faudrait tenter de retrouver. C’est évidemment faux.
L’agriculture paysanne n’existe plus chez nous depuis 50 ans. Elle était un modèle de production adaptée à la « société paysanne », avec une « économie domestique » selon Henri Mendras, où l’on produisait ce que l’on consommait. En conséquence, la production se devait d’être diversifiée pour répondre à l’ensemble des besoins des familles ; des familles, car il s’agissait de l’auto-consommation des familles de paysans.
Aujourd’hui et depuis 50 ans, on ne produit plus pour auto-consommer.
L’agriculture paysanne n’existe donc plus.
Bien-sûr, elle produisait aussi pour nourrir les villes, mais la « diversité » de la production agricole était bien nécessitée par l’auto-consommation, car sinon, elle se serait spécialisée et aurait perdu sa diversité.
C’est à dire que la nature du modèle de production est déterminée par sa
destination : si on auto-consomme ce que l’on produit, il faut évidemment diversifier sa production ; si l’on produit pour le marché, il faut se spécialiser pour améliorer notre productivité et notre compétitivité.
Ce qui nous reste de l’agriculture paysanne, c’est un souvenir. Et un souvenir d’une agriculture diversifiée dont on aurait bien besoin aujourd’hui.
Alors que l’agriculture paysanne était diversifiée pour l’auto-consommation des paysans, pourtant, ces paysans avaient une alimentation très peu variée, chaque région ayant ses propres habitudes alimentaires. En comparaison, celle des consommateurs d’aujourd’hui est infiniment plus variée, et elle produite par des producteurs agricoles de plus en plus spécialisés !
Ce qu’il faudrait maîtriser pour pouvoir décider de la nature de l’agriculture, c’est la destination de cette production agricole vers les consommateurs, c’est à dire la distribution.
Dans ma réponse-contribution au livre « L’intelligence est dans le pré », j’avais déjà noté l’absence des coopératives agricoles dans le livre. Ici encore, l’absence de ces coopératives dans le rapport aux consommateurs est flagrant : elles se sont toujours occupées de la production, de l’aide aux agriculteurs pour produire, pour organiser la production afin de la livrer aux différents systèmes de distribution... mais jamais elles n’ont conçu d’assurer elles-mêmes cette « distribution » ; elles auraient peut-être pu ainsi rapprocher les consommateurs de la « problématique » agricole, de ses nécessités propres.
La question est grave car le modèle actuel de la grande distribution détermine le modèle de production agricole intensif et productiviste. Or, ce modèle n’est plus viable à terme, pour la terre, pour sa fertilité, et la diversité écologique beaucoup plus que pour les consommateurs.
Jean-Pierre Bernajuzan, agriculteur à la retraite
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