17/07/2015
Contribution aux Controverses européennes de Marciac 2015 (17 juillet 2015)
Mots-clés: Modèles

Coexistence : Peut-on vivre ensemble avec deux modèles agricoles ?

Une contribution aux Controverses européennes de Marciac (28 et 29 juillet 2015 sur le thème de la coexistence) comme un coup de gueule ! De l’accord transatlantique au bio espagnol, en passant par la grande distribution et le gaspillage, Catherine Morzelle tire à tout va un fil économique cinglant, alertant sur la répartition du marché entre puissants économiques.
Lire ci-dessous la contribution de Catherine Morzelle et accéder aux autres contributions filmées et écrites...

Peut-on vivre ensemble avec deux modèles agricoles ?

Je voudrais proposer quelques observations économiques pour ma contribution.

Si je raisonne par les débouchés,
j’observe que l’agriculture nourrit les humains et les bêtes, à la fois sur le plan nutritionnel et celui de la santé. Il existe deux marchés de débouchés pour les deux. Le marché croît de plus en plus et nous produisons déjà de quoi nourrir 9 milliards d’humains. Soit l’objectif annoncé pour demain comme inaccessible avec le modèle d’aujourd’hui… Cherchez l’erreur ! Le modèle d’exploitation de notre production agricole est tel que nous "perdons" la moitié de la production tout le long de la chaîne de production pendant la culture, la récolte et dans les frigos des matières transformées. Le problème est donc celui du modèle d’économie du gaspillage.

Deux modèles de production agricoles : l’un intensif, l’autre extensif.
Le raisonné devient le nouveau vocabulaire politiquement correct pour cacher des intrants stérilisants et médicamenteux et des cultures végétales intensives et forcées.
Le modèle extensif avec un traitement plus naturel et l’appui des insectes serait plus protecteur de la santé par la qualité des produits vendus. Le modèle bio découle de cette approche nutritive des aliments !

La cohabitation est-elle un problème sur le plan économique ? Quel est le fond du problème ?
Y-a-t-il parmi les acteurs de cette concurrence, l’un des deux qui n’aimerait pas que l’on regarde ce qu’il fait ou bien que l’on compare la qualité de ce qu’il produit ? Un Monopole en économie n’a de règles que les siennes. Il établit son prix et impose sa qualité. Les consommateurs sont ses vaches à lait, si je puis dire ! Les Etats suivront. Le chantage de la délocalisation marche ! (cf rupture de livraison si on n’accepte pas telle évolution dans cinq ans…). Dans les accords entre Etats, ce n’est pas le jour qui compte le plus, c’est demain ! A-t-on gardé des marges de pouvoir et d’autonomie pour négocier ? Il y a un facteur d’intérêt à éliminer l’un des secteurs de production. Les laboratoires ont aussi un intérêt à défendre leurs débouchés économiques pour leur survie, Ils sont entre deux feux.

Les agriculteurs sont dispersés et des intérêts économiques de moyen-terme se posent-ils ?
En Espagne, les agriculteurs ont passé 100 millions d’hectares maraîchers et céréaliers en culture biologique, depuis 10 ans. Ils sont en train d’épuiser l’eau de toute l’Espagne qui a peu de réserves. Avec un million d’hectares de bio, les Espagnols couvrent leur demande intérieure. Les 99 millions restants sont vendus à l’exportation.
Autre cas. Les champs et les terres mises à disposition par le Gouvernement marocain permettent de cultiver du bio local, sous serres, par milliers d’hectares destinés à l’Europe pour Carrefour et les grandes et moyennes surfaces (GMS). Ces cultures sont labellisées bio par l’Union européenne. Les marges sont mirifiques pour la GMS quand le bio est vendu au prix fort sur les étals de l’U.E. La GMS va mal mais elle est une source de revenus pour l’Etat français qui a des actions Carrefour et d’autres. Il y a donc là des intérêts à moyen terme pour récupérer des terres à exploiter plus tard, après cinq ans de pause. En bio cette fois ! Avez-vous compris la démarche de reprise ?

Les relations économiques en négociations internationales
Il y aurait bien une autre stratégie économique pour éliminer la concurrence. Dans le TAFTA [1], les Américains savent que les Français sont champions de la nourriture. S’il y a comparaison, ils ne réussiront pas leur prise du marché ! La GMS s’engouffre dans la brèche, prépare ses marges de demain. Avec l’aide des institutions… Ce sera une décision collective des populations intéressées, consommateurs et agriculteurs. Le modèle traditionnel est basé sur l’humain et la proximité des bouches à nourrir, pour vivre bien. Ne vous en déplaise, le modèle des grands propriétaires terriens est de retour avec des investisseurs qui ont, pour moyen, le bourrage de crânes sur la pénurie alimentaire et le dénigrement du modèle traditionnel. Arrêtez la télé vous irez bien, vous pourrez penser et agir mieux, coupez avec l’outil marketing du marché ! Ce marketing qui joue la panique vers des gens ignorants, afin d’hausser les marges, mais pas la production. Et éliminer la concurrence que vous représentez.

De la répartition du marché entre puissants économiques
Les gens sont sincères et n’imaginent pas tout ce que la production industrielle peut faire pour gagner de l’argent. Je rappelle que la partition entre les géants de l’alimentaire s’est faite dans les années 70. Les grosses entreprises US ont pris l’alimentaire ; les géants européens ont prix l’eau. Nous sommes dans une souricière. Que faire ?
Aujourd’hui, on nous parle normes, mais il s’agit en réalité de part de marchés, de marges, de concurrence, de domination exclusive pour empêcher la concurrence traditionnelle de qualité de proposer une offre alternative.

Par la main de la Commission nous pouvons décider de notre avenir collectif.
Que faire quand la Commission européenne dit aux agriculteurs qu’ils seront payés sans produire ?
Accepter le défi de la concurrence avec les producteurs U.S. ? Ne faire aucun complexe ! Prendre le risque que les consommateurs US aiment ce que vous produisez en France ? L’enjeu de la discussion est de ne pas envoyer aux US de produits français. C’est la loi de l’économie. Gardez votre terre et travaillez les produits. La Commission devra les intégrer dans la discussion du TAFTA.
Partez gagnant, succès garanti ! Et si les Us ont peur de perdre, alors pas de TAFTA !

Contribution de Catherine Morzelle

Retrouvez les contributions filmées sur AgrobiosciencesTV

Sur le thème « Nouveaux résidents et agriculteurs : la grande brouille ?

  • "On évite de travailler le week-end", par Roger Beziat. Cet agriculteur met en évidence la nécessité du dialogue et du partage pour redéfinir un espace commun, au sein duquel chacun trouve son compte.
  • Une coexistence de tranchée, par Michèle Gascoin, agricultrice et ancien maire de Cobonne (Drôme).
    Sur le thème : Afrique, Le modèle paysan survivra-t-il à l’agribusiness ?- -Jean-Christophe DEBAR, Farm.

Et les contributions écrites :

Télécharger le programme détaillé et le bulletin d’inscription (document interactif) des 21èmes Controverses européennes de Marciac



Par Catherine Morzelle, Aramip (Association Aragon-Midi-Pyrénées)

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[1Traité de libre-échange transatlantique (TAFTA en anglais) : accord commercial en cours de négociation entre l’Union européenne et les Etats-Unis prévoyant la création d’une zone de libre-échange transatlantique couramment nommée grand marché transatlantique


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