11/09/2003
Rome. 31 août 2003
Nature du document: Chroniques

4ème table ronde de la Fédération européenne de zootechnie.

Le secteur de la production se fait du souci quant aux évolutions des consommateurs. Il veut savoir quelles sont les grandes tendances. Mais pour certains analystes, les consommateurs sont devenus imprévisibles, sinon même introuvables ! C’était le sujet de cette table ronde organisée et animée à Rome avec le concours de la Mission d’Animation des Agrobiosciences.

Il est indispensable de mieux comprendre les consommateurs puisque ce sont eux qui désormais commandent ce qu’il faut produire : tel est le nouveau credo qui s’accompagne d’un appel aux analyses des nouveaux gourous que sont les sociologues de l’alimentation. Dit d’une autre manière : autrefois les filières agroalimentaires étaient conçues « de la fourche à la fourchette », il faut aujourd’hui les raisonner « de la fourchette à la fourche ». Un renversement complet de perspective qui conduit à mettre le zoom sur les consommateurs. « Changing consumers... Changing the animal production sector ? », tel était le sujet de la Table Ronde organisée dans le cadre de la 54ème Réunion Annuelle de la Fédération Européenne de Zootechnie. (1)

Peut-on d’abord décrire les grandes évolutions à l’œuvre ? Pour Martine Padilla (Institut Agronomique Méditerranéen de Montpellier), l’évolution de l’activité des femmes est un facteur important d’évolution dans les pays méditerranéens du sud et du proche-orient. Ceci explique l’accroissement de la consommation en faveur des viandes blanches, c’est-à-dire les volailles, qui ont pour avantage « leur grande facilité de préparation malgré leur image négative par rapport aux viandes rouges dont la consommation diminue en relation avec la diminution des manifestations festives ». Catherine Rodgers (Institute of Food Research), connaît bien ce qui se passe dans les pays industrialisés et plus particulièrement au Royaume-Uni. Plus question là d’évoquer la cuisine familiale. Elle pointe : « le changement des conditions de prise des repas, notamment sur les lieux de travail, la perte de savoir-faire en matière de cuisine, la part croissante des plats tous préparés... Comment voulez-vous manger un plat chaud avec une bonne sauce, tout en continuant à envoyer des mails en pianotant sur un clavier d’ordinateur ? ». Leo Bertozzi, qui dirige le Consortium du fromage Parmegiano Reggiano, insiste sur « l’intérêt croissant en Italie pour les produits bénéficiant d’une appellation d’origine, alors que la concentration des opérateurs économiques au long de la chaîne alimentaire, depuis la production jusqu’à la distribution, s’accompagne du phénomène de la standardisation de l’offre ». Les produits de qualité, c’est la chance de l’agriculture italienne car, selon lui : « L’élevage italien ne pouvant satisfaire l’ensemble des besoins de consommation de masse, la cible majeure est celle des produits de qualité, avec l’enjeu alors important qui est celui des produits spécifiques bénéficiant de la garantie de leurs origines géographiques. »

Sécuriser leur développement, c’est le souci premier des filières agroalimentaires. Mais la seule connaissance de ces tendances n’est pas suffisante, car explique Catherine Rodgers, les crises ont eu un impact majeur : « En Grande-Bretagne, l’année 96 fut l’année au cours de laquelle le lien entre l’aliment (et pas uniquement la viande) et les consommateurs a été irrévocablement rompu ! C’est pourquoi, aujourd’hui, les réponses des consommateur ne sont pas prévisibles ! ». Et ces crises ont des conséquences destructrices sur les filières de production. Pourquoi en est-on arrivé là ? Les membres du panel sont unanimes : « C’est à cause de l’éloignement entre le producteur et le consommateur ». « Cependant, ce n’est pas seulement un éloignement physique » commente Vittorio Camazza, Directeur du Département d’Assurance Qualité du groupe de distribution « Coop Italia », « c’est aussi une perte d’information sur les conditions de productions qui était autrefois facilement communicable en rapport avec les traditions locales ».

Mais alors qui sont les consommateurs ? Pour Catherine Rodgers, il faut distinguer « les consommateurs « activistes » et les consommateurs « réels », car leur comportement n’est pas le même ! ». En quelque sorte, elle nous dit : « si vous voulez vendre, n’écoutez pas ceux qui parlent le plus fort ! ». Un jugement qui sera évidemment contesté par ceux qu’elles appellent « activistes », qui se donnent pour mission de sonner l’alerte aux autres. Mais Vittorio Ramazza confirme que du point de vue de la grande distribution en Italie, « la prise en considération de l’impact des conditions de production sur l’environnement et des conditions de bien-être animal, ne représente, jusqu’à présent, qu’une demande faite seulement par un nombre réduite de consommateurs. »

Alors, peut-on hiérarchiser les critères de choix des consommateurs ? De quoi s’agit-il ? : du prix, de la valeur nutritionnelle, de la sécurité sanitaire, de la traçabilité, du respect de l’environnement, du bien-être animal, des produits de l’agriculture biologique, des labels de qualité ?... Vittorio Ramazza explique que son groupe fait le choix de satisfaire simultanément : « la diversification de la demande, les garanties sanitaires, la traçabilité, les conditions d’alimentation, l’agriculture biologique. » Pour Catherine Rodgers, toutes ces valeurs coexistent chez le même consommateur : « Vouloir comprendre ce que sont les priorités des consommateurs, c’est comme si l’on épluchait un oignon, avec toutes ses couches successives : toutes les couches existent, seulement avec des épaisseurs différentes selon les catégories de consommateurs... ». Vous avez dit « oignon » ! Alors, comprendre les consommateurs peut-il faire pleurer le secteur des productions animales ?

Introuvables consommateurs.

(1) Table Ronde animée par Jean-Claude Flamant, directeur de la Mission d’animation des agrobiosciences, avec le concours de Roberto Chizzolini, Université de Parme.

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