06/10/2025
Revue de presse du 6 octobre 2025
Nature du document: Revue de presse
Mots-clés: Consommation , Crises , Elevage , Normes

« Chasse aux vaches » et abattoirs en sursis

Pris entre le marteau des vidéos animalistes et l’enclume des réglementations sanitaires, les petits abattoirs peinent à recruter alors que les éleveurs redoutent une « invasion » de viande brésilienne à la suite de l’accord commercial de l’union européenne avec le Mercosur.

Le sort de l’abattoir de Bazas (Gironde) se joue le 8 octobre 2025 devant le tribunal de commerce de Bordeaux. Les comptes de la société d’économie mixte (Semop) qui gère cet équipement public sont plombés par une dette cumulée de plus de 2 millions d’euros, rapporte Ici Gironde. La communauté de communes aurait toutefois accepté d’effacer une partie de l’ardoise pour tenter de sauver cet outil, « symbole de la capitale des Boeufs Gras », annonce Le Républicain. Le rédacteur en chef de cet hebdomadaire local explique que des éleveurs locaux ont proposé de créer une coopérative pour reprendre la gestion de cet abattoir multi-espèces, en réponse à un appel de la Confédération Paysanne. La fermeture définitive de l’abattoir serait « une catastrophe » pour le territoire du sud Gironde et pour les éleveurs, expose un reportage sur place de TV7. La télévision locale du quotidien régional Sud Ouest précise que l’abattoir est en redressement judiciaire depuis un an et demi. Il a déjà été contraint de fermer ses portes « pour des raisons techniques » en septembre 2025. Une éleveuse de Bazas raconte qu’elle est obligée de se rendre jusqu’à Bergerac (Dordogne). Myriam Carraz témoigne aussi dans Le Figaro, qui la présente comme « l’une des figures de proue du mouvement collectif pour sauver l’abattoir ». « Il est important que les Français sachent que la souveraineté alimentaire commence ici », affirme l’éleveuse. Elle bénéficie du soutien d’Isabelle Dexpert, maire (PS) de Bazas. L’élue - qui est aussi conseillère départementale - assure à la correspondante du Figaro qu’elle entend aider les éleveurs à vendre « en circuit court » mais constate que la consommation de viande (bovine) baisse en France.

« Manque de personnel » (et concurrences départementales)

Outre les menaces sur la filière à Bazas, un autre outil de proximité a été contraint de fermer en Dordogne. L’abattoir d’Eymet a cessé toute activité « pour au moins deux semaines » fin septembre 2025, et cela « faute de personnel disponible », signale Sud Ouest. Le quotidien régional rapporte l’inquiétude d’un couple d’éleveurs de « vaches bordelaises » et d’agneaux du Lot-et-Garonne. Les producteurs de l’ouest du département sont contraints de faire des kilomètres supplémentaires en bétaillère en direction de Villeneuve-sur-Lot (47) ou Bègles (33), engendrant stress pour le bétail et surcoûts financiers, souligne le journaliste. L’article en ligne renvoie vers les pages locales de l’édition de Dordogne publiées en septembre. On y apprend que là encore, c’est la Confédération Paysanne qui a sonné l’alerte. Deux des trois « salariés chargés de l’abattage des animaux » de l’abattoir seraient « en arrêt maladie », mais le maire de la commune explique que le gestionnaire veut aussi profiter de cette cessation temporaire d’activité pour réaliser « quelques travaux d’aménagement ».

La préfecture a donné son feu vert pour une reprise partielle et progressive d’activité de l’abattoir d’Eymet à compter du 16 octobre, annonce La Dordogne Libre. Le quotidien départemental détaille « le plan d’investissement qui court jusqu’à la fin de l’année » que le maire de la commune, Jérôme Bétaille (DVG), a présenté pour mettre l’abattoir en conformité. L’élu - qui est aussi conseiller départemental - ne cache pas que cette réouverture « est notamment possible grâce à la fermeture de l’abattoir de Bazas qui nous permet d’avoir plus de volume ». Le montant de l’investissement annoncé à Eymet s’élève à 100.000€, pris en charge par la commune, le conseil départemental et l’État, précise Ici Périgord. La radio locale signale enfin que deux nouveaux salariés ont accepté de quitter leurs emplois actuels (non précisés) pour venir travailler sur la chaîne d’abattage à compter du mois de novembre, quatre jours par semaine.

« Manque de vaches » (et concurrence européenne et mondiale)

Si les malheurs de Bazas peuvent faire le bonheur d’Eymet, la concurrence est aussi vive à l’échelle nationale et européenne, voire mondiale. « Les abattoirs fonctionnent en flux tendu, avec une logistique de plus en plus compliquée à assurer », observe un article (non signé) publié sur le site professionnel Plein Champ qui évoque « les grandes manœuvres autour du pôle approvisionnement dans un paysage de déficit chronique de marchandise ». Rédigé par Acti-Ouest - une agence spécialisée dans l’analyse du marché de la viande basée en Anjou (Maine-et-Loire) - l’article évoque une « chasse aux vaches » qui profiterait aux éleveurs, avec des prix de kilo/carcasse à la hausse, tant pour les races à viande type Charolaises que pour les vaches laitières de réforme.

« Les pièces bouchères vont-elles devenir un produit de luxe réservée à une élite », demande Alain Chupin, qui prend pour baromètre le prix de la bavette importée sur le marché de Rungis (15€/kilo) ? Dans Ouest France, l’analyste d’Acti-Ouest observe que l’Union Européenne a augmenté ses importations « malgré la très forte mobilisation des éleveurs » contre le traité avec les pays du Mercosur. Les taxes pour les pièces de viande « hors quota » ne constituent pas un « frein pour des produits à fortes valeurs ajoutés comme les aloyaux », constate ce spécialiste du marché. En dépit de l’arrivée dans les ports de la viande brésilienne désossée, réfrigérée ou congelée, Alain Chupin ne semble guère redouter une concurrence comparable à celles des agneaux néo-zélandais. Dans cette « guerre commerciale » de la bavette et du steak haché qualifiée de « féroce » à l’échelle mondiale, il assure que les jeunes générations mangeront toujours de la viande française, grâce à « une culture culinaire forte ». En burgers ou en entrecôte à la bordelaise ?

Par Stéphane Thépot, journaliste

Mot-clé Nature du document
A la une
BORDERLINE, LE PODCAST

Les limites en débat dans les champs des sciences et du vivant.

BorderLine est une série de podcasts gratuits coproduit par le Quai des Savoirs et la Mission Agrobiosciences-INRAE.

Dernier épisode : Sécheresse, comment fixer la ligne de partage des eaux ?

Voir le site
Top