11/03/2025
[BorderLine] Végétalisation de l’alimentation : à l’aube de nouveaux régimes ?
Nature du document: Contributions

"Végétaliser ou optimiser l’alimentation ?"

A qui s’adressent, aujourd’hui, les discours et les recommandations sur la végétalisation de l’alimentation en France ? C’est la question que pose Michel Busch, délégué à la biodiversité au sein de la confédération paysanne. Dans cette contribution, il s’interroge, de manière critique, sur une tendance de consommation qu’il juge destinée à une frange minime de la population, à l’heure où beaucoup de mangeurs n’ont guère le choix de ce qu’ils consomment. Non sans proposer quelques pistes pour y remédier...
Une réflexion qui s’inscrit dans le cadre de l’appel à contributions ouvert à toutes et tous, lancé par la Mission Agrobiosciences-INRAE, pour préparer la rencontre BorderLine du jeudi 20 mars 2025, sur la végétalisation de l’alimentation.

Que vous suggère, d’emblée, l’expression « végétalisation de l’alimentation » ?

Il faut d’abord rappeler que l’alimentation usuelle, française, mais aussi dans la plupart des pays du monde est très végétale. Les glucides sont censés représenter 50 à 55 % de nos besoins caloriques ; les protéines 10 ou 20 % selon les circonstances.
Parler de végétalisation, sous-entend peut-être de réduire la part de la viande dans l’alimentation. Est-ce bien utile quand on se souvient que l’engouement en France pour la viande est ancien, et que la consommation régulière de viande est devenue réalisable depuis 50 ans, pour l’ensemble de la population. Elle est, par ailleurs, en recul depuis 20 ans pour la viande rouge.
Peut-on en attendre un effet de transformation des habitudes alimentaires ? Ou est-ce plutôt un clin d’œil à la petite proportion de Français qui revendiquent déjà de manger autrement que la population de base, alors que les Français, dépendants des Banques alimentaires, toujours plus nombreux, mangent les invendus pas forcément sains qu’on leur impose de manger.

Selon vous, cette notion comporte-t-elle des points aveugles, des éléments sous-estimés ou rarement abordés dans les débats ?

La tendance mondiale est à l’augmentation de la consommation de viande, reflet occidentalisé de la prospérité, et c’est certainement une nouvelle médiocre pour la santé des humains et de la planète. L’esprit inventif des humains cherche même à fabriquer de la viande, en plus, par culture cellulaire. Cela montre que c’est l’augmentation globale de consommation d’aliment qui pose problème, qu’elle soit d’origine végétale ou animale.

La nécessité de nourrir les terriens, 8 à 9 milliards en 2050, n’est pas la première ambition de l’agriculture industrielle, qui laisse actuellement, à l’échelle de la planète, 800 millions de mal nourris mais fabrique du carburant avec des produits qui pourraient être alimentaires. Les gains de surface agricole vont se limiter rapidement, les gains de productivité sont derrière nous, et les dégâts pour la planète sont énormes. La seule alternative crédible est de confier cette mission à de petites fermes, dont la production alimentaire à l’hectare est 2 à 4 fois plus importante que les grandes fermes industrielles (source FAO).
Il faut davantage protéger les petites fermes, qui ne touchent aucune aide des Etats, et conserver un élevage de taille adaptée, qui valorise en particulier les terres non cultivables et équilibre le fonctionnement des fermes. L’interdiction des usines à viande, responsables de mal être animal, d’atteinte à l’environnement, et nécessitant une importation massive de produits végétaux paraît être la solution la plus raisonnable.

"Faire appel au sentiment de responsabilité pour réduire l’excès de viande consommée est une démarche adressée aux quelques Français déjà sensibilisés à ces questions".

Se centrer sur l’intérêt d’une alimentation essentiellement végétale, qui dans les mains des multinationales devient extrêmement polluante, ne semble pas apporter d’orientation soutenable pour la santé de la planète et des humains. Il paraît plus intéressant de parler d’atteindre, grâce aux pouvoirs publics, une « alimentation optimum », respectant la planète, la condition animale, la dignité du paysan, en diminuant la part des produits transformés industriels à base de produits animaux de basse qualité importés, de graisse végétale, de sucre, imposés par les publicités. Est-ce que les publicités ne seraient pas une des sources réelles de l’obésité, de maladie cardiovasculaire et de cancer ?

Faire appel au sentiment de responsabilité pour réduire l’excès de viande consommée est une démarche adressée aux quelques Français déjà sensibilisés à ces questions. Pour la grande majorité de la population, tendre vers un régime alimentaire équilibré et varié sera une conséquence de la promotion d’une agriculture de qualité, livrant des végétaux et des produits d’origine animale, sains, dans un équilibre favorable à la santé. La mise en place d’« une sécurité sociale alimentaire » semble susceptible d’apporter une réponse adaptée, à même de garantir aux agriculteurs la reconnaissance de la qualité de leur travail, et aux consommateurs une alimentation conforme à leurs besoins, à des prix accessibles.

Donner les moyens à l’agriculture de bien nous nourrir tous et toutes est fondamental. Laisser la loi du profit décider de ce qu’on doit cultiver, de ce qu’on doit manger, ne peut nous mener ni vers une agriculture favorable à la vie de la planète, ni vers une alimentation saine, même si elle est végétale.


Rendez-vous le jeudi 20 mars 2025, de 18h00 à 20H00,
Agora du Quai des Savoirs (39 All. Jules Guesde, 31000 Toulouse).
Gratuit et ouvert à tous les publics sur inscription (recommandée)

S’INSCRIRE : https://sondages.inrae.fr/index.php/661445?newtest=Y&lang=fr


Vous aussi, alimentez le débat
Spécialistes du sujet comme néophytes, répondez aux deux questions :

1/ Que vous suggère, d’emblée, l’expression « végétalisation de l’alimentation » ? Pouvez-vous en donner une définition ?
2/ Selon vous, cette notion comporte-t-elle des points aveugles, des éléments sous-estimés ou rarement abordés dans les débats ?

Envoyez-nous vos contributions d’ici le 10 mars 2025 en une page maximum (4000 signes max) à mission-agrobiosciences[arobase]inrae.fr .
Après validation, celle-ci sera publiée sur le magazine Web de la Mission Agrobiosciences-INRAE.

Retrouvez en bas de cette page, d’autres réponses à l’appel à contributions.

Contribution de Michel Busch, confédération paysanne

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