« Végétaliser l’alimentation, c’est reconstruire un modèle plus économe et plus sain »

Dans le cadre de la prochaine rencontre du cycle BorderLine, consacrée à la notion de végétalisation de l’alimentation, la Mission Agrobiosciences-INRAE lance en amont de celle-ci un appel à contributions. Objectif : identifier des points aveugles ou méconnus de ce sujet et ainsi nourrir les futurs échanges. Nouvel acteur à répondre à cet appel, l’AVF (Association Végétarienne de France) qui entend " stimuler et accompagner la transition individuelle et collective vers l’alimentation végétale". Ou comme le détaille son président Mathieu Nollet, "notre assiette change le monde".
Que vous suggère, d’emblée, l’expression « végétalisation de l’alimentation » ?
Mathieu Nollet : Une réduction importante de la consommation de viande et une réintégration des légumineuses dans l’alimentation. La découverte de nouvelles possibilités culinaires et gustatives. La cohérence écologique, éthique et sanitaire.
L’alimentation actuelle est basée sur les produits animaux - ce n’est pas si ancien : ces habitudes correspondent à l’industrialisation de l’agriculture menée après la dernière guerre mondiale. Végétaliser l’alimentation, c’est reconstruire un modèle plus économe et plus sain, fondé sur les produits végétaux. Il s’agit donc d’un changement de paradigme, qui touche aussi bien aux modes de production, aux circuits de distribution, à la préparation des denrées, aux politiques publiques (santé, agriculture), et à la culture des citoyens.
Pouvez-vous donner une définition de la végétalisation et l’utilisez-vous à l’AVF ?
Il s’agit de faire des produits végétaux l’essentiel de notre alimentation. Ce qui induit mécaniquement une baisse substantielle de la production et de la consommation de produits d’origine animale.
Ce terme est central pour l’AVF puisque notre mission est précisément d’accompagner les Français et les Françaises dans cette transition de notre modèle agro-alimentaire, individuellement et collectivement, en actionnant tous les leviers de la production, de la commercialisation et de la consommation.
"Comme pour les questions écologiques, dont l’alimentation est une composante sous-estimée, la tendance est de faire porter l’effort sur les individus, alors que tout le contexte rend les gestes vertueux coûteux et les entrave".
Selon vous, cette notion comporte-t-elle des points aveugles, des éléments sous-estimés ou rarement abordés dans les débats ?
Un point majeur absent des débats est l’importance cruciale des politiques publiques et du rôle des États dans cette question : comme pour les questions écologiques, dont l’alimentation est une composante sous-estimée, la tendance est de faire porter l’effort sur les individus, alors que tout le contexte rend les gestes vertueux coûteux et les entrave. Si on parle d’écologie “punitive”, si manger végétal est perçu comme une pratique difficile, c’est précisément par manque de responsabilité et de pragmatisme politique… et par le jeu d’intérêts financiers, dont les priorités consistent à maintenir des acquis, fussent-ils mis à mal à court terme.
D’autres points sont sous-estimés ou rarement abordés sur l’intérêt de la végétalisation de l’alimentation.
Tout d’abord elle permettrait une réduction des risques sanitaires liés aux élevages, notamment intensifs :
- En utilisant moins d’antibiotiques pour les animaux, le risque d’apparition de résistances bactériennes (une menace majeure selon l’OMS) diminuerait.
- En réduisant le nombre d’élevages « concentrationnaires » qui favorisent l’apparition de zoonoses pandémiques, dont certaines risquent de se transmettre aux humains (comme H5N1).
- En consommant moins d’espaces utilisés pour les animaux d’élevages ou pour cultiver leur nourriture, la perte d’habitats pour les animaux sauvages serait moindre et l’on réduirait le risque de voir apparaître de nouvelles maladies lorsque ces animaux sauvages se trouvent à proximité des élevages ou des habitations humaines.
Enfin, il s’agit d’un enjeu écologique majeur. Il est connu que l’élevage, et notamment l’élevage bovin, est un grand émetteur de gaz à effet de serre. Cependant, son ampleur réelle est toujours largement sous-estimée, la majorité des Français et des Françaises ne sachant pas que devenir végétarien est, de loin, le geste individuel le plus efficace à adopter pour réduire son impact carbone [1].
Les élevages étant de grands consommateurs d’espaces, ils sont la première cause de déforestation. Il serait possible de libérer de nombreuses terres en végétalisant notre alimentation, tout en diminuant les quantités de pesticides et d’engrais utilisés, et en permettant le reboisement (et donc la captation de CO2). Les pollutions de l’eau et de l’air par les effluents des élevages sont responsables de problèmes écologiques importants, par exemple les algues vertes en Bretagne et la pollution des eaux et de l’air. Pour ces raisons, l’élevage porte également une importante responsabilité dans l’érosion de la biodiversité.
Agora du Quai des Savoirs (39 All. Jules Guesde, 31000 Toulouse).
Gratuit et ouvert à tous les publics sur inscription (recommandée)
S’INSCRIRE : https://sondages.inrae.fr/index.php/661445?newtest=Y&lang=fr
Spécialistes du sujet comme néophytes, répondez aux deux questions :
1/ Que vous suggère, d’emblée, l’expression « végétalisation de l’alimentation » ? Pouvez-vous en donner une définition ?
2/ Selon vous, cette notion comporte-t-elle des points aveugles, des éléments sous-estimés ou rarement abordés dans les débats ?
Envoyez-nous vos contributions d’ici le 10 mars 2025 en une page maximum (4000 signes max) à mission-agrobiosciences[arobase]inrae.fr .
Après validation, celle-ci sera publiée sur le magazine Web de la Mission Agrobiosciences-INRAE.