05/10/2011
La revue de presse de la Mission Agrobiosciences, 5 octobre 2011.
Nature du document: Revue de presse

Très "chère" alimentation. Retour sur les projets de taxation des produits trop gras, trop sucrés ou trop salés

L’idée n’est pas nouvelle. Voilà plusieurs années que, périodiquement, revient sur la table le principe d’instaurer une taxe sur les produits dits nutritionnellement incorrects. Souvenez-vous, en septembre 2008, le ministre du budget français avait retoqué un projet de loi visant à porter de 5.5 à 19.6% la TVA, pour les aliments jugés trop gras, trop sucrés ou trop salés. Surnommée « taxe obésité », cette mesure devait permettre tout à la fois de freiner l’achat de ces produits et de renflouer les caisses de la sécu, au grand dam des industries agroalimentaires, farouchement opposées au projet.
En cette année 2011, l’idée refait surface et s’exporte. En France, on taxe les boissons sucrées ; au Danemark, les produits gras. Au sein de l’Union Européenne, d’autres Etats membres étudient la question. Panorama des mesures votées ou en cours de discussion au fil de cette revue de presse de la Mission Agrobiosciences.

Au nom de la santé ?
24 août 2011. Alors que la zone euro continue d’être secouée par la crise des dettes publiques, le gouvernement français se dote d’un plan de rigueur avec, pour objectif, économiser 11 milliards d’euros en 2012. Les mesures d’austérité sont diverses comme le rapporte, à ce moment là, un article du Figaro. Ce dernier explique notamment que, « avec le même argument de santé publique, une taxe « anti-obésité » sur les boissons sucrées sera instaurée l’an prochain [en 2012], au bénéfice de la Sécu. ». C’est donc avec les mêmes objectifs que le projet re-apparaît, suscitant d’ailleurs le même désaveux de la part des industries agroalimentaires [1].
Les produits concernés ? Les boissons qui contiennent des sucres ajoutés, typiquement les sodas. Oui, mais pas que… C’est, du moins, ce qu’affirme Europe 1, ce mercredi 5 octobre. Selon la radio, ces critères d’application auraient été élargis à « toutes les boissons au sucre comme aux édulcorants ». En clair, les sodas light et même « les eaux minérales et la bière sans alcool ». La radio explique ainsi que cet élargissement devrait rapporter non pas « 120 millions d’euros de recettes mais 370 millions », lesquels permettraient de financer une réduction des cotisations sociales des agriculteurs. Après avoir dans un premier temps démenti l’information, le ministère du budget a fait savoir que "le gouvernement français envisage de doubler la future taxe sur les sodas afin de financer des baisses de charges sociales dans l’agriculture mais exclut de l’élargir aux sodas "light"" (Reuters, 10h50 et 13h50).
Face aux possibles rebondissements de cette question [2], laissons-là cet aspect encore imprécis du dossier pour revenir sur une autre information, passée plus inaperçue. Car quel que soit, finalement, le domaine d’application de ladite taxe, il y une chose qui, elle, est clairement actée : ce n’est plus au nom de la santé publique que celle-ci sera instaurée. Ainsi, le Figaro rapporte que, suite aux protestations des industriels de l’agroalimentaire, le gouvernement a reculé sur ce point : « l’argument de santé publique justifiant la création d’une « taxe obésité » a disparu des textes de loi ». Sans préciser, de fait, pour quelle raison la taxe verrait le jour…

Taxer ou réduire : telle est la question
Du sucre, il en est également question aux Antilles, et toujours au nom de la lutte contre l’obésité. Reste que, dans le cas présent, la stratégie mise en place diffère.
Fin septembre, la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale adoptait une proposition de loi « interdisant, à compter du 1er janvier 2013, la vente outre-mer de produits alimentaires plus sucrés que ceux de marque similaire en métropole » (Les Echos, 28/09/2011). C’est que, pour une même marque, les produits alimentaires commercialisés aux Antilles sont plus sucrés que leurs homologues de métropole. Avec une teneur en sucres supérieure de près de 25% si l’on en croit les exemples cités - Yaourt des marques Danone et Yoplait - par le député et président du Conseil régional de Guadeloupe Victorien Lurel. Celui-ci explique qu’« un enfant ultra-marin consommant un yaourt par jour recevra 16 kilocalories de plus par jour qu’un enfant métropolitain, ce qui correspond sur cette simple consommation à une prise de poids supplémentaire de 0.5kg/an ». Précisons ici que la prévalence de l’obésité infantile en Guadeloupe et en Martinique est supérieure à celle en métropole - respectivement 25% et 18%. Autant de raisons à l’origine de ce projet de loi, qui doit être débattu à l’Assemblée nationale ce jeudi 6 octobre.
Mais pourquoi donc les produits alimentaires sont-ils plus sucrés aux Antilles qu’en métropole ? Ceux que la question titille pourront trouver des éléments de réponse à la lecture de 20 minutes et des explications données par Jean René Buisson, président de l’Association nationale des industries alimentaires (Ania). Brièvement, disons que la première raison tient à la « grande influence de l’alimentation nord américaine dans cette région ». D’une certaine manière, si les produits commercialisés aux Antilles sont plus sucrés qu’en métropole, c’est parce qu’ils s’alignent sur les teneurs en sucre des produits nord américains. Des produits apparemment bien implantés sur ce marché et appréciés des plus jeunes. La deuxième raison serait d’ordre technique. « Faute d’une filière laitière outre-mer et donc de lait frais sur place, les yaourts sont fabriqués à partir de poudre de lait. Et c’est le lactose contenu dans la poudre de lait qui "sucre naturellement" les yaourts ». Un problème que les industriels devront résoudre rapidement si le projet est adopté.

Taxe sur le gras : une mesure "couronnée" de succès ?
Si en France, taxer les produits jugés trop sucrés reste à l’état de projet, au Danemark, ce type de mesure est désormais entrée en vigueur. Le 1er octobre 2011,« le Danemark est devenu le premier pays au monde à introduire une taxe sur les graisses saturées » révèle le magazine Challenges. L’objectif – est-il utile de le rappeler ? - : réduire la consommation de graisses et « lutter contre l’obésité ». Concrètement, « le kilogramme de graisse saturée sera taxé 16 couronnes, soit 2.15€ ».
Le journal La Croix explique que la mesure concerne « les produits comprenant plus de 2.3% d’acides gras [saturés] » ce qui signifie qu’elle peut s’appliquer aussi bien aux plats cuisinés qu’aux denrées non transformées et de première nécessité – lait, beurre, certaines huiles, viandes, fromage. Que celles-ci soient de fabrication danoise ou pas.
Dans ce contexte, on comprend mieux pourquoi, en prévision des jours maigres, les danois ont opéré une véritable razzia de beurre, crème et autres pizzas dans les supermarchés.

Peut-être seront-ils bientôt rejoints par leurs voisins européens. Si l’on en croit Le Vif, en Belgique, la sénatrice Marleen Temmerman est sensible à l’action conduite au Danemark ; en Angleterre, le premier ministre David Cameron se pose lui aussi la question, indique le site Slate.fr. Le Parisien, quant à lui, indique que l’Ecosse comme l’Irlande réfléchissent, sur la base de ce qui serait introduit en France, à l’instauration d’une taxe sur les sodas (Ecosse) et les produits sucrés (Irlande). Même son de cloche en Hongrie avec la "taxe sur les chips" [3] récemment adoptée et fortement « controversée », précise le magazine Challenges. Les produits visés ? Les « biscuits salés ou sucrés, les boissons énergétiques et les gâteaux pré-emballés ». Des mesures auxquelles échappe pourtant une catégorie d’aliment. Le gouvernement hongrois « n’est toutefois pas allé jusqu’à taxer la charcuterie fortement consommée dans son pays ». Il y a certaines limites (culturelles) difficiles à franchir…

Revue de presse de la Mission Agrobiosciences, 5 octobre 2011.

Sources :

Le Figaro, Europe 1, Reuters, Challenges...

[1On se souvient peut-être que, suite à cette annonce, l’entreprise Coca-Cola avait menacé de suspendre ses investissements dans son usine des Bouches-du-Rhône, avant de se rétracter, évoquant une erreur de communication

[2Les titres et même certains contenus des articles publiés ce matin sur les sites d’Europe 1, du Figaro ou de Reuters ont tous été ré-actualisés dans l’après-midi.

[3Ou "taxe hamburger"


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