08/02/2011
Méditerranée. 7 février 2011
Nature du document: Entretiens

#Printemps arabe. Les révoltes au sud de la Méditerranée au prisme de la sécurité alimentaire.

Sébastien Abis, analyste politique, a bien voulu accorder un entretien à la Mission Agrobiosciences. Il analyse pour nous l’onde de choc provoquée par la "révolution tunisienne" et l’interroge au travers de la sécurité alimentaire. Poursuivant la réflexion il réexamine la place de la politique européenne, le rôle de la France et esquisse un bilan d’étape de l’Union pour la Méditerranée. La sécurité alimentaire une question déterminante pour d’éventuelles démocraties.

Mission Agrobiosciences  : A propos de la « révolution tunisienne », on évoque de possibles contagions. On voit ce qui se déroule en Egypte aujourd’hui ; la Jordanie est en train de s’embraser, il y a des manifestations au Yémen. Comment observez-vous tout cela ?

Sébastien Abis : On a tous été surpris par la rapidité des évènements en Tunisie et du mouvement qui s’en est suivi. Les événements en Tunisie ont eu un impact certain sur l’ensemble de la région arabe. Les dirigeants ont d’ailleurs pris soin de ne pas commenter officiellement ces faits en Tunisie alors que la population, elle, ne parlait que de cela. Nouvelle illustration du divorce grandissant entre les élites et les sociétés dans ces pays. Ce n’est pas une découverte, le problème est connu.
On pouvait à tort penser que comme les leaders et les régimes dans la région étaient les mêmes depuis des années, les sociétés de ces pays n’avaient pas évolué. Or le statu quo politique contrastait fortement avec une évolution sociétale extrêmement rapide qui était le fruit du changement démographique, de l’éducation, de l’émancipation des femmes, de la hausse du pouvoir d’achat, de l’arrivée des technologies de communication comme Internet et du rôle surprenant joué par Facebook ces derniers mois. Par ailleurs, quand on observe la situation depuis plusieurs années, ce sur quoi les experts s’accordaient, notamment sur la question de l’emploi, c’est la distorsion entre les jeunes diplômés et les conditions d’emploi qui ne correspondaient pas à leur formation, les vulnérabilités liées à la vie chère lorsque les denrées alimentaires augmentent, les frustrations territoriales entre les villes que l’on a modernisées, branchées sur la mondialisation et les zones rurales laissées pour le plus souvent à l’abandon.
Ces pays, pour la plupart, se sont fortement ouverts sur la mondialisation et sont entrés économiquement dans le système libéral, mais sans avancer sur le terrain des réformes politiques. Or leurs populations aspirent à plus de libertés, à des changements, quand précisément les retombées de la croissance économique s’essoufflent (effets indirects mais réels de la crise financière internationale). Les autorités ne pourront plus garantir la paix sociale par le seul accès à la consommation sur le terrain économique. En Tunisie, la fameuse classe moyenne s’est fissurée au cours des dernières années, les écarts de richesse et de droit se sont ainsi accentués. La marmite où mijotaient frustrations sociales, économiques et politiques a explosé :
en 23 jours, un système est tombé après 23 années de pouvoir.
Ce scénario tunisien a donné des idées et surtout du courage aux populations de certains pays voisins. Les Tunisiens éprouvent une grande fierté car ils ont su renverser un système par la seule combinaison de dynamiques de contestations internes. C’est un cas unique dans le monde arabe et c’est un facteur de mobilisation pour les peuples voisins qui ressentent pour la plupart les mêmes difficultés que la population tunisienne, voire davantage quand on sait que sur le plan économique et du développement, la Tunisie possède quelques longueurs d’avance dans la région.
Depuis plus d’un mois, les tensions se multiplient. Les négociations aussi. Un effet domino souhaité par les peuples est redouté par les dirigeants des pays arabes et sans aucun doute par les grandes puissances de ce Monde. Les Etats-Unis plus que l’Europe jouent ici un rôle déterminant en coulisse. A Pékin, les événements qui secouent le monde arabe sont suivis de très près, ce n’est pas inintéressant de le souligner car on doit lire à travers l’inquiétude de la Chine à quel point ce Monde est interconnecté. Une globalisation par le commerce mais aussi par les esprits : Internet et les réseaux sociaux de communication devront être aussi analysés sous un angle géostratégique si les révoltes en cours se transforment en révolution et produisent des changements.

Mission Agrobiosciences : Lorsque l’on observe les évènements, on a l’impression que le Monde Arabe est uniforme. Or, tant au Maghreb qu’au Machrek, il existe des différences liées aux pays, aux populations…

Sébastien Abis : Prolongeant les considérations précédentes, on ne peut que plaider pour une analyse différenciée sur les réalités des pays arabes et méditerranéens. Les systèmes politiques sont différents, les dynamiques sociétales sont plurielles, les évolutions socioéconomiques sont contrastées, et les enjeux géostratégiques sont parfois divergents. Enfin la variable démographique explique que les problèmes sont différents dans chaque pays. La population égyptienne représente 9 fois la population de la Tunisie. Ainsi, nous avons un espace déséquilibré en terme territorial : quand la Tunisie ou l’Algérie ont entre 70 à 75% de population urbaine, on a plus de la moitié de la population en Egypte ou en Syrie qui est toujours rurale.

Mission Agrobiosciences : La sécurité alimentaire est un argument qui permet parfois à ces régimes de repousser l’idée de démocratisation. Ne serait-ce pas un défi difficile à relever pour ces futures nations, qui nous l’espérons, deviendront des démocraties ?

Sébastien Abis : La sécurité alimentaire ou plutôt l’insécurité alimentaire est l’un des sujets majeurs dans cette région. Tout l’enjeu est de gérer cette fragilité structurelle. Cette gestion passe par des politiques nationales à relancer ou à renforcer et par des mécanismes de coopération régionale pour bâtir des solidarités là où les enjeux sont tels que les réponses sont forcément multilatérales et partenariales.
Il faut bien prendre la mesure de cette tension alimentaire au sud de la Méditerranée. Rappelons que l’Afrique du Nord, du Maroc à l’Egypte, au début des années 1980, représentait 92 millions d’habitants. Ils sont actuellement 170 millions et seront 195 millions en 2020. Soit 100 millions d’habitants en plus à nourrir en l’espace de 40 ans. Or au cours de cette période, à la croissance démographique, font écho la raréfaction des ressources en eau et en terre, l’accélération des changements climatiques qui perturbent les productions et les récoltes. L’eau qui est utilisée à 80% pour l’activité agricole devra être économisée. En outre, on sait que 95% des terres des pays arabes méditerranéens sont déjà exploitées. Donc nous n’avons pas de terres à conquérir ; cela signifie qu’il va falloir améliorer la productivité, ce qui pose la question de l’intensification agricole avec le corollaire écologique que cela implique.
Par ailleurs, et c’est là un sujet dont il faudra bien discuter prochainement, la vocation agricole (comme dans beaucoup d’endroits) est en perte de vitesse. Qui va produire demain, qui souhaitera être agriculteur sachant que la transmission des savoir-faire agronomiques n’est pas optimale et que, depuis plusieurs années, ce métier subit un discours plutôt dégradant.
Il y aura donc plus de bouches à nourrir mais moins de dotations naturelles et de moyens humains pour le faire. Pour résoudre l’équation, il faudra forcément des investissements, de la performance agronomique et des approvisionnements depuis l’étranger. La sécurité alimentaire passera de plus en plus par des alliances agro-commerciales avec le reste du Monde. L’Europe doit y trouver sa place stratégique pour des raisons tout autant politiques que commerciales.

Mission Agrobiosciences : En Tunisie, la révolte démarre à Sidi Bouzid, bourgade rurale. On a l’impression d’une révolte des laissés pour compte, de « gueux ».

Sébastien Abis : On en revient à cette fracture entre le monde rural et le monde urbain. J’ai souvent insisté sur le fait que l’on a omis d’intégrer la variable alimentaire et celle du développement rural. On peut essayer d’acheter la paix sociale des villes en recourant au marché international pour s’approvisionner et soutenir les prix. Le Maroc multiplie actuellement les initiatives dans ce domaine pour atténuer les tensions potentielles pouvant naitre de la hausse des prix des matières premières. Il faut rappeler sur le plan alimentaire, qu’ils n’ont jamais été aussi élevés, puisque l’indice des prix de la FAO a battu un record historique en janvier 2011.
Ces initiatives démontrent qu’il existe dans ces pays toute une batterie de mesures stratégiques pour atténuer les éventuelles tensions alimentaires. On a toujours eu ce souci de nourrir les populations en recourant au marché international. Il faut sécuriser l’accès à l’alimentation notamment dans les villes. Pour des raisons évidemment politiques car les problèmes sont déjà nombreux par ailleurs. Et l’on doit noter que souvent, les troubles sociaux dans la zone ont éclaté quand la variable alimentaire était bousculée. Je ne dis pas que ce qui s’est passé en Tunisie sont des émeutes de la faim mais lorsque des frustrations alimentaires en milieux ruraux sont fortes, elles servent dans la rue à exprimer des frustrations sociales bien plus importantes. La tension alimentaire peut être un catalyseur du malaise social. Au Caire en ce moment, les manifestants crient « Du pain ! De la Liberté ». Ce n’est pas que symbolique…

Mission Agrobiosciences : Assiste-t-on alors à des révoltes du « Pain » ?

Sébastien Abis : Non mais il ne faut pas ignorer cette fragilité alimentaire et territoriale. On a quand même vu à Sidi Bouzid une population qui semblait en dehors de la mondialisation, être à l’origine du mouvement. Et j’observe que c’est lorsque Tunis a été touchée que la révolte est devenue révolution. Cela pose la question des priorités régionales car au niveau national, les pays ont toujours cherché à assurer la sécurité alimentaire. Il faut être prudent sur ce que l’on affirme. Les pays du Sud, qui ont toujours mis la sécurité alimentaire, au cœur de leur action politique ont toujours appelé de leurs vœux l’Europe ou d’autres partenaires à être très sensibles à ce sujet dans le cadre de la coopération régionale. Les questions agricoles et alimentaires n’ont pas été au cœur des préoccupations depuis près de 20 ans. Ni au niveau international ni sur le plan de la relation euro-méditerranéenne. Ce qui paraît paradoxal quand on sait que l’Union pour la Méditerranée souhaite mettre en place plus de coopérations concrètes pour toucher le quotidien des individus

Mission Agrobiosciences : les nouveaux gouvernements qui vont se mettre en place devront donc relever le défi de la question alimentaire. Avec qui et selon quel type de coopération ? Que vont-ils devoir faire ?

Sébastien Abis : Sur les questions agricoles seule une coopération régionale peut apporter des réponses. Le temps est fini où l’on pouvait envisager une autosuffisance nationale, où l’on pouvait envisager une autosuffisance méditerranéenne en son sein. Les défis sont tels que seuls la coopération régionale ou les partenariats pourront atténuer cette fragilité alimentaire. Les pays du sud de la Méditerranée se sont ouverts à des partenariats commerciaux ou techniques avec des pays qui n’étaient pas traditionnellement présents dans la région : le Brésil qui a eu une pénétration extrêmement rapide et qui se confirme depuis 10 ans ; qui correspond à la montée en puissance sur la scène internationale du Brésil impulsée par Lula mais aussi par un Brésil de plus en plus exportateur de denrées alimentaires et dont la zone arabe est de plus en plus acheteuse. En 2010, les pays arabes ont compté pour 11% des exportations agroalimentaires brésiliennes. C’est moins que la Chine (14%) mais plus que les Etats-Unis (7%). Le Brésil qui a multiplié par 5 ses exportations agroalimentaires entre 2000 et 2010 vers ces pays. Ce qui veut dire que ces derniers, dont les déséquilibres commerciaux accentuent la dépendance aux marchés internationaux diversifient graduellement leurs relations agro-commerciales.

Prenons par ailleurs l’exemple des céréales. Concernant le blé, la consommation en Afrique du Nord du Maroc à l’Egypte a augmenté de 24% entre 2004 et 2010. Dans le Monde elle a augmenté de 9%. Et cette dépendance au blé représente 18% des achats mondiaux en blé, 6% de la consommation mondiale de blé, alors que ces pays ne comptent que 2% de la population mondiale.

Les céréales achetées l’ont été dans des zones de plus en plus extra-régionales : Russie, Ukraine, Canada, Australie, Argentine. Si l’Europe, la France en tête, vend beaucoup de ses céréales au Maghreb, au niveau des pays du Proche-Orient et de l’Egypte, les premiers partenaires céréaliers ne sont pas les européens. Ce qui signifie que si l’Europe voulait mener une politique de partenariat sur des sujets concrets autour de la variable agricole, la constitution de stocks céréaliers régionaux euro-méditerranéens ne serait pas une idée farfelue sur le plan géopolitique. Cela pourrait jouer un rôle important pour répondre à des besoins pressants en nourriture (stocks d’urgence) ou pour limiter la volatilité des prix (stocks-outils). Cette hypothèse de stocks céréaliers pour la Méditerranée a récemment été évoquée par le Ministre français de l’Agriculture, lors du Sommet du végétal à Marseille le 25 janvier 2011.On progresse donc dans la perception géopolitique des enjeux agricoles en Méditerranée.

Derrière l’exemple céréalier se niche une question importante puisque l’on sait que c’est à la fois important pour les populations, cette alimentation basée sur les céréales, et que les pouvoirs publics ont toujours cherché à nourrir leurs populations et à créer des mécanismes de soutien aux prix, de transferts de bons alimentaires car ils savent que quand l’accès au pain et aux céréales est fragilisé il y a derrière une contestation sociopolitique. Et si on remonte encore plus loin dans l’échelle géostratégique on voit que la question céréalière est fondamentale pour la région. Ce qui explique que toutes les puissances céréalières nourrissent le Bassin méditerranéen à cause du créneau commercial mais aussi en vertu des enjeux politiques. On voit bien qu’au niveau euro-méditerranéen il y aurait des complémentarités à trouver. Il va de soi que si l’on vend plus de céréales, il faut ouvrir nos marchés à plus de fruits et légumes venant de l’autre côté de la Méditerranée.

Mission Agrobiosciences : Comment analyser le rôle de l’Europe et de la France au travers de ce qui se passe actuellement ?

Sébastien Abis : Le début de l’année 2011 est marqué par l’inquiétude. L’ambition de Barcelone, quoi qu’on en dise, a pu rebondir en 2007 quand la France a proposé l’Union pour la Méditerranée. Si on peut en contester la méthode et les priorités thématiques développées depuis, on ne peut en contester le principe de départ qui consistait à renforcer les liens entre l’Europe et la Méditerranée. Nous nous trouvons dans une situation où le contexte international a fortement évolué. Nous avons des pays émergents qui sont devenus des acteurs en Méditerranée. Il n’y a pas simplement que l’Europe et les Etats-Unis. Il faut mentionner le Brésil que j’ai évoqué mais il faut aussi parler de la Chine dont les investissements et la stratégie économique traversent aussi la zone méditerranéenne, rive nord comme rive Sud.

Et nous avons sur ce projet euro-méditerranéen raté une fenêtre de tir stratégique de 15 ans (1995-2010) à une période où la politique américaine dans la région laissait la place à des politiques alternatives, davantage fondées sur le partenariat. L’Europe aurait pu apporter une politique originale, la France notamment était attendue sur le terrain d’une offre de partenariat particulière, spécifique, privilégiée. Il faut se souvenir que la France, s’opposant à l’intervention en Irak en 2003, suscitait de l’admiration et un soutien dans les pays arabes.

Début 2011 cette position est fortement contrariée pour toutes les raisons que l’on connaît et nous avons des difficultés qui se sont multipliées dans la région parce que la coopération multilatérale patine. L’Union pour la Méditerranée n’a pas réussi à être à la hauteur de ses ambitions. Pour preuve le Secrétaire général vient de démissionner et nous avons une méfiance grandissante autour de cette initiative de la part des pays du Sud. Nous avons aussi un enlisement de la situation au Proche-Orient qui s’accentue ; nous connaissons la montée en puissance d’acteurs extérieurs dans la région et enfin, la crise économique et politique que traverse l’Europe.

Or sans Europe déterminée sur le plan politique et forte en matière financière, capable d’agir, nous n’aurons pas d’Euro-Méditerranée. Quand récemment j’ai cherché à poser la question de la « Méditerranée sans l’Europe », à travers un numéro de la revue Confluences Méditerranée paru en septembre 2010 ou lors des Controverses de Marciac l’été dernier, il y avait un souci d’avancer trois constats :

  • premièrement, que l’Europe et ses pays membres ne sont pas seuls dans la région. Les pays méditerranéens du sud multiplient leurs relations avec des pays extrarégionaux à l’heure où notamment de nouvelles routes commerciales Sud-Sud se dessinent.
  • deuxièmement, que la situation politique et économique étant ce qu’elle est, l’Europe pourrait être tentée de tourner le dos à la zone méditerranéenne trop turbulente. Si on ajoute à ces difficultés le fait que les peurs au sujet du monde arabe ou de l’Islam se multiplient au sein de plusieurs pays européen, nombreuses sont les tendances malheureusement défavorables à plus de coopération euro-méditerranéenne.
  • troisièmement, la Méditerranée sans l’Europe, c’est la conséquence d’une absence d’Europe. Au sud de la Méditerranée, on est très soucieux d’une Europe forte car il existe un fort encrage politique et économique. La paralysie politique et la panne économique de l’Europe ont des retombées sur les pays de la rive Sud.

    Aujourd’hui il y a une difficulté qui pèsera pour les mois à venir en fonction des dynamiques actuelles : sur quoi prioriser l’action régionale ? Et pour ma part je défends le fait qu’il ne faut pas revenir sur les priorités de l’Union pour la méditerranée et les six projets qui étaient impulsés par le processus de Barcelone. Simplement, il faut réussir à ajouter de l’action multilatérale entre l’Europe et la Méditerranée, et se concentrer sans doute sur ce qui compose selon moi les quatre piliers stratégiques de cette coopération régionale : la gestion responsable des ressources naturelles (eau et terres), l’alimentation et la sécurité alimentaire, le dialogue interculturel et la formation professionnelle (avec l’emploi en ligne de mire).

    Et derrière tout cela il faudra définir le périmètre géographique de la coopération. Est-ce que l’on doit géographiquement recentrer le débat à travers une formule euro-arabe et construire une relation avec Israël et la Turquie qui soit différente ; en découle la coopération avec les Pays du Golfe. Est-ce que l’on doit favoriser la Méditerranée occidentale et donc les pays du Maghreb ? Ou bien prendre acte que les relations bilatérales sont les seules dynamiques de coopération qu’il faut poursuivre dans la région. Et donc entretenir plutôt la politique européenne de voisinage qui prône la différenciation entre les pays ? D’où le mécanisme des statuts avancés comme le Maroc et ce qu’espèrent à leur tour la Jordanie et la Tunisie, depuis quelques mois auprès de Bruxelles. Il n’est pas surprenant de voir que le Parlement européen dans sa dernière résolution sur la Tunisie, début février, ait plaidé pour l’octroi de ce statut avancé à la Tunisie. On file droit vers le bilatéralisme.

Mission Agrobiosciences : Pourtant tout n’est pas négatif ?

Contrairement à ce qui est dit parfois nous n’avons pas un bilan totalement négatif de la coopération régionale. Il faudrait tout de même, se rendre compte des coûts qu’auraient eu l’absence d’un partenariat euro-méditerranéen et de cette politique qui a été menée depuis 15 ans.

L’autre élément gênant c’est de dire que cette région n’est pas pensée, explorée ou prioritaire : je crois que l’on a un trop plein d’initiatives qui ne se combinent pas. Il y a multiplication d’initiatives économiques, politiques, sociales et associatives. Nous n’avons pas une situation où la Méditerranée est désertée. Ni par les acteurs économiques, ni par les acteurs politiques, ni par la société civile.

Tout l’enjeu au-delà de la priorité thématique compte tenu des limites géographiques sera aussi, compte tenu de ses difficultés et compte tenu des contraintes budgétaires qui vont frapper l’ensemble de la région car il y aura moins de budget pour la coopération régionale à l’avenir, est d’accepter de mutualiser les activités existantes, les valoriser, et il conviendrait de rassembler toutes les politiques de coopération euro-méditerranéenne sous une même ombrelle.

Et je crois que si l’Union pour la Méditerranée, dès 2007 avait su faire valoir les instruments existants et les solidarités, faire savoir les réussites partenariales dans la région, faire comprendre aux opinions publiques que cet ancrage euro-méditerranéen est important pour les pays du Sud et pour les pays européens, on aurait pu maintenir la mécanique multilatérale. L’enlisement au Proche-Orient, la crise économique et désormais les troubles sociopolitiques émergents dans certains pays pèsent trop lourdement pour redonner de l’élan à l’Union pour la Méditerranée à court terme.

Début 2011, cette initiative se retrouve au milieu d’un brouillard épais. C’est malheureux car les attentes sont nombreuses. C’est inquiétant car les enjeux sont considérables. C’est aussi éloquent à l’heure où les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée pourraient ouvrir une phase de transition. L’Europe, qui n’est plus celle de 1989 au moment de la chute du mur de Berlin, pourra-t-elle être à ce rendez-vous de l’Histoire que seule la rue arabe semble avoir fixé ?

Propos recueillis par Jacques Rochefort, Mission Agrobiosciences.

Un entretien avec Sébastien Abis, Administrateur au Secrétariat Général Ciheam

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