25/04/2005
Une recette de Fernand Cousteaux

Les jambons d’Espagne ont de la noblesse

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Une recette de Fernand Cousteaux pour les visiteurs du site de la Mission Agrobiosciences.
Le jambon est bien le produit le plus emblématique de la charcuterie. Et ça ne date pas d’hier. Au fil des siècles, l’Espagne s’est imposée comme le plus important producteur de jambons qui soit au monde.

La « percée » espagnole

Nos voisins qui produisent 30 à 35 millions de jambons par an, en consomment en moyenne plus de 4 kg par personne. Ils devancent largement l’Italie et les Allemands - jambons fumés de Westphalie, de la Forêt Noire, de Bavière - la France atteignant à peine, il y a 2 ou 3 ans, 1 kg de jambon par personne, en dépit de nombreuses productions régionales. Or une enquête de la SOFRES nous indique que « 93% des Français consomment très régulièrement des charcuteries ; seuls 2% n’en consomment jamais. » Ce qui révèle une troublante anomalie : les Français aiment la charcuterie mais, jusqu’à présent, ne consomment guère leurs jambons. Ce qui laisse place libre sur les marchés de l’alimentaire pour nos actifs « cousins » les Italiens avec les « Parme » et « San Daniele » et, plus récemment, les Espagnols « Patanegra » en tête.

La presque totalité (90%) des jambons espagnols sont baptisés « Serrano ». Et, parmi ces derniers, 40% s’affirment sous le contrôle d’un consortium de producteurs, d’une qualité supérieure grâce à leurs nourritures (exclusivement céréales) et à 9 mois de séchage minimum imposé (contre 7 au « Serrano » de base). En plus de la marque commerciale et du label - Consorcio del Jamón Serrano - un « S » figure sur l’étiquette et sur la couenne (marque au fer rouge). Ce sont des jambons d’excellente qualité. Il faut rappeler que le terme « Serrano » vient de « Sierra » (montagne). L’Espagne étant le second pays montagneux d’Europe (après la Suisse), le terme a vu son utilisation s’élargir au point qu’aujourd’hui les
« Serrano » proviennent de Galice comme d’Andalousie ou de Catalogne qui fait des efforts considérables d’élevage et de transformation. Le mot « Serrano » seul n’est pas une
« AOC » comme on l’entend en France, il précise tout de même l’origine espagnole.

Le « jamón de bellota » de Guijuelo

Tous ces jambons « Serrano » ou « Serrano del consorcio » proviennent de porcs blancs. Et puis il y a les autres ! Ce sont les « Patanegra » (pattes noires). Ils proviennent d’une race particulière de porcs noirs au pelage tirant du roux sombre au noir profond, qui font l’objet d’un intérêt passionné. « Extra », « Suprêmes », ils sont l’aristocratie des jambons d’Europe. Et eux seuls ont droit à l’appellation officielle « Jamón Ibérico » (jambon IBERIQUE).

Une catégorie particulière domine cette élite : « les jambons de bellota ». Le terme « Bellota », qui signifie « glands », indique que ces cochons noirs-là vivant en semi-liberté dans de grands espaces plantés de chênes, et où poussent des herbes parfumées, se nourrissent exclusivement de glands durant les quatre derniers mois de leur existence. Ils en consomment une dizaine de kilos par jour et doublent pratiquement leur poids. Autre atout majeur, ces jambons ont séché entre deux et trois ans ( !) - minimum officiel autorisé 24 mois - dans des conditions idéales qui tiennent au climat particulier et à l’exposition des installations dans la région de Guijuelo où l’on traite le jambon depuis le XVIème siècle, à 600 ou 800 mètres d’altitude, dans les chênes de la sierra de Gredos. Longs hivers, étés très chauds... Et, durant les 30 ou 36 mois de séchage-affinage, un minutieux réglage permanent de l’aération, de la température, de l’hygrométrie, complètent efficacement le climat.

Je ne sais si le « jamón de bellota » de Guijuelo marqué du sceau de « La Hoja del Carrasco » était, comme on le dit,
« único en el mundo », mais ce dont je suis certain c’est que celui que j’ai dégusté ce matin-là était d’une qualité véritablement exceptionnelle : saveurs, parfum, douceur, souplesse et tendresse, goût exquis du gras bordant largement la tranche d’un rouge sombre et équitablement « persillée »... La perfection. Il est vrai que « parfums et saveurs inimitables » est la devise de la maison Carrasco. « Vous avez là le résultat d’une race de porcs exceptionnelle, d’un climat, d’une organisation professionnelle rigoureuse mais réaliste et du savoir-faire de la maison Ignacio Carrasco avec la tradition accumulée par ses maîtres-charcutiers » commentait Gérard Garcia qui venait de recevoir pour sa loge à Victor-Hugo (Toulouse) une cinquantaine de ces monumentales « merveilles ».

La recette de Fernand Cousteaux

Tartines de jambon aux fruits

Cette recette quasiment estivale reprend le traditionnel accouplement melon-jambon et tire son originalité et sa succulence de la sauce « mostarda » peu banale.

Ingrédients
Pour quatre personnes, une boule de pain de campagne, huit tranches très fines de jambon de haute qualité, une nectarine, une figue, une pêche, un melon, 30 cl de bon vin rouge fruité, 100 g de sucre, une cuillerée à soupe de bonne moutarde forte (et sans apprêt), une feuille de laurier, fleur de sel de Guérande et poivre blanc.

Préparation (10 minutes) et Cuisson (cinq minutes)
Faites bouillir le vin et le sucre avec la feuille de laurier jusqu’à l’obtention d’un sirop léger. Ajouter la moutarde et fouettez. Coupez les fruits en lamelles et disposez-les sur des tranches de pain humidifiées à l’huile d’olive. Effeuillez le jambon et posez-le sur les fruits. Versez la sauce autour ; assaisonnez et servez.

Idée de l’auteur
Bien que la sauce puisse maquiller facilement des fruits médiocres, ne servez ce plat que lorsque tous les fruits sont au top.

Par Fernand Cousteaux
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