Le dindon de la farce
A quelques semaines des fêtes de Noël, retour sur l’émission radiophonique "Ça ne mange pas de pain"que la Mission Agrobiosciences consacrait en décembre 2008 au thème "Manger, c’est pas sorcier, mais...". Avec, à la clé, une chronique toujours d’actualité sur l’histoire mouvementée de la dinde, du Nouveau Mexique à l’Abyssinie.
Télécharger gratuitement l’Intégrale de l’émission spéciale de "Ça ne mange pas de pain" !, "Manger, c’est pas sorcier, mais...", édité par le magazine Web de la Mission Agrobiosciences
Le dindon de la farce
Chronique de Valérie Péan, Mission Agrobiosciences
"A la base, la dinde, c’est une succession d’erreurs. Suivez-bien. A l’origine, a priori, tout part des conquistadores qui découvrent au Mexique un drôle de volatile de la famille du faisan que les autochtones plument et mangent en abondance. Se croyant en Inde, nos espagnols le baptisèrent donc poule d’Inde et le décrivent ainsi : "des poules grosses comme des paons, avec des plumes comme une sorte laine". Voilà donc notre dinde qui débarque en Espagne où elle remplace le paon à la table des rois et de là, séduit la France et les autres pays européens, où elle rivalise avec l’oie. En France, elle devient coq d’Inde, en Espagne, le paon d’Inde, et en Italie, la poule d’Inde. De fait, il s’agit bien du dindon sauvage, que les Aztèques avaient domestiqué il y a de cela 2000 ans.
Reste que dans des écrits du Moyen Age, au 14 et 15è siècle on trouve trace déjà de recettes à base de poule, de géline ou de coq d’Inde. La dinde nous serait-elle parvenue avant ? Jusqu’au 18è siècle, la polémique enfle. Sur son origine, sa date d’arrivée et son espèce. La confusion la plus grande régnait. A y regarder de plus près, on découvre la cause de ce méli-mélo et de tous ces noms d’oiseaux. Car sous une même dénomination, se cachent deux volatiles bien différents... Quand, au Moyen Age, on parlait de poule d’Inde, du latin médiéval Gallina de India, l’Inde ne désignait ni la péninsule actuelle, ni l’amérique latine, mais l’Abyssinie, au nord-est de l’Afrique où vivait un gros oiseau sauvage, largement représenté dans l’iconographie comme un oiseau de paradis.
Bref, se côtoient deux poules d’"Inde" : notre gallinacé ramené du Mexique par les espagnols et l’oiseau africain.
L’un chassant l’autre, c’est notre dindon sauvage qui finit par emporter la palme et la dénomination de Dinde. Notre volatile africain prend alors le nom de pintada, oiseau peint, au vu des jolies taches qui décorent son plumage.
Tout ça est enfin clair, mais alors pourquoi les Anglais l’appellent-ils Turkey ? N’auraient-ils vraiment rien compris ? Pour les uns, c’est qu’ils ont mangé de la pintade ramenée de Turquie par un commerçant, pour d’autres, de la dinde en espagne à Cadix en revenant de Turquie. Ils auraient donc fait là une sorte d’amalgame. Pour d’autres encore, une onomatopée car l’animal gloutgloutant faisait "turk turk turk"...
Chez les Turcs, d’ailleurs, on appelle la dinde Hindi. Et en hindi, on l’appelle peru... !
Vous me suivez toujours ?
Dernière mise au point : la dinde que vous vous apprêtez à manger n’est pas forcément une femelle. Quand vous mangez une dinde, ce peut être tout aussi bien un dindon. Dindon qui, d’ailleurs au départ, désignait le petit de la dinde, sachant que le mâle était nommé Dindart.
Si vous n’avez pas tout compris, je vous recommande d’opter définitivement pour l’oie ou... le hareng.
Chronique de Valérie Péan, Mission Agrobiosciences.
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A PROPOS
Sécurité des aliments, santé publique, éducation au goût, obésité galopante, industrialisation des filières, normalisation des comportements... L’alimentation s’inscrit désormais au coeur des préoccupations des décideurs politiques. Enjeu majeur de société, elle suscite parfois polémiques et prises de position radicale, et toujours une foule d’interrogations qui ne trouvent pas toujours réponse.
Afin de remettre en perspective l’actualité du mois, toujours abondante, de rééclairer les enjeux que sous-tendent ces nouvelles relations alimentation et société, de redonner du sens aux annonces et informations parfois contradictoires et de proposer de nouvelles analyses à la réflexion, la Mission Agrobiosciences a organisé de novembre 2006 à juin 2012, une émission mensuelle sur l’actualité de l’Alimentation et de la Société, diffusée sur les ondes de Radio Mon Païs (90.1) : "Ça ne mange pas de pain !" (anciennement le Plateau du J’Go). D’abord en collaboration avec le restaurant le J’Go (16 place Victor Hugo, à Toulouse), puis directement au sein du studio de Radio Mon Païs.
A l’issue de chaque émission, la Mission Agrobiosciences a édité l’Intégrale des chroniques et tables rondes.