01/04/2008
Les recettes de Fernand Cousteaux

Faites-le avec des fraises - Le Canard aux fraises.

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Les fraises et leur « fragrance »
Quand il évoque « l’âge d’or », Ovide cite la fraise des bois qui attendra sagement cachée le Moyen Age pour être cultivée. Et... l’incontournable « Grand jardinier Royal » La Quitinie pour paraître sur la table de Louis XIV après une culture en serres, sous châssis. Etape importante dans l’histoire récente de la fraise qui, comme chaque année, fait son entrée sur nos tables et nos palais.

Une recette proposée par Fernand Cousteaux

Mieux connaître les fraises
Ce sont les Anglais qui ont inventé la technique de paillage après que le capitaine de vaisseau Amédée-François Frézier (mais oui : Frésier !) eut apporté en France des plants chiliens. La fraise en Angleterre s’appelle « stawberry » qui signifie « baie de paille ». Simple !
Au début du siècle, mon distingué confrère Fubbert Dumonteil, chroniqueur gastronomique réputé, écrivait ainsi dans « La France gourmande » : « Tout est rose et blanc, pourpre, vermillon, carmin au pays des fraises ; tout est juteux, fondant, beurré, sucré, parfumé, framboisé, musqué... ». J’arrête là. Il s’agissait évidemment des qualités courantes à l’époque (1905) : « la fraise ananas », la fraise de Toulouse ou d’Anjou, la « Belle bordelaise », grosse, allongée, superbe selon Dumonteil et « si charmante aux yeux, si douce aux lèvres ». Il y avait aussi « l’embaumée d’Aquitaine » et la « musquée du Roussillon » que se disputent les guêpes au corsage d’or, raffolant de son parfum, sensibles à son fondant. A la seule lecture, l’eau vous vient à la bouche. Heureuse époque !
Il est vrai que le parfum est l’essence même de la fraise et rien ne l’exprime mieux que l’odeur qui perce dans les sous-bois et signale la minuscule « sauvage ». On a, paraît-il, dénombré 450 arômes dans la fraise et je rappelle que « fragana », origine latine du mot, vient du verbe « fragare » signifiant « sentir bon » et que tout bonnement, votre cher Larousse définit fragrance comme une odeur suave, un parfum agréable.
Olivier Roellinger, le « chef » célèbre de Cancale, a pour règle de ne jamais mettre les fraises au froid car elles y perdent leur parfum que la chaleur par contre exacerbe. C’est pourquoi il sert les fraises « sur une crêpe chaude avec une boule de glace à la vanille et aux pétales de lys jaune, souligné par un trait de vinaigre de cidre ».
Autre façon d’apprécier les fragrances des fraises : Roellinger « aime les compotes à température ambiante, toute une nuit avec pétales de lys jaune, tilleul et verveine, citronnelle ». Et cette compote accompagne ce qu’il appelle un « crémet » fait de fromage frais, blanc d’oeufs en neige et crème fouettée.
Les fraises ornent nos marchés... Elles sont effectivement sublimes mais fragiles. Par temps d’orage, elles « tournent » facilement et peuvent avoir un goût désagréable. Il faut les laver avant de les équeuter et simplement les plonger dans l’eau et les relever aussitôt, éviter les cuissons brutales, ne pas utiliser des ustensiles risquant de les oxyder.
Et si elles manquent de saveur, faites-en une salade à laquelle vous ajouterez deux cuillerées d’extrait de café. C’est une manière infaillible (et peu connue) de raviver le goût. Pensez aussi... au poivre.
Nature accompagnée, cuisinée, seule ou en pâtisserie, au petit déjeuner, comme entrée et bien sûr comme dessert. Mangez des fraises. Le répertoire de « La Reine de mai » est inépuisable. Et notre région demeure un producteur réputé.

Les fraises nouvelles sont arrivées

« A l’exception de la Gariguette qui est une variété française, nous consommions depuis une trentaine d’années des variétés de fraises sélectionnées ailleurs que chez nous  » explique Philippe Rondelle, chercheur et sélectionneur national au centre interrégional de recherche et d’expérimentation de la fraise (le CIREF) qui, sur le domaine de Lanxade en Dordogne, poursuit, depuis une dizaine d’années, avec une équipe de spécialistes, des travaux pour créer de nouvelles variétés typiques des différents terroirs français et parfaitement adaptés au climat et aux sols.
L’enjeu est d’importance. La France, troisième producteur après l’Italie et l’Espagne, récolte près de 40 000 tonnes de fraises par an dont près de la moitié dans l’Aquitaine en particulier le Lot-et-Garonne et la Dordogne et aussi en Midi-Pyrénées, le Tarn-et-Garonne et le Lot. Trois à quatre mille fraisiculteurs ayant accepté la charte de qualité « Fraise de France » se répartissent dans les six régions de production : l’Aquitaine (près de la moitié de la production), Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes, Val de Loire, Provence, Bretagne. Ils ont financé leur propre recherche pour trouver « les fraises du plaisir » : 10 ans de travail et 60 millions d’investissements.
« Il faut un minimum de sept ans de recherches pour trouver une bonne fraise, précise le directeur du CIREF. Après six ans d’observation, de tri, d’expérimentation de 25 000 plants issus de cent familles, d’hybridation en plein champ, nous avons pu faire en 1994 une première sélection. »
1988-1998 : « Fraise de France » est au rendez-vous avec les « petites cousines » de la fameuse « Gariguette » présente cette année sur les marchés. Elles ont des noms faciles à retenir : « Ciflorette », « Cigaline », « Cireine », « Cigoulette » et « Ciloé », ayant emprunté leurs deux premières lettres (CI) au signe du Centre Interrégional de Recherche et d’Expérimentation.
Ce « CI » est en quelque sorte la marque de paternité du Centre qui, unique en France, travaille en relation étroite avec l’INRA (en particulier le Centre d’Avignon où est née la Gariguette) et les laboratoires européens spécialisés.
« Fraise de France », qui a généralisé la barquette transparente et impose un strict contrôle de qualité (depuis le plant jusqu’à la mise en marché à l’exemple des produits de Midi-Pyrénées tels que les volailles d’AVIGERS) se présente au consommateur.

· Fraises « primeurs » commercialisées depuis la semaine dernière en même temps que les grands classiques : la « star » Gariguette, allongée et biconique et la « Pajaro », gros fruit bien régulier en forme de coeur.

  • Ciflorette. Grand cru. De forme oblongue, de taille allongée moyenne, couleur rouge orange, rouge pastel, brillante, « lumineuse », peau souple, parfum et saveur bien développés, équilibrée et très sucrée. Elle est vendue en barquette spéciale en forme de coeur et munie d’un couvercle (pratique pour emporter)
  • Cigaline. Dans la lignée « Gariguette », forme allongée, oblongue, de belle taille juteuse, légère touche de saveur « fraise des bois », très sucrée et goûteuse. Première fraise de la belle saison, son nom évoque la cigale.

    · Fraises dites « de saison », commercialisées à partir des premiers jours de mai, en même temps que les classiques

  • « Elsanta » : grosse fraise ronde, pulpeuse, de couleur toujours uniforme, rouge rubis, sucrée, peu acidulée, légèrement parfumée, à la chair croquante de bonne tenue. Parfaite pour être coupée en lamelles (produites en Aquitaine, Midi-Pyrénées, etc.
  • « Darselect » : gros fruit régulier, conique, charnu, rouge rubis, parfois floral, au parfum soutenu, au goût sucré et équilibré (produite en Aquitaine, Val de Loire, Bretagne)
  • Cireine. Brillante, rouge vif tirant sur le carmin, taille moyenne, un peu allongée, très régulière, goût équilibré sucré acide, chair ferme.
  • Ciloé. Gros fruit, conique, allongé, couleur rouge sang, chair ferme, bien structurée avec une pointe de jus. C’est une très bonne fraise du début d’été : idéale pour les desserts et confitures.
  • Cigoulette. Fruit conique, couleur rouge sang, belle texture, goût équilibré entre sucré et acidulé

· Fraises d’été. Rappelons que les fraises dites « d’été », commercialisées généralement à partir du 15 juillet, sont :

  • Mara des bois, très célèbre. Petit fruit très souple de forme conique, brillant de couleur, rouge franc, assez fragile mais au parfum accusé, à la saveur typique des fruits des bois : acidulé, fondante. C’est une fraise de marché de proximité (sa fragilité) à déguster nature. Délicieuse (Aquitaine, Midi-Pyrénées, etc.). Elle arrive chez nous parfois plus tôt.
  • Seascape. Ronde, bien régulière, pulpeuse, rouge brillant plutôt foncé, agréablement juteuse, savoureuse, équilibrée, sucrée-acide. Elle est parfaite pour les salades de fruits (vient d’Aquitaine et Val de Loire)
  • Maraline. Gros fruit rouge brillant, très parfumé, provient surtout de la région Rhône-Alpes.
  • Selva. Fruit de taille moyenne, rouge flamboyant ; la bonne tenue de sa texture en fait une fraise excellente en pâtisserie (Aquitaine, Midi-Pyrénées, etc.).

Ne vous privez pas : mangez des fraises crues, c’est plus simple, ou cuites, ça vaut la peine... mais mangez-en. On connaît mal leurs vertus et leurs bonnes incidences sur la santé. Croquez !

La Recette de Fernand Cousteaux : Le Canard aux fraises

En Dordogne, Jean-Bernard Lavaud, à Charagnac (« Le Z’haricot vert ») qui a un faible pour les fraises servies chaudes, car précise-t-il, « C’est comme cela qu’elles expriment le mieux leur parfum », les cuisine avec du magret de canard. C’est un plat insolite et très savoureux. « Coupées en lamelle, je réchauffe les fraises dans un aigre-doux au vinaigre balsamique et servies avec une purée d’olives et pommes de terre »

Une entrée pas banale - Mélangez des fraises de France coupées dans la longueur à une salade de mâche que l’on assaisonnera à l’huile de noisette (pure ou mélangée, car sa saveur est prenante) et au vinaigre aux fruits rouges.

La Dépêche du Midi, 27 avril 1997, 12 et 19 avril 1998

Par Fernand Cousteaux
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