09/02/2009
Revue de presse commentée de la Mission Agrobiosciences. 9 février 2009
Nature du document: Entretiens
Avec : Max Lafontan
Mots-clés: Obésité , Santé

Alimentation et Société "Obésité : le tapage autour de la pilule Alli me paraît être un non évènement" Commentaire de Max Lafontan (revue de presse commentée)

Max Lafontan

L’annonce de la mise sur le marché d’Alli, une pilule sans ordonnance et présentée comme "anti-obésité", a été l’objet d’une revue de presse le 2 février 2009 sur le site de la Mission Agrobiosciences. Appuyée par de forts remous médiatiques, la sortie d’Alli a donné lieu à des controverses sur son efficacité et surtout sa pertinence. Effet d’annonce ou véritable remède ? Peut-il exister un médicament capable d’endiguer la prise de poids ? Max Lafontan, directeur de recherche Inserm, éclaire l’actualité de son commentaire.

Le commentaire de Max Lafontan :

La revue de presse de la Mission Agrobiosciences en date du 2 février 2009 sur l’obésité fait le point sur quelques messages récents et m’incite à faire quelques remarques rapides.
En ce qui concerne la génétique, des articles scientifiques de niveau variable foisonnent. Les traqueurs de gènes continuent une recherche aride, susceptible de déboucher sur des pistes exploitables sur le long terme. La recherche de tels gènes est par essence une activité collaborative à l’échelle européenne ou mondiale. Diverses mutations génétiques sont susceptibles d’entraîner l’obésité... Il va falloir hiérarchiser leur importance. Ne pas oublier qu’après l’identification d’un gène de susceptibilité, il reste des étapes importantes, il va falloir comprendre la fonctionnalité du/des gènes identifiés.

Le tapage autour de pilule Alli me paraît être un non évènement. Le produit contenu dans cette pilule est en fait un dosage faible (60 mg par pilule) d’un produit similaire qui est vendu par la Société Roche et qui s’appelle Orlistat (XENICAL). Cette molécule, non absorbable, a pour effet essentiel d’inhiber les lipases (des enzymes) contenues dans l’intestin et de limiter la digestion/absorption des lipides. Le mécanisme d’action est bien connu. Cependant, il faudrait savoir si ce traitement n’entraîne pas trop de perturbations de la flore intestinale. Des études récentes ont attiré l’attention sur les relations existant entre la nature de la flore intestinale et les risques d’obésité.
XENICAL (dosé à 120 mg par pilule) est utilisé en association avec un régime dans le traitement de l’obésité (Indice de masse corporelle > 30) ou de surcharge pondérale (Indice de masse corporelle > 28) lorsque celle-ci est associée à d’autres risques cardiovasculaires (diabète, cholestérol...). XENICAL est délivré seulement sur ordonnance après consultation médicale.
Comme Alli est accessible sans ordonnance, les gens du marketing on fait du "storytelling" [1] autour de la pillule Alli. Seule la nouveauté est dans l’histoire racontée. A méditer : "Chacun sait qu’une perte de poids est plus facile avec un programme bien structuré C’est pourquoi le programme d’Alli inclut myalliplan, un plan d’action en ligne individuellement travaillé développé par des diététiciens. Myalliplan a été spécifiquement conçu pour les personnes utilisant Alli. Voici comment le plan fonctionne : Quand vous achetez l’Alli et vous inscrivez en ligne à myalliplan.com, vous recevrez un plan d’action adapté à votre besoin, basé sur des réponses confidentielles que vous fournissez dans un bref questionnaire"... Les marchands n’ont plus besoin des médecins... la dernière nouveauté, les diagnostics en "on-line... Quel est l’avis des praticiens ?"
Restons raisonnables, avant de prendre la pilule inhibant la digestion des lipides, il me paraît simple, judicieux et peu coûteux de réduire tout simplement les lipides de sa ration alimentaire. Pourquoi recourir à la béquille pharmacologique ?

Il n’existe aucune pilule magique dans le traitement de l’obésité. Les pertes de poids (plus ou moins modestes) observées avec toutes celles qui ont été utilisées jusqu’ici sont suivies par une reprise de poids irrémédiable dans des délais plus ou moins longs. Restriction calorique, contrôle de la taille et de la qualité des repas et activité physique restent des procédures incontournables. La résistance à la perte de poids sous restriction calorique et le maintien de la perte de poids après arrêt de la restriction calorique sont deux volets importants à prendre en compte lorsqu’on s’engage dans des régimes restrictifs avec ou sans pilule. La maintenance d’une réduction de poids de 10% chez les obèses ou non-obèses est accompagnée par une réduction notable de la dépense énergétique au-delà de celle qui peut être prédite par la seule réduction pondérale. L’amplitude de la réduction de la dépense énergétique est capable à elle seule d’expliquer le fort taux de récidive observé même chez les patients les plus réactifs à la restriction calorique avec ou sans pilule.

L’obésité est une pathologie (c’est de la physiopathologie) révélant la difficulté de l’homme à intégrer la transition économique rapide a laquelle il est confronté. Un faisceau de facteurs va venir perturber son existence... et il est inadaptable rapidement.... Peut-être aura-t-on une chance au fil des générations de parfaire notre adaptation dans ce nouvel univers obésogène ?
On peut répertorier un ensemble de points qui caractérisent cette transition :

  • Augmentation de la sécurité des apports alimentaires (régularité et quantité).
  • Mise sur le marché d’aliments sucrés et gras à bas prix et à forte densité énergétique.
  • Influence néfaste des médias qui inondent les enfants et les consommateurs de messages publicitaires pro-consommation sponsorisés par les grands de l’agro-alimentaire.
  • Rareté et piètre qualité des messages "santé" au sein de la société. Faiblesse des pratiques préventives.
  • Extension de l’alimentation hors domicile avec explosion des lieux de repas sommaires (croissanteries, sandwicheries et lieux de restauration rapide de piètre qualité mais à bas prix).
  • Diminution importante (et utile) des travaux à haute pénibilité.
  • Extension de la motorisation et des systèmes de transport passif.
  • Diminution des opportunités d’activité physique dans la vie de tous les jours.

Max LAFONTAN, D.Sc.
Propos recueillis par la Mission Agrobiosciences en réaction à la revue de presse du 2 février 2009.

Max Lafontan est directeur de recherche Inserm

[1à ce sujet, la Mission Agrobiosciences vous recommande ce lien :
-Une machine à fabriquer des histoire, Christian Salmon, Le Monde Diplomatique, Novembre 2006.


Mot-clé Nature du document
A la une
SESAME Sciences et société, alimentation, mondes agricole et environnement
BORDERLINE, LE PODCAST Une coproduction de la MAA-INRAE et du Quai des Savoirs

Écoutez les derniers épisodes de la série de podcasts BorderLine :
Où sont passés les experts ?
Précarité alimentaire : vers une carte vitale de l’alimentation ?

Rejoignez-nous lors du prochain débat, le mardi 23 avril 2024.

Voir le site
FIL TWITTER Des mots et des actes
FIL FACEBOOK Des mots et des actes
Top