12/02/2009
Dans le cadre de "Ça ne mange pas de pain !"
Nature du document: Chroniques
Mots-clés: Cuisine , Mondialisation

"La vraie pizza di Napoli"

Copyright juliette geekette.free.fr/

Tout le monde connaît la pizza, cette galette croustillante cuite au four et garnie selon nos envies. Reste que, de passage à Naples, à la recherche de l’unique, l’authentique, bref la vraie pizza, ce que va découvrir Bertil Sylvander n’a pas grand chose à voir avec ce que nous connaissons. Retour sur l’histoire et les évolutions d’un met populaire dont la forme actuelle est bien éloignée de qu’elle était à l’origine.
Une chronique réalisée dans le cadre de l’émission spéciale de "Ça ne mange pas de pain !", "Alimentations méditerranéennes, désirs et dérives, d’une rive à l’autre", émission concoctée par la Mission Agrobiosciences.

La vraie pizza di Napoli
Chronique Le Ventre du Monde, de Bertil Sylvander

Bertil Sylvander : "Un jour d’été du début des années soixante, je me retrouve à Naples pour quelques jours, en vacances. Et avec mes potes, nous nous disons : «  puisque nous sommes à Naples, que nous allons manger une bonne pizza !  ».
A partir du port, nous montons un peu au hasard vers la ville et nous arrivons, à l’ouest de la via Toledo dans les quartiers populaires de Spaccanapoli et de quartieri spagnoli, aux étroites rues parallèles et pentues. Nous sommes au cœur de l’Italie urbaine traditionnelle, on va se régaler. Et on marche et on cherche et on cherche et on marche. On croise des bars et des échoppes en grand nombre, mais de pizzeria point. Au bout d’un long moment, nous finissons pas nous rendre à l’évidence : on ne mangera pas de pizza aujourd’hui. C’est tout de même un comble !

Ah ! Espoir ! Au bout d’une ruelle, nous apercevons une espèce de kiosque, avec quelques personnes agglutinées autour. On s’approche et on voit un gars occupé à cuire des petits ronds de pâte et à les garnir d’une sauce tomate, qu’il puise dans une boite de conserve et qu’il nous tend, entouré d’un morceau de papier douteux. Au vu de nos mines interloquées, les gens autour de nous essaient gentiment et bruyamment de nous faire comprendre que nous sommes en présence de la véritable pizza.

Quoi ? Nous avons fait tout ce chemin, fuyant bien loin des ersatz du quartier latin à Paris (vous savez, celles avec plein de trucs savoureux dedans et dessus), nous sommes partis en quête de la vraie pizza d’origine et on nous tend ce produit huileux et peu ragoûtant ?

Et on a raison, bien sûr ! Ce que nous appelons « pizza » aujourd’hui n’est que la transformation culinaire bourgeoise d’un simple plat populaire. Les historiens nous disent que, dans les pays méditerranéens de l’antiquité, avant l’invention du levain par les égyptiens (ou les hébreux ? ou les babyloniens ?), on confectionnait des sortes de galettes à base d’orge, d’eau et de quelques assaisonnements locaux, en fonction des disponibilités. Pour que ça cuise et puisque ça ne pouvait pas « monter », il fallait étaler au maximum. Les latinistes distingués assis autour de moi ont tout de suite compris que pinsere, en latin, signifie « étaler » et qu’au participe passé, ça fait ? pinsa ! CQFD. Et puis, au seizième siècle, l’Europe découvre la tomate au Mexique, adoptée très vite (malgré sa réputation sulfureuse) par les italiens (et même plus précisément par les napolitains !) sous le nom de « pommo d’oro » (en raison de sa couleur jaune à l’origine). Et l’association avec la pâte d’orge est faite. D’où la pizza. Donc la vraie authentique pizza, c’est ce morceau de pâte recouvert de sauce tomate. Ah, mais !

Quand j’étais petit, ma voisine Fatma me donnait au goûter de la galette de semoule (la Qesra) sur laquelle elle répandait un peu d’huile d’olive et de sel. Eh, bien, c’est la même chose que la pizza, qu’on retrouve partout autour du bassin méditerranéen.

Donc, s’il vous plait, ne comparez pas le couscous « royal » du boulevard Saint Germain avec le couscous qu’on vous sert en Kabylie, avec juste de la graine et des fèves : car, c’est ce dernier qui est le « vrai » couscous ! Il ne faut pas que je m’énerve."

Chronique "Le Ventre du Monde", de Bertil Sylvander. "Ça ne mange pas de pain !", de février 2009 : "Alimentations méditerranéennes, désirs et dérives, d’une rive à l’autre"

Accéder au portrait de Bertil Sylvander.

A PROPOS
Sécurité des aliments, santé publique, éducation au goût, obésité galopante, industrialisation des filières, normalisation des comportements... L’alimentation s’inscrit désormais au coeur des préoccupations des décideurs politiques. Enjeu majeur de société, elle suscite parfois polémiques et prises de position radicale, et toujours une foule d’interrogations qui ne trouvent pas toujours réponse.

Afin de remettre en perspective l’actualité du mois, toujours abondante, de rééclairer les enjeux que sous-tendent ces nouvelles relations alimentation et société, de redonner du sens aux annonces et informations parfois contradictoires et de proposer de nouvelles analyses à la réflexion, la Mission Agrobiosciences a organisé de novembre 2006 à juin 2012, une émission mensuelle sur l’actualité de l’Alimentation et de la Société, diffusée sur les ondes de Radio Mon Païs (90.1) : "Ça ne mange pas de pain !" (anciennement le Plateau du J’Go). D’abord en collaboration avec le restaurant le J’Go (16 place Victor Hugo, à Toulouse), puis directement au sein du studio de Radio Mon Païs.
A l’issue de chaque émission, la Mission Agrobiosciences a édité l’Intégrale des chroniques et tables rondes.

Par Bertil Sylvander, sociologue et économiste

Mot-clé Nature du document
A la une
BORDERLINE, LE PODCAST Une coproduction de la MAA-INRAE et du Quai des Savoirs

Écoutez les derniers épisodes de la série de podcasts BorderLine :
Surtourisme : une fréquentation contre nature ?

Rejoignez-nous lors du prochain débat, le jeudi 20 mars 2025 sur la végétalisation de l’alimentation.

Voir le site
Top