10/07/2023
Note de lecture, 10 juillet 2023
Nature du document: Notes de lecture
Avec : Nahon Daniel
Mots-clés: Biodiversité , Climat , Forêt , Paysage , Sol

[Roman] "Rien qu’une grimace dans les affaires du monde"

Celles et ceux qui ont déjà écouté une conférence de Daniel Nahon savent combien celui qui a présidé le Cirad au tournant des années 2000 est un conteur né. La voix posée, l’homme sait embarquer son auditoire vers les minérales contrées des géosciences, plutôt hostiles à première vue. Il n’est donc guère étonnant que ce professeur émérite ait, pour un temps, préféré la plume au micro, et signé un roman : « Rien qu’une grimace dans les affaires du monde » aux Editions Parole (2022).

Située entre la ville de Saint-Louis au Sénégal et la curiosité géologique de Richat dans le reg mauritanien, l’intrigue retrace l’histoire d’une famille franco-sénégalaise de la fin du 19ème siècle à nos jours. Le lecteur suit ainsi page après page la vie d’Ismahâne, sénégalaise Toucouleur fille d’un instituteur, d’Ernest, officier dans l’armée coloniale qui deviendra son époux, de leur petit-fils Philippe conseiller spécial à la FAO et de son ami, Osseynou, sénégalais peul, leader de la contestation universitaire de 1968. A travers ces récits de vie, c’est bien l’histoire géopolitique du Sahel, depuis la création de l’AOF, l’Afrique Occidentale française en 1895, jusqu’à la période récente avec le conflit armé au Mali qu’esquisse Daniel Nahon. Non sans se plaire à mêler à l’intrigue des personnalités telles que Blaise Diagne, député du Sénégal, ou le poète et premier président de la République du Sénégal, Léopold Sédar Senghor.

Au-delà de l’aspect historique, l’auteur renoue assez vite avec ses sujets de prédilection que sont le réchauffement climatique, l’agriculture ou l’érosion des sols. Car l’ouvrage, notamment dans sa seconde moitié, est également prétexte à une analyse sans concession de l’impact social et environnemental que la colonisation a eu sur les populations, les écosystèmes et les paysages agricoles de ce territoire. En la matière, l’amertume de Daniel Nahon est à la hauteur de l’amour qu’il a pour ces contrées. Décrivant par exemple la déforestation massive d’après-guerre pour laisser place à la monoculture d’arachide, de coton ou de riz, sa plume se fait tranchante : « Philippe avait vu les paysages de son enfance se transformer, au fur et à mesure qu’il grandissait, en une vaste monoculture d’arachide. La désolation était telle, qu’inconsciemment on donna à ce type d’économie une dénomination funeste : "la traite de l’arachide, un siècle après la traite des noirs" ». Cette analyse n’est pas sans rappeler celle opérée par le politiste Malcom Ferdinand avec le concept de « plantatiocène » qui fait référence au passage d’une agriculture traditionnelle au système de plantation, basé sur les monocultures intensives et l’asservissement de la main d’œuvre.

Vous l’aurez compris ce roman cache un manifeste, qu’assume pleinement l’auteur : les tourments que connaissent les régions du Sahel « ne peuvent être compris qu’en plongeant dans l’histoire coloniale  » confie-t-il.

Mission Agrobiosciences-INRAE, juillet 2023. Visuel : couverture de l’ouvrage

Daniel Nahon, Ed. Parole

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