L’information a commencé à filtrer par un simple entrefilet de quelques lignes dans la presse spécialisée, mais elle a fait l’effet d’une douche froide : l’entreprise Naïo Technologies a été placée en redressement judiciaire le 6 juin et « de potentiels acquéreurs ont jusqu’au 27 juin pour déposer des offres de reprise », annonce le site en ligne dédié au machinisme agricole du groupe Réussir. « Comment cette start-up leader des robots agricoles a-t-elle pu se retrouver dans une telle situation ? », s’interroge dès le lendemain La Dépêche du Midi. Le quotidien régional souligne qu’en 2022, la PME basée à Escalquens (Haute-Garonne) affirmait avoir vendu 300 robots depuis sa création. Elle avait surtout réussi une nouvelle levée de fonds de 32 millions qui devait lui permettre de « doubler sa flotte de machines opérationnelles » pour le maraîchage et la viticulture.
Selon France 3 Occitanie, ce sont au total 450 machines qui ont été livrées en 14 ans d’existence dans une vingtaine de pays, jusqu’aux USA. Naïo Technologies avait même lancé un nouveau robot pour les céréaliculteurs en 2022, précise la télévision régionale.
« La transition du statut de start-up à celui d’acteur industriel du machinisme agricole s’annonçait sous de bons augures » analyse Réussir. Pour le groupe de presse agricole, c’est « le ralentissement des ventes de machines agricoles et la crise viticole qui ont eu raison du modèle économique de l’entreprise ».
Une succes-story internationale
Depuis plus de dix ans, la presse généraliste a rendu compte avec enthousiasme des débuts prometteurs de la jeune pousse installée aux portes de Toulouse. La version française du magazine américain Forbes retraçait dès 2018 l’arrivée de nouveaux investisseurs aux cotés des deux ingénieurs-fondateurs qui avaient imaginé à l’origine un robot de désherbage pour les petits maraîchers. La conception d’un deuxième robot destiné aux vignobles a attiré l’attention de propriétaires de grands crus et d’un groupe spécialisé dans les drones, avec l’ambition d’exporter jusqu’au Japon, résume Forbes. Gaëtan Séverac et Aymeric Barthès ne détenaient alors plus que 10% du capital de la start-up. En 2023, l’entreprise employait 80 personnes dont une quinzaine en Californie, mais aussi en Espagne ou en Afrique du Sud, rapporte La Gazette du Midi.
Paradoxalement, il n’y avait « toujours pas l’ombre du robot Naïo dans l’Aveyron » constatait La Volonté Paysanne en 2023. Le directeur du marketing de l’entreprise se réjouissait toutefois dans les colonnes de cet hebdomadaire professionnel départemental d’avoir trouvé un distributeur en Afrique du Sud pour les premiers pas « sur le continent africain » d’Orio, le dernier né des robots de Naïo destiné aux grandes cultures.
Beaucoup plus de robots dans les étables que dans les champs
Les performances du robot Orio n’ont toutefois pas convaincu tout le monde en France. Des tests de semis et de binage réalisés par Arvalis sur une parcelle de blé de 3ha de sa ferme expérimentale de Lorraine « montrent des lacunes des robots au niveau économique et même du temps de travail », annonce le site spécialisé Terre Net. Les actionnaires de Naïo ont-ils eu les yeux plus gros que le ventre ? Le premier robot destiné aux maraîchers était un prototype construit « sur un vieux châssis de tondeuse », se souvient Matthias Carrière, directeur commercial de la start-up, au détour d’un article louangeur d’une publication destinée aux agriculteurs bretons du groupe Ouest-France.
« Si l’idée ce sont des robots à 200 000 €, cela ne fonctionnera pas en grandes cultures. Déjà que des tracteurs à 300 000 €, cela pose question… », témoignait de son côté un céréalier des Hautes-Pyrénées lors du salon mondial de la robotique organisé en 2024 aux portes de Toulouse. Selon le journaliste Julien Heyligen, on ne comptait alors que 600 robots en production végétale, dont 45% en maraîchage, 45% en viticulture et seulement 10% en grandes cultures. A titre de comparaison, il y aurait 18.000 robots en service dans les 54.000 exploitations laitières, que ce soit pour la traite, la distribution des aliments ou le nettoyage des stabulations.
Naïo Technologies placé en redressement judiciaire Réussir machinisme, 13/05/2025.
Fleuron de la robotique agricole, la société Naïo Technologies près de Toulouse confirme être "en redressement judiciaire" et cherche un repreneur
La Dépêche du Midi, 14/05/2025.
Naïo Technologies, pionnier des robots agricoles, cherche un repreneur après un effondrement de ses ventes France 3 Occitanie, 16/06/2025.
Naïo Technologies, Le Fleuron De L’AgTech à La Française Forbes (France), 11/01/2018.
Après sa levée de fonds de 32 M€, Naïo Technologies s’impose comme un leader de la robotique agricole
La Gazette du Midi, 15/06/2023.
« La robotisation en grandes cultures demeure au stade de prototype » Terre Net, 04/02/2015.
Bretagne. En 10 ans, le petit robot de désherbage Oz a bien changé !
Terra (publi-hebdo, groupe Ouest France), 26/10/2024.
Les robots en grandes cultures, c’est (vraiment) pour quand ?
Terre Net), 26/06/2024.