19/11/2024
Revue de presse, mardi 19 novembre 2024
Nature du document: Revue de presse

Réinventer les manifs agricoles à l’ère des réseaux sociaux

Les traditionnels cortèges de tracteurs dans les villes, avec jet de purin sur les grilles de la préfecture, sont-ils une mise en scène dépassée du malaise dans les campagnes ? La question se pose à la veille du « deuxième acte » des manifestations de l’hiver dernier, alors que chaque syndicat agricole fourbit aussi ses arguments avant les élections de janvier prochain dans les chambres d’agriculture.

«  Les Français soutiennent les mobilisations agricoles », assure Jérôme Fourquet dans Ouest-France. Le directeur du département « Opinion & stratégies d’entreprises » de l’Ifop commente le traditionnel « baromètre » réalisé pour le compte du quotidien régional breton dans le cadre de ses assises « agriculture et alimentation ». Selon ce sondage repris par Agri Mutuel, 88% des personnes interrogées affichent leur soutien aux agriculteurs qui manifestent... mais « ils peinent à traduire cette solidarité en actes  » : seulement 59% sont prêts à payer pour des produits locaux ou made in France. Le groupe de presse agricole Réussir préfère retenir que les aliments produits en France sont « plébiscités » à 91%, contre seulement 58% pour les produits bio.

Course à l’échalote syndicale

Pour revenir aux manifestations, Jérôme Fourquet observe que si le consommateur-citoyen approuve et comprend la colère des agriculteurs, « cette bienveillance est d’autant plus forte aujourd’hui que le répertoire d’actions est quand même un peu plus apaisé qu’il ne l’était par le passé  ». Dans Libération, l’historien Edouard Lynch relève que la FNSEA « s’est peu à peu désengagée de l’action directe » dans les années 80 en la déléguant aux Jeunes Agriculteurs, mais se retrouve « dépassée par la Coordination Rurale, qui reprend à son compte la rhétorique de la violence paysanne légitime ». L’universitaire lyonnais évoque même « une forme de poujadisme  ». « Au final, je serai surpris qu’on assiste à de vrais bouleversements dans les urnes », conclut-il.

Dans Le Monde, Laurence Girard évoquait avant le 11 novembre « une course à l’échalote » entre les syndicats. Une semaine plus tard, le quotidien du soir soulignait l’unanimité politique et syndicale contre la signature de l’accord commercial avec les pays du Mercosur par l’Union Européenne. « Conclu, l’accord pourrait enflammer la colère des agriculteurs. Mais à l’inverse, si la France parvenait à bloquer les négociations, le mécontentement ne s’éteindrait pas, explique Claire Gatinois. L’exaspération des exploitants qui s’illustre sur les routes du pays n’est que le premier acte d’une mobilisation qui promet de s’étirer jusqu’au Salon de l’agriculture, fin février 2025 ».

Multiplication des actions pour la presse locale et les télévisions

Au Puy-en-Velay, des tracteurs de la FDSEA et des JA ont déversé des pierres et des formulaires administratifs broyés en confettis devant la direction départementale des territoires de la Haute-Loire, rapporte le quotidien régional L’Eveil. Dans l’Indépendant de Perpignan, la Coordination Rurale annonce son intention de bloquer la frontière avec l’Espagne au péage du Boulou sur l’A9. Dans l’ex-région Poitou-Charentes, c’est la plateforme logistique de 36 supermarchés Leclerc à Ruffec (Charente) qui est ciblée par les militants en bonnets jaunes, rapporte La Nouvelle République. Autant de manifestations plus ou moins « musclées » conçues pour attirer les caméras de télévision, comme ces «  feux de détresse  » très télégéniques annoncés lundi soir sur les ronds-points de nombreux cantons.

Dans ce contexte, les actions de la Confédération Paysanne peinent à émerger médiatiquement. Qui en dehors des lecteurs de la Semaine de l’Allier a entendu parler de cette action ironique des militants du département qui ont débarqué dans une concession automobile pour échanger une « limousine  » contre une berline allemande ? Un autre garage de la marque a été visité « pacifiquement » par l’ancien syndicat de José Bové dans le Lot-et-Garonne, rapporte Le Petit Bleu d’Agen. Aurait-il fallu le « démonter » à la manière du McDo de Millau pour que l’action dépasse un entrefilet dans la presse locale ?

La palme de l’initiative locale misant davantage sur le sourire que sur la violence, même symbolique, revient peut-être à ce village de Dordogne qui a eu l’idée de planter un sapin de Noël... à l’envers. Comme les panneaux routiers annonciateurs de l’acte I de la colère paysanne, et avec un arrosoir en guise d’étoile précise France 3. Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour attirer des like quand on veut lancer « une jacquerie » aujourd’hui !

Par Stéphane Thépot, journaliste

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