22/12/2020
Revue de presse du mardi 22 décembre 2020
Nature du document: Revue de presse

Réforme de la PAC : aux Etats membres la main… verte ?

Si tout le monde songe sérieusement à enterrer la catastrophique année 2020, sa successeur ne s’annonce pas moins chargée. Parmi les gros chantiers en vue, la réforme de la PAC promet de tatillonnes négociations. 2020 en aura crédité le budget – 336,4 milliards d’euros tout de même – et esquissé les contours. 2021 doit être l’année de sa concrétisation. Après un passage entre les mains de la Commission européenne, du Parlement et du Conseil des ministres, le dossier est à présent confié aux bons soins des Etats membres. Charge à chacun d’entre eux d’élaborer un plan national stratégique qui doit préciser les modalités de mise en œuvre de la PAC sur leur territoire. Un nouveau modèle de gouvernance, avec une subsidiarité accrue, qui fait craindre de fortes distorsions entre Etats et interroge : à l’heure où l’UE s’est dotée d’ambitions environnementales avec son Pacte vert, la PAC ne risque-t-elle pas de rater sa cible ? Revue de presse.

Vers la neutralité carbone en 2050

Chaque réforme de la PAC dévoile son lot de nouveaux instruments et de griefs. L’actuelle mouture n’y échappe guère. Fait notable, elle prend forme dans un champ plus contraint qu’à l’ordinaire. Son nom ? Le Pacte vert (Green Deal). Initiée l’an passée, cette feuille de route qui vise à rendre durable l’économie de l’UE, fixe des objectifs précis à tous les secteurs. Pour l’agriculture, ils sont minutieusement listés dans deux documents de référence (1) notamment la stratégie «  De la ferme à la table » qui vise par exemple, à l’horizon 2030, une réduction de 50% de l’usage des pesticides, 25% de la surface agricole utile dédiée à l’agriculture biologique ou une diminution de 50% de l’usage des antibiotiques. Tout l’enjeu consiste donc désormais à voir quelles actions vont être mises en œuvre dans le cadre de la PAC pour tenir ces engagements (Plein Champ).
La question est d’autant plus brûlante que le bilan de la PAC en matière d’environnement n’est guère reluisant, si l’on en croit la Cour des comptes européenne. Epluchant le bilan de performance de la PAC sur la période 2014-2020, la gardienne des finances de l’Europe a ainsi estimé qu’en dépit « des promesses de la PAC, ses mesures n’ont qu’un faible impact pour ce qui est de lutter contre le changement climatique ». Et ce n’est guère mieux du côté de la biodiversité (Environnement magazine).

Inverser les tendances

La PAC 2021-2027 fera-t-elle mieux que l’ancienne ? Pas en l’état ! C’est ce que révèle une étude INRAE-AgroParisTech publiée fin novembre et réalisée suite à un appel d’offre du Parlement européen. La conclusion, ainsi résumée par Le Monde, est sans appel : «  la prochaine PAC ne permettrait pas en l’état d’atteindre les objectifs du Green Deal  ». Passé ce rude constat, quels sont les arguments des chercheurs sur le volet environnemental notamment ?
Actuellement, la PAC version 2020 introduit effectivement un nouvel outil pour encourager l’adoption de pratiques agroécologiques, appelé écorégime. Si ce dernier doit obligatoirement figurer dans le plan stratégique national remis par chaque Etat, son adoption reste pour le moment volontaire pour les agriculteurs. Première piste suggérée, s’engager dans « net renforcement de la conditionnalité des aides »(2) , celle-ci pouvant être un levier efficace pour inverser les tendances (3).
Deuxième piste suggérée, bien baliser les objectifs environnementaux qui seront affectés au premier ou au deuxième piliers(4), dont la gouvernance et le financement diffèrent. Ceci pour assurer une certaine cohérence communautaire sur les enjeux globaux, telle que l’urgence climatique. Précisément, les chercheurs préconisent que les écorégimes visent «  les biens publics globaux tels que l’atténuation du changement climatique, le bien-être des animaux ou le rétablissement de la biodiversité  ». Les « biens publics locaux comme par exemple la quantité et la qualité de l’eau, la fertilité des sols, et la diversité des paysages » relèveraient du second pilier (5) (Webinaire INRAE).

Difficile équilibre

Lors d’un webinaire dédié à la PAC, deux des coauteurs INRAE de l’étude, Cécile Détang-Dessendre et Hervé Guyomard insistent néanmoins : si elle est aujourd’hui sous les feux de la rampe, la PAC ne peut, à elle seule, répondre aux enjeux du Green Deal concernant l’agriculture. D’autres politiques devront être remodelées ou ajustées qu’elles aient trait à l’alimentation – nécessaire changement des diètes alimentaires – ou au commerce extérieur. Car l’adoption des pratiques agroécologiques peut également induire une diminution des rendements comme un accroissement des prix pour les consommateurs. Il faudra donc tout à la fois veiller à ne pas fragiliser agriculteurs et consommateurs les plus précaires.
Un subtil jeu d’équilibriste que détaille également Ouest France dans son édition du 9 décembre. Le quotidien revient notamment sur les résultats d’une autre étude, américaine cette fois. Réalisée par les experts du Département de l’agriculture américain (USDA), elle porte non pas sur la PAC mais sur la stratégie « De la ferme à la fourchette ». L’une de ses conclusions ? « Si cette politique était appliquée, elle aboutirait à une baisse de la production agricole européenne dans une fourchette comprise entre 12 % et 17 % en fonction des scénarios retenus  ».
D’autres travaux seront sans doute nécessaires pour mieux en mesurer les impacts. Pour l’heure, il s’avère impossible de statuer sur l’efficacité de la future politique agricole commune, en l’absence des plans stratégiques nationaux. Une chose est sûre : leur élaboration promet des négociations serrées, tant au niveau national qu’à l’échelon européen, la Commission européenne se réservant in fine le droit de valider (ou non) la copie des Etats. Sur ce point, rendez-vous en 2021.

SOURCES

Réussir ; Environnement magazine, Ouest France, Le Monde...

(1) Le second document est la Stratégie Biodiversité
(2) c’est-à-dire que, pour toucher les aides, l’agriculteur doit respecter un ensemble de règles.
(3) Exception faite de l’usage des antibiotiques, en très bonne voie, les courbes tendancielles sur le recours aux pesticides, les excès de nitrates ou la surface AB ne permettront pas d’atteindre les objectifs fixés par l’UE. Source : Webinaire INRAE « quelle politique agricole commune demain ? » 14 décembre 2020.
(4) Rappelons ici que la PAC se compose de deux piliers. Le premier pilier, intégralement financé par l’UE, absorbe 75% du budget et regroupe les aides directes, de soutien aux revenus notamment. Le second pilier, axé sur le développement rural, est géré et cofinancé par les états et les régions. Les écorégimes ont été placés dans le premier pilier tandis que les MAE, les mesures agroenvironnementales, restent dans le deuxième pilier.
(5) Via les MAE, les mesures agroenvironnementales.


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