20/06/2004
Café-débat à Marciac. 3 juin 2004
Nature du document: Actes des débats

Quels défis et quels paris pour le commerce équitable ?

Alexis Krycève et Jean-Claude Flamant

Le commerce équitable a le vent en poupe. On trouve de plus en plus de paquets de cafés, thés ou tablettes de chocolats, souvent estampillés du label « Max Havelaar », sur les rayons des grandes surfaces.
Mais que recouvre exactement la notion de « commerce équitable » ? A quels cahiers des charges répondent ces produits ? Qui contrôle et distribue le label ?
« C’est un sujet auquel nous adhérons, sans trop savoir de quoi il s’agit », souligne Jean-Claude Flamant dans son introduction. Pour en savoir plus, l’initiateur des cafés-débats à Marciac avait invité Alexis Krycève, directeur de marketing d’Alter Eco, une société d’importation et de distribution de produits issus du commerce équitable, à en présenter la quintessence, le 3 juin 2004. Passionné par son métier, il se bat pour que le Commerce Equitable qui ne représente que 0,01% du commerce mondial devienne une véritable alternative.

Du militantisme aux grandes surfaces
« L’idée du commerce équitable est née dans les années 60. Elle est issue du milieu des ONG », raconte Alexis Krycève. L’histoire retiendra qu’à la question de savoir comment les aider au mieux, des producteurs de café mexicains auraient répondu : « nous payer un prix juste pour vivre de notre travail  ». Le regroupement des petits producteurs au sein de coopératives est le premier souci du commerce équitable.
La coopérative de l’un des fondateurs de Max Havelaar, un protestant devenu producteur de café au Mexique, est désormais devenu «  une structure énorme, qui a ses propres réseaux », explique A. Krycève. Il ajoute que l’organisation en coopérative est nécessaire pour disposer de « volumes » au niveau de l’offre mondiale et pour approvisionner les « grandes surfaces ». Car la grande nouveauté, c’est que ces produits, disponibles depuis de nombreuses années dans des boutiques spécialisées et militantes du type « Artisans du Monde », sont désormais distribués par Leclerc ou Carrefour. « C’est devenu une vraie alternative, pas seulement réservée à quelques intellos », se félicite Alexis Krycève.
La présence de produits équitables dans les grandes surfaces ne fait cependant pas l’unanimité dans la salle. « Pour eux, c’est de la pub. Les grandes surfaces ne sont pas « équitables » avec les petits producteurs locaux », accuse un petit commerçant forain. « C’est un contre-sens  », ajoute un agriculteur, qui pense sans doute aux actions coup-de-poing menés par certains syndicats de producteurs locaux contre les prix de la viande ou des fruits, jugés trop bas. Un producteur basque demande pourquoi le commerce équitable ne concerne que les produits de l’hémisphère sud. Réponse du directeur de marketing d’Alter Eco : «  ce n’est pas notre métier ». Il explique qu’il veut donner la priorité aux producteurs les plus « exclus », « ceux qui sont au bout du chemin, au fond des forêts ».

Des labels privés, mais pas de normes
L’autre grande question des participants au débat concerne l’origine des produits. Comment être sûr que les producteurs sont payés « équitablement », et comment établir le prix ? Alexis Krycève explique que l’association Max Havelaar défini le « prix juste », toujours supérieur au prix du marché, en intégrant des « primes » pour permettre aux producteurs d’améliorer leurs outils de production. « Les entreprises affinent ensuite sur le terrain », raconte-t-il.
Il arrive ainsi qu’Alter Eco propose des prix encore supérieurs. Cela est possible par la faible proportion du coût de la matière première dans le prix final. Exemple d’une boîte de thé : le thé ne représente que 2 centimes, contre 30 centimes pour la boîte elle-même. « On propose donc aux producteurs de maîtriser aussi la transformation de leurs produits quand c’est possible », raconte le directeur de marketing. Toujours dans le souci d’inclure de la valeur-ajoutée, les producteurs sont incités à passer à l’agriculture biologique, mieux valorisée.
Mais contrairement au label « AB », le label « Max Havellar » est un label privé, non un signe officiel. Une fédération internationale du commerce équitable, basée à Bonn, surveille les labellisateurs. En France, des travaux sont en cours pour tenter de définir une norme « commerce équitable ». Signe que le marché existe, d’autres labels se sont créés. Mais ils sont « moins exigeants », selon Alexis Krycève. Et si les grandes surfaces étaient finalement les meilleurs garants des produits « équitables » pour les consommateurs. « Ils nous demandent des garanties fortes sur l’origine de nos produits pour ne pas être taxés de « publicité mensongère » par les agents de la répression des Fraudes  », assure le cadre d’Alter Eco.

S.T

Un militant « moderne »
Frais émoulu d’une grande école de commerce (HEC), Alexis Krycève a fait le choix de rejoindre Alter Eco, une jeune entreprise qui tente de percer sur le créneau du commerce équitable en France, plutôt que travailler confortablement dans un grand groupe. « C’est plus motivant », explique le jeune homme, âgé de 26 ans. La société, créée en 2002, a commencé par afficher des pertes. Visant explicitement la clientèle des grandes surfaces, elle espère renouer avec les bénéfices en 2004. Le jeune diplômé y croit. Il « vend » l’idée du commerce équitable comme une « solidarité facile et accessible ». Mais refuse la charité. « Je ne vends pas mon chocolat parce qu’il est équitable, mais parce qu’il est bon  », affirme-t-il. Alexis a fait sienne une vieille devise anglo-saxonne qui avait cours dans les années 60 : « Traid, not Aid » (Le commerce, pas les aides). Il se définit comme un « militant moderne », qui préfère « l’action » aux « manifestations ».

Télécharger le cahier

A propos des Cafés-Débats

Organisés à l’initiative de la communauté de communes Bastides et Vallons du Gers et de la Mission d’animation des agrobiosciences, les cafés-débats de Marciac se sont tenus de juin 2002 à juin 2006. Objectif : éclairer les mécanismes des agricultures du monde et, du même coup, mieux cerner les enjeux et dynamiques des agricultures françaises et européennes.
Chaque conférence-débat était introduite par le Groupe Local de Réflexion qui livrait le fruit de ses réflexions sur le sujet pour amorcer le débat. Chaque intervenant proposait ensuite, durant environ 3/4 d’heure, sa lecture de la problématique, laissant un large temps à la discussion et au débat avec le public.
Le tout dans une ambiance des plus conviviales puisque les rencontres étaient précédées, pour celles et ceux qui le souhaitaient, d’un dîner voire même d’un interlude jazz proposé les élèves du collège de Marciac.
A l’issue de chaque rencontre, la Mission Agrobiosciences a édité un Cahier. Vous pouvez retrouver tous les cahiers des cafés-débats de Marciac ICI. Nous attirons cependant votre attention sur le fait que le contenu de ces derniers n’a pas été réactualisé depuis leur édition.

Avec Alexis Krycève, directeur de marketing d’Alter Eco

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